Le Vietnam, plaque tournante du trafic de drogues : Un marché en déclin ?

Par Coline Hondermarck

Le Vietnam est un pays dont la réputation dans le trafic de drogues et d’autres produits illégaux n’est plus à faire. La drogue et la guerre du Vietnam a contribué à l’expansion de ce phénomène et à l’implication progressive de nombreux acteurs. Le trafic de drogues est un phénomène au centre de la globalisation.

 

Une forte proximité géographique avec le “Triangle d’Or”

La situation du Vietnam face à cet enjeu s’explique en grande partie par sa proximité avec le Triangle d’Or[1]. En effet, Le Triangle d’Or, situé dans une région polyethnique et interétatique, regroupe des conditions propices pour la production et pour faciliter les échanges. La situation géographique du Vietnam permet aux contrebandiers de tirer avantages de ces espaces. Ce commerce illégal, créant des liens entre les nombreux pays de la région sud-asiatique, aboutit à une réelle économie parallèle.

Pourtant, même si cette victoire est peu connue, le « Triangle d’Or » connaît un déclin, dans la production d’opium et d’héroïne entraînant par conséquent le Vietnam dans ce processus (en raison de l’interdépendance qui existe entre les différentes régions sud-asiatique par le phénomène de mondialisation). Ce dernier s’explique en partie par une forte pression économique de la Chine. L’influence chinoise dans la région et son pouvoir de persuasion démontrent ainsi leurs effets sur la région. Le Vietnam se retrouve en position de vulnérabilité dès que la Chine applique des restrictions allant à l’encontre des intérêts de la région d’Asie du Sud-Est.

Ainsi, l’interdépendance marque le marché de drogues du Vietnam, véritable plaque tournante du trafic, qui se retrouve soit en difficulté soit dans une position avantageuse selon les mesures politiques et économiques des grands acteurs de la mondialisation.

 

Une plaque tournante reliant différents points du monde

Plusieurs facteurs permettent d’expliquer l’intégration du Vietnam au marché international des produits illicites[2].

une importante saisie de drogues au Vietnam (lecourrier.vn)

Dans un premier temps, les facteurs ethniques entrent en jeu. Les flux migratoires participent à l’arrivée des diverses populations au Vietnam (les populations cambodgiennes, les minorités montagnardes établies au nord du Vietnam, etc.). Depuis la fin des années 70, La diaspora chinoise montre aussi une volonté de s’installer au nord de la région. L’arrivée massive de cette immigration crée des réseaux clandestins (sous l’influence des triades hongkongaises) au sein du marché intérieur des drogues. En effet, la précarité qui touche ces populations et les réseaux d’échanges transfrontaliers que ces dernières alimentent favorisent le commerce illégal.

De plus, les facteurs géographiques sont à prendre en compte dans ce processus. Le vaste territoire du Vietnam empêche le contrôle des frontières, que ce soit terrestres ou maritimes. Ainsi, les réseaux d’échanges entre les différents pays de la région (le Laos, le Cambodge, etc.) sont fortement accélérés.

Enfin, les facteurs historiques et politiques peuvent être mentionnés. L’Asie du Sud-Est a rétabli des liens avec certaines puissances, notamment américaine, française et chinoise, favorisant une fois de plus ce trafic. Les politiques instaurées via les partenariats internationaux participent à l’accélération des échanges économiques. Selon l’observatoire géopolitique des drogues, « la diaspora vietnamienne sert de terreau aux filières du crime organisé »[3].

Ces groupes construisent une hiérarchie structurée s’affranchissant de toutes organisations. Ainsi, un important réseau s’opère aux quatre coins du monde (Paris, Montréal, Prague et même Sydney…), soulignant un phénomène globalisé.

 

L’économie de la drogue à l’échelle globale

Dans un contexte de difficultés financières, l’économie de la drogue s’étend et se manifeste sous diverses formes rendant la lutte contre ce phénomène difficile.[4] Face à une forte demande nationale, les pays développés se tournent généralement vers les pays en développement, notamment en Asie du Sud-Est, pour répondre à leurs besoins. Le Vietnam a tout intérêt à laisser prospérer ce commerce illicite représentant un véritable gain économique pour les pays périphériques du « système-monde » (où il existerait un centre et des périphéries  selon Wallerstein) . Selon Michel Kokoreff, « les trafics de drogues ne peuvent donc se comprendre qu’à l’échelle la plus globale » en s’intéressant à la « déterritorialisation ». Une observation à l’échelle locale, en se focalisant sur les zones socialement disqualifiées et pauvres, est pertinente pour comprendre la situation sociopolitique du pays, mais le trafic est un phénomène globalisé à analyser à une plus large échelle. Avec l’effet de la mondialisation, les réseaux transnationaux dépolitisés se développent. Pourtant, ces groupes utilisent des pratiques politiques dans leurs stratégies. On peut notamment faire référence à la corruption, au blanchiment d’argent, à une confrontation avec les intérêts des États et des acteurs économiques aboutissant à un véritable pouvoir parallèle.

L’interdépendance entre les divers acteurs organisés du Vietnam et des autres nations, en parallèle d’un faible contrôle politique des réseaux transnationaux, aboutissent à l’émergence d’un marché parallèle nuisible aux gouvernements nationaux. L’importance de ce phénomène est à relativiser lorsque des grands acteurs, tels que la Chine, détiennent un pouvoir de persuasion, remettant en question ce marché illégal.

 

[1] Pierre-Arnaud Chouvy, “Le Triangle d’Or : les fondements géohistoriques des chemins de la drogue”, Outre-terre – Revue française de géopolitique n°6, décembre 2003, pp. 219-235.

[2] Observatoire géopolitique des drogues. 1997. « Vietnam », Réseau Voltaire, [En ligne], consulté le 12 novembre 2021,  www.voltairenet.org/article7423.html.

[3] Observatoire géopolitique des drogues. 1997. « Vietnam », Réseau Voltaire, [En ligne], consulté le 12 novembre 2021,  www.voltairenet.org/article7423.html.

[4] Michel Kokoreff, « Trafics de drogues, entre globalisation et localisation », L’Ordinaire des Amériques [En ligne], 216 | 2014, mis en ligne le 11 juillet 2014, consulté le 25 novembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/orda/1268 ; DOI : https://doi.org/10.4000/orda.1268

 

Bibliographie

– Pierre-Arnaud Chouvy, “Le Triangle d’Or : les fondements géohistoriques des chemins de la drogue”, Outre-terre – Revue française de géopolitique n°6, décembre 2003, pp. 219-235.

– Michel Kokoreff, « Trafics de drogues, entre globalisation et localisation », L’Ordinaire des Amériques [En ligne], 216 | 2014, mis en ligne le 11 juillet 2014, consulté le 23 novembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/orda/1268 ; DOI : https://doi.org/10.4000/orda.1268

– Paul Newton, Stephane Proux, Michael Green, Frank Smithuis, Jan Rozendaal, Sompol Prakongpan, Kesinee Chotivanich, Mayfong Mayxay, Sornchai Looareesuwan, Jeremy Farrar, Francois Nosten, Nicholas J White “Fake artesunate in southeast Asia”, in THE LANCET, Vol 357, June 16, 2001

Observatoire géopolitique des drogues. 1997. « Vietnam », Réseau Voltaire, [En ligne], consulté le 14 novembre 2021,  www.voltairenet.org/article7423.html.

– Bate Roger, “Making a Killing. The deadly implications of the counterfeit drug trade”, by the American Enterprise Institute for Public Policy Research, Washington, D.C, 2008

 

 

 

 

 

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