(1.4) Constitution, Élections et Révolte (1946 – 1963)
Le “Greater Malaysia Plan” et le Traité de 1959
Suite à la Seconde Guerre Mondiale, la Grande Bretagne à largement chercher à dissoudre toute forme de coopération avec des monarques de pays sous leur contrôle : seules les monarques malais (non unifié jusqu’à là) et le sultanat brunéien on put résister aux pressions de détrônement initiale (Stockwell, 2004, 785). En conséquence, la Grande Bretagne élabora un plan de consolidation territoriale dans la région qui unifierais ces trois territoires sur l’île de Bornéo (Bornéo Britannique, Sarawack et le Brunei) et ferait de ces terres Malaises et de Singapour un pays unifié. Les efforts pour une telle unification ont été largement rejetés par le peuple brunéien, mais également par le Sultan Omar Ali Saifuddin III (Stockwell, 2004, 788). Un monarque décisif, fière et éduqué (le premier monarque brunéien à avoir reçu une éducation dans les institutions occidentales), Omar Ali se méfiait d’une union avec Sarawak et la Bornéo britannique en 1953 pour multiples raisons (Stockwell, 2004, 788). Tout d’abord, il avait un dégoût marqué pour une association avec Sarawak, le même royaume qui avait volé du Sultanat un peu plus d’un siècle plus tôt et qui grugeait sans cesse à la souveraineté brunéien (Tan, 2008, 174). Il craignait également que l’union avec ses voisins saperait la souveraineté du Brunei et son autorité sur le territoire. Une union représenterait également une obligation de partager les richesses en huile avec les territoires relativement sous-développés de la région. (Tan, 2008, 175)
Afin de légitimer et renforcer davantage son pouvoir sur le territoire du Brunei suite à la menace d’unification régionale, Omar Ali annonça en 1953 qu’il souhaitait faire dresser une constitution pour le territoire du Brunei. La Grande Bretagne, considérant cet effort de démocratisation comme un pas logique vers l’incorporation du Brunei dans la Malaisie, entreprirent un processus de négociations avec Omar Ali, axée sur le niveau de contrôle que la Grande Bretagne maintiendra au Brunei en dépit de la constitution (qu’ils aideront également à rédiger) (Stockwell, 2004, 810). Avec l’entente entre la Grande Bretagne et le Brunei, signé le 29 septembre 1959, le Sultan du Brunei regagna le contrôle des affaires domestiques brunéien, tandis que la Grande Bretagne siégea toujours comme conseiller et maintenu la responsabilité de la défense et des affaires étrangères du Brunei (Stockwell, 2004, 792). Cette nouvelle constitution stipulait aussi la tenue d’élections populaires afin d’élire des membres d’un Conseil législatif qui aviserait le Sultan.
Ceci fut une victoire partielle pour Omar Ali. D’une part, il regagna une partie de sa souveraineté territoriale, de l’autre, la Grande Bretagne siégeait toujours dans son administration et n’hésiterais pas à intervenir dans les affaires internes de l’État afin d’assurer l’unification brunéienne avec Sarawak et Bornéo. C’est alors qu’en mai 1961 que le Premier Ministre de la Malaya, Tunku Abdul Rahman, propose une alternative au plan d’unification britannique soit de créer un “Greater Malaysia” . Cette proposition, qui unifie le Brunei avec la Malaisie plutôt que de l’incorporer dans une union britannique, plus au Sultan Omar Ali, notamment car il partageait largement le même langage et sensiblement la même culture (Stockwell, 2004, 790). Cependant, ces traits communs n’ont pas été suffisants pour convaincre le Sultan que l’unification lui était la meilleure option. Bien qu’il accepta le plan Malaise en principe, il ne s’y conscrit jamais officiellement, craignant principalement la perte de son pouvoir (Stockwell, 2004, 791).
Partai Ra’ayat Brunei (PRB)
En 1956, le premier et seul parti politique dans l’histoire du Brunei, le Partai Ra’ayat Brunei (PRB) ou Brunei Peoples Party, apparaît sur la scène publique brunéien. Ce parti, fondé et dirigé par Ahmad Azahari, cherche l’indépendance et la réunification du Kalimantan Utara (ou Bornéo britannique) sous le règne du Sultan Omar Ali. C’est alors sous la direction de Ahmad Azahari, un leader charismatique et un orateur hors pair, que le PRB gagna rapidement le soutien de la population (Horton, 1986, 372-373). L’émergence de ce parti est dû en grande parti à des mouvements populistes similaires en Malaisie (Partai Ra’ayat Malaya), en Inde et en Indonésie, ou un petit nombre d’intellectuels cherchaient à gouverner à la place de la présence coloniale (Stockwell, 2004, 793).
