Les débuts
Avant le 15ième siècle, des indices laissent croire que Singapour se trouve sous domination indienne. Ayant laissée peu de traces archéologiques et de donnés historiques, il est difficile de déterminer la duré ainsi que l’intensité que prit cette domination. Les historiens s’entendent cependant pour dire que cette période se termine autour du 16ème siècle, alors que « les hindous, gênés par un interdit religieux qui frappe les voyage outre-mer, abandonnent l’Océan à des navigateurs musulmans » et chinois. À cette époque, un port se situe déjà à l’emplacement actuel de Singapour, le port de Tukmasik. Celui-ci jouait un rôle central au cœur du commerce entre la Chine et l’Inde. Grâce à ce commerce, l’île prend les couleurs d’un carrefour civilisationnelle où différentes cultures se côtoient dans un multiculturalisme qui perdure encore aujourd’hui. Il faut par contre attendre le XIXème siècle pour voir Singapour acquérir une existence indépendante qui lui soit propre.
À cet effet, l’arrivée des britannique sur la péninsule malaise aura un impact décisif. Alors que le pouvoir colonial s’établit premièrement à Penang, en 1786, et étend progressivement sa domination vers le Sud, Singapour demeure membre du sultanat de Johor. Puis en 1819, Sir Thomas Stamford Bingley Raffles achète finalement, au nom de la compagnie des Indes orientales, un droit d’accès à l’île. Dès le départ, ses visées sont claires. En juin 1819, il écrivait : « Notre objectif n’est pas territorial, mais commercial : un grand emporium et un tremplin d’où nous allons pouvoir étendre notre influence politique au fur et à mesure que les circonstances l’exigeront ». L’histoire saura donner raison aux ambitions de cet homme d’état.
Cinq ans plus tard, les Britanniques et les Hollandais s’entendent sur la délimitation de leur sphère d’influence. Après que les Britanniques se soient formellement engagés à abandonner leurs visées sur Sumatra, les Hollandais reconnaissent la souveraineté Anglaise sur l’ensemble de la péninsule Malaise. À cette occasion, l’île passe sous la domination complète de la Compagnie des Indes Orientales. En 1826, l’Angleterre formalise cette entente en consolidant l’ensemble de ses possessions péninsulaires. La nouvelle entité sera nommée « Straits Settlements ». Développements économiques, querelles dynastiques, compétition grandissante en provenance d’autres pouvoirs coloniaux, la gestion de la péninsule par une compagnie privée devient de plus en plus problématique. En 1867, les « Straits Settlements » passent finalement sous le contrôle direct du gouvernement anglais et acquièrent ainsi le statut officiel de colonie. Le « Colonial Office » dirigera Singapour jusqu’au 16 février 1942, date de l’arrivée des Japonais. Lorsque les Japonais débarquent sur l’île, Singapour représente déjà une perle au cœur de l’Orient. Pour l’époque, Singapour est une cité prospère, moderne et à la fine pointe de la technologie.
1941 : L’occupation japonaise
Au matin du 7 décembre 1941, près de deux cents avions japonaises coulent 12 navires américains stationnés à la base de Pearl Harbor. Presque simultanément, les troupes de l’empire nippon, qui contrôlent de l’air et les mers, marchent sur Bornéo, Hongkong, le Siam ainsi que la Malaisie. Dernier bastion britannique, Singapour tombe quelques semaines plus tard. Sur l’île, les japonais prennent 60 000 prisonniers. Psychologiquement, la vue d’un si grand nombre d’européens à la merci de l’ennemi japonais, plus petit et mal équipé, laisse une trace indélébile sur l’imaginaire collectif. Le mythe de l’invisibilité européen commence à s’atténuer. Sur l’île, la population locale est divisée. Libération ou occupation? Collaborer ou résister ?
