Les premiers récits écrits par les romains, qui arrivèrent dans la région en 161, soulignaient déjà la présence de pirate dans les eaux de la mer de Chine méridionale. Née de la résistance à la colonisation qui avait détruit les circuits commerciaux des marchands islamiques, les pirates menaçaient jadis les cargaisons d’épices et d’autres denrées exotiques rares. Depuis lors, la piraterie n’a jamais vraiment cessée. Dans le monde de l’après 11 septembre, l’enjeu de la piraterie dans le détroit de Singapour prend une ampleur nouvelle. Au-delà du simple vol de cargaison, les pirates ont maintenant la possibilité d’interrompre complètement le trafic dans le détroit de Singapour. Zone névralgique où transitent 140 000 navires par an[10], ce détroit représente un cordon d’approvisionnement indispensable pour le commerce mondial. Pour les pays de l’Asie du Sud et du Sud-Est, son importance est tout simplement vitale. À titre d’exemple, 80% des importations pétrolières du Japon y transitent, alors que la grande majorité des 2.1 et 5.56 millions quotidiens de barils de pétrole[11] importés respectivement par la Corée du Sud et la Chine, y circulent. Dans la région, l’équilibre ne tient donc qu’à un fil. On s’imagine assez bien avec quelle aisance une embarcation de fortune bourrée d’explosif pourrait transformer un pétrolier en bombe flottante. Afin d’éviter ce genre d’incident, la lutte contre la piraterie devient aujourd’hui un enjeu crucial. Singapour y joue un rôle central.
En avril 2009, le Times Magazine notait qu’en 2004, le détroit de Malacca/Singapour avait fait l’objet de 38 attaques en provenance de pirates. En 2005, le « London Insurance Market » ajoutait le détroit à la liste des zones à risque élevé de guerre. Puis en 2008, au moment où le nombre d’attaques de pirates dans le monde entier avait presque doublé, seulement deux attaques avaient été enregistrées dans le détroit.
Lorsque le problème de la piraterie devint si grave qu’il commença à menacer l’économie de Singapour, reposant largement sur le commerce, des craintes furent soulevées dans la capitale régionale. L’influence de voix prédisant que des puissances extérieures, dont une bonne partie des échanges transitent par le détroit, pourrait être tentées d’intervenir si les gouvernement locaux se montrait incapables de résoudre lui-même le problème, se faisait sentir. La bonne volonté se frappait cependant aux limites territoriales. Jusqu’à tout récemment, les mesures prises pour contrer la piraterie étaient quasi-inefficaces à Malacca. Les principaux pays le long de la route, la Malaisie, l’Indonésie et Singapour, n’échangeant presque jamais d’informations sur les activités de piraterie. Un nouvel esprit de coopération devait s’installer le long du détroit.
Aujourd’hui, la collaboration entre ces trois pays a remplacé la méfiance. Des mesures prises collectivement permettent d’améliorer de façon significative la sécurité dans le détroit. Depuis 2004, bien que se limitant toujours aux eaux territoriales respectives de chaque pays, les patrouilles maritimes se font de manière coordonnée. Les forces marines communiquent les unes avec les autres afin d’améliorer l’efficacité des patrouilles. Depuis 2005, des équipes formées de pilotes en provenance des 3 pays survolent le détroit à la recherche de pirates. Ces équipes tripartites permettent un meilleur partage de l’information. Les renseignements recueillis sur les pirates sont également diffusés, auprès des gouvernements, sur un réseau basé sur le Web pour un accès rapide et facile. Prises globalement, ces mesures rendent l’option piraterie beaucoup moins attrayante que jadis.
Bibliographie
[1] Matthews, Ron, Yan, Nellie Zhang, “Small Country ‘Total Defence’: A Case Study of Singapore”, Defence Studies 7, 3 (2007), 378.
[2] Ibid., 380.
[3]Ibid., 381.
[4] Jean-Claude Pomonti, « La lutte contre le terrorisme international rebondit en Asie du Sud-Est », Le Monde (Paris), 17 janvier 2002.
[5] Haniff Bin Hassan, Muhammad; George Pereire, Kenneth, “An Ideological Response to Combating Terrorism — The Singapore Perspective”, Small Wars and Insurgencies, 17, 4 (2006), 460.
[6] Patrice de Beer, « L’ombre du terrorisme sur Singapour”, Le Monde (Paris), 08 janvier 2004.
[7] Patrice de Beer, « L’ombre du terrorisme sur Singapour », Le Monde (Paris), 08 janvier 2004.
[8] Norman Vasu, “(En)countering terrorism: multiculturalism and Singapore”, Asian Ethnicity 9, 1 (2008), 27.
[9] Hassan, Muhammad, Kenneth, “Small, An Ideological Response to Combating Terrorism”, 466.
[10] Patrice de Beer, « L’ombre du terrorisme sur Singapour », Le Monde (Paris), 08 janvier 2004.
[11] Adam J. Young P.2