Bien que ce mouvement populaire cherchait à augmenter le pouvoir du Sultan Omar Ali, ce dernier le garda à longueur de bras puisque l’existence du PRB posait problème à la monarchie brunéienne (Stockwell, 2004, 786). La constitution de 1959, qui renforçait l’autonomie étatique du Brunei sur l’île de Bornéo, fut alors une victoire partielle pour le PRB. D’une part, la conception d’élections populaires leur donnerait du pouvoir de gouvernance, de l’autre, la séparation définitive de Sarawak et Sabah compliquerait leur plan d’unification brunéienne.
Élections et révolte de 1962
La représentativité que promettait la constitution de 1962 prit rapidement le bord. La popularité du PRB fut d’elle une vraie menace à la souveraineté du Sultan Omar Ali et il s’en méfiait énormément. Il repoussa alors la tenue des élections sous prétexte que des démonstrations populaires rendait le climat local instable. Cependant, reconnaissant l’impopularité d’une telle décision, il nomma Ahmad Azahri (leader du PRB) comme membre de son Conseil Administratif. Chose qui aurait presque certainement été le cas si les élections avaient eu lieu, Omar Ali le fait de sa propre volonté pour réaffirmer son pouvoir décisionnel sur son territoire. Azahri ne siègera sur le Conseil administrative que pour trois mois (janvier à avril 1962), quittant après que sa proposition pour un Bornéo unifié sous le Sultan Omar Ali fut rejetée par ce dernier ainsi que les autres membres du Conseil Législatif (en faveur de négociations d’intégration avec la Malaisie) (Stockwell, 2004, 797).
Les élections populaires ont finalement eu lieu en août 1962 et agissent principalement comme un référendum sur la question de l’intégration brunéienne à la Malaisie. Le résultat fut un support quasi-total du PRB (remportant 54 des 55 sièges possibles), de son mandat d’unification brunéienne, et un rejet absolu d’une intégration avec la Malaisie. C’était le pire résultat souhaitable pour le plan d’unification malais, autant pour Omar Ali que pour les législateurs britanniques. En dépit de l’opinion populaire, ces derniers continuent à rejeter le plan d’unification du PRB mais pour des raisons bien différentes bien sûr (Stockwell, 2004, 798).
Le matin du 8 décembre 1962, une rébellion armée menée par Ahmad Azahri éclata au Brunei (Tan, 2008, 172). L’assaut fut lancé principalement par le bras militaire du PRB, Tentera National Kalimantan Utara (Armée Nationale de Bornéo Nord), une guérilla militaire composée principalement de jeunes malais. Le Sultan dénonça immédiatement la rébellion et demanda l’aide des forces britanniques, responsables selon le traité de 1959 pour la défense du Brunei, afin de la supprimer (Tan, 2008, 173). La révolte fut de courte de durée et la quasi-totalité des forces armées du PRB ont soit été capturées ou abandonnées dans un délai de 10 jours. Suite à la rébellion, Omar Ali déclare un état d’urgence, suspendu la constitution et interdit dorénavant l’existence de tout parti politique, dont le PRB bien sûr (Stockwell, 2004, 798). Bien que la révolte n’ait pas été un succès pour les dirigeants du PRB, elle a accompli l’un de ces premiers objectifs ; consolider le pouvoir du Sultan. L’état d’urgence restera en place jusqu’à l’indépendance du Brunei en 1983 et aucune élection n’a été tenue suite à 1962 (Stockwell, 2004, 802). De plus, avec son pouvoir monarchique consolider, Omar Ali rejeta officiellement et finalement l’entente d’unification avec la Malaisie le 9 juillet 1963 (Stockwell, 2004, 812).
Sources
Horton, A. V. M. 1986. British Administration in. Brunei 1906-1959. Modern Asian Studies 20 (2): 353—374.https://doi.org/10.1017/S0026749X00000871
Stockwell, A. J. 2004. « Britain and Brunei, 1945–1963: Imperial Retreat and Royal Ascendancy ». Modern Asian Studies 38 (4) :785–819. DOI : 10.1017/S0026749X04001271
Tan, Tai Yong. 2008. « The Borneo Territories and Brunei ». Chapitre dans Creating « Greater Malaysia”: Decolonization and the Politics of Merger, 151-188. ISEAS_ Yusof Ishak Institute.https://www.cambridge.org/core/books/creating-greater-malaysia/borneo-territories-and-brunei/8EE4B51D3418B0F9A6346393517D6903.