Très vite, il apparaît clair que le Japon n’est pas là pour affranchir l’île du joug colonial, mais bien pour l’occuper. La population malaise se montre relativement docile, plus encline à collaborer. Pour les chinois par contre, la situation est toute autre. Conscient des horreurs commises par le Japon en Manchourie, occupée depuis 1931, aucun compromis n’est envisageable. Organisés, les communistes quittent les villes et se lancent activement dans la lutte de guérilla. L’objectif? « Abolir le protectorat britannique et les monarchies malaises et organiser une république indépendante que les Chinois domineraient en raison de leur importance numérique.»
À Singapour, la situation se détériore à vue d’œil. Les conquêtes des troupes japonaises, qui se firent du Sud vers le Nord, avait entraînées une situation d’exode massive où un grand nombre de résidents péninsulaires trouvèrent refuge sur la dernière île « libre ». Au moment de la prise de Singapour, sa population a quasiment doublé, passant de 550 000 à près d’un million. Cette situation, couplée à une administration japonaise déficiente, entraîne vite une série de problèmes concrets. L’arrivée des japonais a un impact direct sur la qualité de vie des Singapouriens. Après quelques semaines seulement, les standards de salubrité élémentaire diminuent drastiquement. L’approvisionnement alimentaire fait aussi gravement défaut. De plus, la brutalité japonaise n’a de pair avec rien de ce qu’avait connu Singapour sous l’administration Britannique. Des dizaines de milliers de personnes sont abattus arbitrairement. La situation se dégrade à un point tel qu’après la capitulation nipponne, la réoccupation de l’île par les troupes britanniques est perçue d’un œil favorable par une importante proportion de la population.
Le retour des Britanniques
Les communistes chinois, qui avaient refusé de collaborer pour plutôt combattre l’envahisseur japonais, voient très mal le retour britannique. Comme ils jouissent désormais d’un capital de sympathie au sein de la population locale, ces derniers sont tentés de poursuivre les efforts vers une indépendance complète. D’autres facteurs viendront favoriser le maintient de la lutte pour l’émancipation nationale. D’un point de vue politique, les britanniques indiquent clairement qu’ils ne tenteront pas de punir les collaborateurs. Économiquement, Singapour est en déroute. L’administration anglaise, alourdie par des problèmes endémiques de corruption, s’avère incapable d’orchestrer une relance. Bien qu’ils aient accepté d’être désarmés, un petit nombre de communistes décident de reprendre le chemin de la montagne. La majorité d’entre eux préfère cependant s’impliquer au niveau des villes. Ils créeront deux groupes, le « People’s Democratic Movement » ainsi qu’un mouvement d’action syndicale, le « General Labor Union ». Organisés, les anciens guérilleros tenteront de capituler sur les difficultés qui accablent les travailleurs.
Alimentées par de bas salaires et une pénurie de riz, dans presque tous les secteurs de l’économie, les grèves se multiplient. Depuis le retour britannique, soulèvements, émeutes et affrontements violents se font de plus en plus courant. Le Parti Communiste Malais (PCM), groupe principalement chinois, dirige la lutte et exige la fin de l’administration coloniale. En 1946, la Grande-Bretagne crée l’ « Union Malaise », nouvelle entité politique qui exclut Singapour. Cette transformation aura comme effet d’affaiblir considérablement l’influence du Parti Communiste Malais dans la cité-État. Mais comme en Malaisie, les mouvements de guérillas se font de plus en plus menaçants, la Grande-Bretagne impose l’état d’urgence. Cette mesure exceptionnelle sera aussi en vigueur à Singapour. Le Pari Communiste est interdit, des milliers de militants sont arrêtés et emprisonnés. Coup d’épée dans l’eau, ces efforts peinent à calmer la population. « Dans ce contexte, les pressions sont fortes pour que le statut de la colonie évolue et que sa population prenne de plus en plus contrôle de sa destinée. […] En 1953, une constitution est adoptée établissant les règles d’un passage à l’autonomie interne. »