L’accélération du trafic de produits illégaux face aux faiblesses institutionnelles du Cambodge

Par Coline Hondermarck

La santé publique est mise à rude épreuve depuis plusieurs années en Asie du Sud-Est et notamment au Cambodge. Le problème majeur auquel il faut prêter attention concerne surtout le trafic illégal de médicaments contrefaits et de stupéfiants qui sévit depuis plusieurs années dans cette région en pleine croissance. Les données révèlent que les pays les plus touchés sont ceux dont la réglementation semble insuffisante, voire inexistante. Mesurer ce commerce illégal reste approximatif dans la mesure où la collecte de données sur la circulation clandestine de produits reste difficile à obtenir. Quelques rapports et travaux réussissent quand même à faire l’état des lieux de la situation globale dans cette région.

 

L’accélération du trafic de médicaments         contrefaits au Cambodge (Crédit photo : VOLKER STEGER/SIEMENS/SPL/PHANIE)

Le Cambodge, plaque tournante de trafic de produits illégaux

Avec une industrie du médicament en plein essor, la circulation non réglementée de médicaments contrefaits est un problème régional qui a notamment pris de l’ampleur au Cambodge. En 2002, une enquête du Ministère de la Santé au Cambodge a révélé que 13% des médicaments sur le marché étaient faux ou jugés non conformes aux normes de la santé publique, principalement pour les antipaludéens et les antibiotiques[1]. Les médicaments illégaux peuvent être vendus très facilement dans de multiples marchés mais aussi au sein de la chaîne de distribution légale et officielle des médicaments. Généralement, les produits sont conservés sans règle d’hygiène, affectant particulièrement leur qualité. Même s’il s’agit d’un autre combat, le trafic de drogues au Cambodge est en constante hausse depuis plusieurs années, particulièrement en ce qui concerne la méthamphétamine. En effet, le Cambodge est réputé pour faire partie du célèbre « Triangle d’or » avec le Laos et le Myanmar et où se regroupent les divers cartels clandestins. Ces réseaux illégaux s’accélèrent grâce aux nouveaux outils de communication et à Internet, aboutissant à une abolition des frontières avec un marché qui pénètre entre les différentes régions de l’Asie du Sud-Est. Cependant, le gouvernement Cambodgien est réticent lorsqu’un tel sujet, qui tend à démontrer certaines de ses faiblesses, est abordé.

 

La santé publique mise à rude épreuve

Ainsi, le trafic de produits illégaux s’est accéléré à cause de certaines faiblesses institutionnelles, notamment en termes de facilité d’accès aux médicaments. Par manque d’ouverture, les populations vulnérables préfèrent se tourner vers des produits bien moins chers et auxquels ils ont davantage accès. Ce phénomène amène à s’intéresser aux réalités concrètes de l’accès à la santé publique du Cambodge. Les populations cambodgiennes les plus vulnérables, provenant majoritairement des zones rurales, souhaitent éviter les services publics et les pharmacies que ce soit pour des raisons économiques ou de distance. La maladie est rapidement liée à l’endettement chez ces populations qui n’ont pas forcément les moyens de subvenir à leurs besoins en matière de santé et de se rendre exigeants sur la fiabilité des médicaments. Ainsi, la question de la santé publique dans les pays en développement comme le Cambodge reste toujours un aspect préoccupant des politiques nationales. Ces dernières ne parviennent pas à réaliser de réelles innovations dans les politiques d’accès à la santé. Cette situation montre à quel point les pays de l’Asie du Sud-Est restent en net recul par rapport aux pays européens par exemple.

 

Des instruments de lutte efficace ?

L’ensemble de ces problèmes soulevés invite à penser en termes d’instruments de lutte contre le trafic au Cambodge dans la mesure où la fragilité du système de santé publique cambodgien questionne sur la mise en danger la vie des populations. En ce qui concerne les trafics de stupéfiants, un récent rapport d’Amnesty International[2] datant de 2020 dénonce les mesures violentes du gouvernement cambodgien dans la « guerre contre la drogue » qu’il mène depuis trois ans. En effet, cette violence se caractérise par une « vague croissantes d’atteintes aux droits humains, remplit dangereusement les centres de détente et se traduit par une situation sanitaire très inquiétante – davantage encore depuis l’arrivée depuis la pandémie de Covid-19 » (déclare Amnesty International dans un article le 13 mai 2020). De plus, les réseaux de distribution de médicaments contrefaits se multiplient davantage dans des pays où le contrôle semble insuffisant.

De manière générale, le combat contre le commerce illégal se résume souvent à une impuissance des gouvernements et des organisations internationales face à ces multiples réseaux clandestins. La collaboration entre les différentes organisations est encore plus difficile lorsque les institutions nationales craignent de possibles conflits d’intérêts. À cela s’ajoute une limite dans le droit international dans la mesure où la falsification des médicaments ne relève pas d’un crime international comme l’on pourrait penser. Cependant, à l’échelle locale, le parlement cambodgien a quand même adopté quelques lois sur le contrôle des médicaments en 1996[3]. Les sanctions mentionnées concernent une peine qui peut s’étendre jusqu’à 15 ans d’emprisonnement et d’une amende de 5000 dollars. Bien qu’un contrôle existe, force est de constater que le gouvernement cambodgien peine à établir une surveillance accrue sur ces réseaux illicites. Ce phénomène illustre bien le cas d’un pays en développement de la région sud asiatique, bien qu’intégré dans certaines organisations régionales, se trouvant en difficulté face aux failles et aux actes répressifs du gouvernement cambodgien.

[1] Frédéric Bourdier, Boravann Man et Phasy Res, « La circulation non contrôlée des médicaments en Asie du Sud-Est et au Cambodge », L’Espace Politique [En ligne], 24 | 2014-3, mis en ligne le 12 janvier 2015, consulté le 17 septembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/espacepolitique/3220 ; DOI : https://doi.org/10.4000/espacepolitique.3220

[2] – “Cambodge. La violente «guerre contre la drogue», marquée par la torture et la corruption, doit laisser place à une nouvelle politique », Amnesty International, 13 mai 2020, [en ligne], consulté le 5 octobre 2021 : Cambodge. La violente «guerre contre la drogue», marquée par la torture et la corruption, doit laisser place à une nouvelle politique (amnesty.org)

[3] Frédéric Bourdier, Boravann Man et Phasy Res, « La circulation non contrôlée des médicaments en Asie du Sud-Est et au Cambodge », L’Espace Politique [En ligne], 24 | 2014-3, mis en ligne le 12 janvier 2015, consulté le 17 septembre 2021. URL : http://journals.openedition.org/espacepolitique/3220 ; DOI : https://doi.org/10.4000/espacepolitique.3220

 

 

 

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