Vietnam: ouverture économique et l’enjeu de l’expansionnisme chinois

De Annaëlle Laravine

Le Vietnam, pays émergent prometteur, qualifié aussi de « dragon émergent » ou encore comme étant « Asia’s other miracle »[1], est également devenu « le régime […] le plus stable de l’Asie du Sud-Est avec celui de Singapour »[2]. Ainsi, le succès de son ouverture économique entamée dans les années 1980, lui permettra de devenir un acteur non négligeable sur la scène régionale, mais aussi mondiale, comme le montre son adhésion à l’OMC en 2007. . Par ailleurs l’économie vietnamienne doit aujourd’hui faire face à la puissance chinoise, dont le dynamisme économique avantageux peut également représenter un défi majeur.

 

Une nécessité de mettre fin à un isolement économique et diplomatique

À la suite de la Guerre d’Indochine (1946-1954), et de la Guerre du Vietnam (1955-1975), le pays est réunifié en 1975 et devient la République socialiste du Vietnam. Après 30 ans de guerre, le pays est dévasté, isolé et l’économie vietnamienne va au plus mal. Après l’échec des politiques de réforme agraire et de collectivisation inspirées du modèle soviétique et menées par le Parti communiste Vietnamien (PCV) dès 1976, le gouvernement lance en 1986 lors du Sixième congrès du Parti Communiste, le Dôi moi signifiant « changer pour du neuf », « renouveau ». Ainsi les années 1980 inaugurent un renouveau économique marqué par l’ouverture du pays. Cette nouvelle initiative du PCV est caractérisée par une décollectivisation de l’agriculture, une réforme des entreprises publiques, des avancées pour le développement du secteur privé et une lutte plus classique contre l’inflation et le déficit budgétaire. Aussi, l’ouverture de l’économie nationale à la mondialisation libérale ne doit se faire que progressivement. Dès 1990 cette politique d’ouverture à la libéralisation commence à porter ses fruits. Les années 1990 marquent donc la fin de l’isolement économique du Vietnam, étape nécessaire pour que le pays soit intégré au commerce mondial et se développe.

 

L’ouverture économique du Vietnam comme facteur d’intégration régionale

En 1994, la fin de l’embargo américain entraîne une normalisation et un développement des relations économiques avec les États-Unis, qui sont aujourd’hui le premier marché d’exportation du Vietnam, devant l’Union Européenne. De plus, l’adhésion du Vietnam dans l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) en 1995, lui permet de signer de nombreux accords de libre-échange au sein de la région, comme l’ASEAN Free Trade Area (AFTA). Comme les quatre dragons asiatiques, la Vietnam va promouvoir les exportations et les investissements directs étrangers (IDE) et son commerce extérieur va s’orienter vers les chaînes de valeur. Le Vietnam va habilement profiter du renchérissement des coût de production en Chine et, grâce à sa réserve de main d’œuvre et son faible coût du travail, va se substituer partiellement à la Chine dans les chaînes de valeur globales et devenir un lieu de relocalisation attrayant pour les firmes multinationales étrangères. Les parts de marché du Vietnam dans le commerce international et ses exportations n’ont ainsi cessé de progresser depuis les années 1990. Ainsi, l’ouverture économique du Vietnam dans les années 1980 et le succès de sa politique du Dôi moi, qui engendra une croissance soutenue, permettra au pays de s’intégrer graduellement dans l’économie mondiale.

 

La Chine, partenaire économique indispensable  

Depuis l’adoption du Dôi moi, le Vietnam suit la trajectoire chinoise. Ce modèle d’ouverture économique choisi par le Vietnam présente des similitudes notables avec le modèle de croissance de la Chine démarré plus tôt. Ces deux pays, qui ont également en commun un parti communiste détenant le monopole du pouvoir et une économie de marché[3], ont une relation ambigüe marquée par des liens économiques étroits mais également des désaccords importants, comme en Mer de Chine méridionale. Malgré les tensions, la Chine demeure un partenaire commercial majeur pour le Vietnam. Ce dernier, comme les autres pays de la région Sud-Est asiatique, est « tiré par la locomotive chinoise »[4] et profite grandement de la croissance économique soutenue de la Chine.

 

Un déséquilibre important dans les échanges Chine-Vietnam 

Par ailleurs, la relation commerciale entre ces deux pays se caractérise par une asymétrie de plus en plus marquée. Il est donc pertinent de se questionner sur la possibilité que ce dragon émergent soit absorbé par l’économie chinoise[5] dans le futur. Depuis la fin des années 1990, le solde commercial du Vietnam avec la Chine continue de se détériorer et le déficit de la balance commerciale envers la puissance chinoise ne cesse de se creuser. Alors que les importations de Chine constituent près du tiers des importations du Vietnam, les exportations de ce dernier vers la Chine augmentent incontestablement moins rapidement. Aussi, le pays devient la cible de nombreux IDE chinois et d’investissements d’entreprises étrangères profitant de son accès facile à la Chine et des bas salaires pour commercialiser avec cette dernière. Par conséquent le risque pour le Vietnam serait de devenir « un satellite à bas coûts de l’économie chinoise »[6]. L’émergence de la puissance chinoise constitue donc un enjeu non-négligeable pour le Vietnam qui se doit de préserver ses liens économiques avec la Chine tout en s’assurant de maintenir le contrôle sur sa situation et son indépendance vis-à-vis de celle-ci.

 

 

[1] The Economist. 2008. « Asia’s other miracle ».

[2] Delalande, Philippe. 2014. p.74.

[3] Chaponnière, Jean-Raphaël et Jean-Pierre Cling. 2009. p.102.

[4] Caouette, Dominique et Serge Granger. 2019. p.71.

[5] Delalande, Philippe. 2014. p.77.

[6] Delalande, Philippe. 2014. p.77.

 

 

Bibliographie

Barat, Christophe. 2016. « Le Vietnam, nouvel atelier du monde ? Opportunités et enjeux ». MacroDev. 1-32. Le Vietnam, nouvel atelier du monde ? | Cairn.info

Caouette, Dominique et Serge Granger. 2019. « L’Asie du Sud-Est à la croisée des puissances ». Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.

Chaponnière, Jean-Raphaël et Jean-Pierre Cling. 2009. « Vietnam’s export-led growth model and competition with China ». Économie internationale. 2 (118) : 101-130. Vietnam’s export-led growth model and competition with China | Cairn.info

Delalande, Philippe. 2014. « VIETNAM : le dragon émergent sera-t-il absorbé par l’économie chinoise ? ». Diplomatie (67) : 74-77. https://www.jstor.org/stable/26982335

The Economist. 2008. « Asia’s other miracle ». 26 avril 2008. Asia’s other miracle | The Economist

 

 

 

 

 

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