Le Vietnam, partenaire privilégié de l’Inde dans la région sud-est asiatique

Par Annaëlle Laravine

Cette année 2021 marque les 49 ans des relations diplomatiques Vietnam-Inde. Si ces deux pays sont liés par une amitié traditionnelle, leurs relations bilatérales se sont accentuées ces dernières décennies. Cette alliance sur le plan diplomatique mais aussi économique, est non négligeable pour l’intégration de l’Inde dans la région, mais également face à la montée croissante de la Chine.

Une amitié traditionnelle

Il est intéressant de noter que l’Inde et le Vietnam sont unis par des relations culturelles et économiques anciennes qui se sont intensifiées au fil du temps. Après son indépendance en 1947, l’Inde deviendra un véritable chef de file dans la lutte anticoloniale et dans la promotion du non-alignement. Ainsi, New Dehli soutiendra l’indépendance du Vietnam vis-à-vis de la France, puis s’opposera à l’engagement des Américains dans la deuxième guerre d’Indochine. Endossant le rôle de puissance pacifique, l’Inde sera très satisfaite du retrait américain de l’Indochine et apportera son soutien à l’unification du Vietnam. L’Inde et le Vietnam, tous deux proches de l’Union soviétique durant la Guerre Froide, établirent des relations diplomatiques officiellement en 1972 et renforcèrent leurs liens à travers divers accords et partenariats depuis.

Des relations bilatérales essentielles

Après une période d’autarcie protectionniste, le Vietnam et l’Inde souhaitent briser leur isolement et développer leurs relations commerciales. D’ailleurs, dès 1978, les deux pays signent un accord de commerce bilatéral. Puis au début des années 1990, afin de répondre à la nouvelle réalité de l’économie mondiale, l’Inde et le Vietnam amorcent leur ouverture économique et cherchent à s’intégrer dans les flux commerciaux de la région. Cette libéralisation de leurs économies a ainsi contribué à augmenter le commerce bilatéral entre les deux pays. Aussi, la Look East policy, mise en place par New-Dehli, préconise un rapprochement avec l’Asie du Sud-Est, pour accéder à de nouveaux marchés d’exportation. Pour l’Inde, le Vietnam qui représente une opportunité d’accéder aux marchés de l’ASEAN, devient un pilier de cette politique. En 2001, le premier ministre Atal Behari Vajpayee visite le Vietnam, inaugurant ainsi une relation bilatérale privilégiée en Asie du Sud-Est.[1] En 2010, l’accord de libre-échange ASEAN-Inde entre en vigueur, ce qui donnera une nouvelle impulsion majeure au commerce bilatéral.

Le Vietnam et l’ASEAN sont donc des partenaires essentiels pour l’intégration de l’Inde à l’ensemble de la région Asie Pacifique. Au-delà de leurs relations commerciales, le Vietnam et l’Inde ont décidé d’élargir leur coopération à d’autres domaines, comme la cybersécurité ou encore les sciences, technologies et innovations à travers plusieurs partenariats.

 

Une alliance stratégique fondamentale face à la puissance chinoise.

D’autre part, il est important de mentionner que les relations indo-vietnamiennes sont caractérisées par le partage d’intérêts communs, particulièrement, celui de ralentir l’hégémonisme chinois. D’ailleurs, les deux pays partagent « a history of a strained relationship and disputed borders with China »[2]. Tout comme les revendications en Mer de Chine méridionale qui opposent le Vietnam à la Chine depuis des décennies, l’Inde a également un passé trouble avec la Chine, marqué entre autres par la guerre sino-indienne de 1962 et les contestations de leur frontière commune depuis. Ainsi ces deux pays voient d’un mauvais œil les revendications territoriales expansives chinoises, en Mer de chine méridionale, mais également dans l’Océan Indien.

Pour New-Dehli, le Vietnam apparaît alors comme un état pivot et un allié géostratégique, nécessaire contre la Chine « Vietman, due to its critical geostrategic location in the neighborhood of China holds the key to any future strategy to contain the hegemonic rise of China »[3]. La Chine ayant inclus dans sa sphère d’influence le Myanmar et le Pakistan, un rapprochement avec le Vietnam à la périphérie de la Chine est une opportunité non-négligeable pour New-Dehli.

De plus, plusieurs accords ont été signés entre les deux pays dans les années 2000, afin de renforcer leur coopération militaire. Depuis 2015, un pacte d’auto-défense indo-vietnamien permet à la marine indienne de se joindre à des exercices conjoints avec le Vietnam. L’Inde s’est engagée à fournir du matériel militaire à Hanoï, afin de moderniser les forces maritimes vietnamiennes, qui pourraient faire face à la Chine.

Aussi, Hanoï a intégré l’Inde dans la région contestée de la Mer de Chine méridionale, à travers un accord sur l’exploration et l’exploitation du pétrole signé en 2011. Malgré les vives protestations chinoises, l’Inde maintient sa présence dans les eaux vietnamiennes et semble affirmer sa volonté de ne pas succomber à la pression chinoise et de devenir un acteur majeur dans la région indopacifique. S’éloignant de ses principes traditionnels, lors du Forum Régional de l’ASEAN en 2012, New Dehli n’a pas hésité à apporter explicitement son soutien aux revendications territoriales vietnamiennes et à l’importance du respect du droit international et de la liberté de navigation.

 

Il est très probable que les relations indo-vietnamiennes continueront de s’intensifier, le Vietnam étant un partenaire privilégié pour New Dehli afin d’assurer sa présence au-delà de sa sphère d’influence traditionnelle Sud asiatique et faire face à la puissance chinoise. D’ailleurs plusieurs pays de l’Asie du Sud-Est accueillent l’Inde comme « une puissance salvatrice »[4] qui pourrait rivaliser face à une potentielle menace chinoise. L’alliance Inde-Vietnam, appuyée par les États-Unis, pourrait bien à l’avenir constituer un contrepoids à la Chine.

 

[1] Caouette, Dominique et Serge Granger. 2019. p.187

[2] Singh, Yogendra. 2007. p.4

[3] Ibid.

[4] Caouette, Dominique et Serge Granger. 2019. p.198

 

 

Bibliographie

Caouette, Dominique et Serge Granger. 2019. « L’Asie du Sud-Est à la croisée des puissances ». Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.

Pant, Harsh V. 2018. « India and Vietnam : a “Strategic Partnership” in the Making ». S. Rajaratnam School of International Studies. https://www.jstor.org/stable/resrep17644.10

Racine, Jean-Luc. 2016. « La nouvelle géopolitique indienne de la mer : de l’océan Indien à l’Indo-Pacifique ». Hérodote 4 (163) : 101 – 129 La nouvelle géopolitique indienne de la mer : de l’océan Indien à l’Indo-Pacifique | Cairn.info

Saint-Mézard, Isabelle. 2012.  « L’Inde en Asie de l’Est : engagement sous réserve ? ». Politique étrangère Été (2) : 359 – 371 L’Inde en Asie de l’Est : engagement sous réserve ? | Cairn.info

Singh, Yogendra. 2007. « India-Vietnam Relations : The Road Ahead ». Institute of Peace and Conflict Studies. https://www.jstor.org/stable/resrep09303

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