L’habit dans la politique philippine : le pouvoir aux femmes

par Anaïs Jacquot

 

Les habits des politiciens et politiciennes aux Philippines ne servent pas qu’à faire beau, ils sont également un outil de pouvoir, et ce plus particulièrement chez les femmes. Alors même que durant la période coloniale au 19e siècle, où les Philippines étaient occupées par les Espagnols et que les femmes étaient vêtues de vêtements simples faits de cotton, généralement sans texture particulière et courts, elles étaient déjà reconnues pour leur charme et leur dignité [1].
Il était toutefois reconnu que bien que les hommes et les femmes se laissaient tenter par les nouvelles modes, le choix vestimentaire d’une femme était une manifestation de sa personnalité et de son caractère [2]. C’est dans ce mouvement d’idéologie que les femmes ont pu trouver leur compte dans les dernières années sur la scène politique philippine.

 

Les habits dans la scène politique

En politique, les hommes et les femmes manipulent tous deux les habits parce que ce sont des marqueurs publics de leur allégeance politique et de leur identité. Au début du 20e siècle, alors que les Philippines sont sous l’emprise coloniale des Américains, les politiciens philippins se vêtissent d’habits occidentaux pour démontrer leur pouvoir et leur ouverture et les femmes portaient des robes traditionnelles appelées terno, longues robes avec des manches « papillon ». C’est à cause qu’elle était reconnue pour toujours porter ce genre de robes, afin d’exposer son union avec la nation, que la Première Dame Imelda Marcos, épouse du Président Ferdinand Marcos et femme la plus puissante des Philippines dans les années 1970, obtenue le surnom de ‘Iron Butterfly’ ou « Papillon de fer ». Ceci contribua également à augmenter la popularité du port des terno, mais associa aussi ce vêtement avec Imelda Marcos elle-même et non plus avec une métaphore de la nation [3]. La Première Dame de la « dictature Marcos » n’est toutefois pas la seule femme philippine à avoir utiliser ses vêtements à son avantage.

 

En effet, qu’on parle de suffragettes ou encore des femmes de pouvoir, les femmes aux Philippines utilisent les habits et les stéréotypes de genres associés avec certains types de vêtements ou certaines couleurs comme stratégie politique et de prise de pouvoir bien plus que l’on ne pense [4]. Une autre femme à avoir utilisé cette stratégie n’est nul autre que la première Présidente des Philippines élue en 1986, Corazon « Cory » Aquino [5]. Aussi connue sous le surnom de « la veuve en jaune », Corazon Aquino contrastait énormément avec Imelda Marcos par le fait qu’elle portait des habits occidentaux de couleur jaune et non le terno traditionnel [6]. Cependant, cela n’en faisait pas moins une nationaliste et un point d’intérêt politique apprécié, puisque la couleur jaune fait partie du drapeau national des Philippines et bien qu’elle n’ait pas de signification particulière [7], elle appelle la nation à s’unifier. En 2001, la deuxième Présidente philippine élue, Gloria Macapagal Arroyo, préférait également le port d’habits féminins occidentaux plutôt que du terno. Par ce choix, elle désirait démontrer qu’elle était une femme professionnelle avec un doctorat en économie, qu’elle représentait l’image du professionnalisme et de l’efficacité, en opposition avec son prédécesseur inapte Joseph Estrada [8]. Que ce soit par stratégie politique ou pour montrer l’image de soi désirée au public, les habits étaient et sont encore très importants pour la prise de pouvoir des femmes en politique aux Philippines.

 

Les femmes et la politique

Grâce à leurs choix vestimentaires, les femmes peuvent présenter à l’électorat leurs croyances politiques ou personnelles et alors gagner en crédibilité dans le domaine politique, ce qui explique leur présence grandissante dans le milieu. En ce qui concerne le taux de participation des femmes en politique, les Philippines se trouvent en très bonne position à l’échelle globale. Avec l’encouragement des Nations Unies (UN) envers une participation égale de femmes et d’hommes dans les corps de prise de décision, une amélioration de la situation se pointe du bout du nez, mais il n’y avait encore que dix femmes en position de gouvernance d’un État en 2016. Toutefois, selon l’Index Global d’Écart des Genres réalisé par le Forum Mondial d’Économie la même année et qui examine les facteurs d’égalité des genres, la santé, l’économie, les opportunités politiques et la prise de pouvoir politique, les Philippines était au 7ième rang. De plus, ce pays est le seul à avoir élu deux femmes comme chef de nation dans une période de moins de vingt ans [9].

 

En termes de statistiques, entre 1998 et 2013, les taux de membres officiels féminins élus aux Philippines est passé de 16,15% à 19,92%, impliquant donc une baisse du pourcentage d’hommes sur la scène politique philippine, passant de 83,85% à 79,75% entre ces mêmes années. En 2016, une augmentation du nombre de femmes politiciennes participantes dans la politique nationale avait aussi pu être aperçue, alors que deux candidats présidentiels sur cinq étaient des femmes [10]. Cependant, bien que celles-ci prennent une place grandissante au Sénat et à la Chambre des Représentants, les femmes ne représentaient encore que 20% à 25% des élus gouvernementaux dans la politique locale en 2016 [11].

 

Bibliographie

Boy Scouts of the Philippines (1993), « Respecting Our Flag », Boy Scouts of the Philippines, Manille.

 

Coo, Stéphanie Marie R. (2014), « Clothing and the colonial culture of appearances in nineteenth century Spanish Philippines (1820-1896) », Université Nice Sophia Antipolis, Nice.

 

Hega, Mylene D., Alporha, Veronica C. et Evangelista, Meggan S. (2017), « Feminism and the Women’s Movement in the Philippines: Struggles, Advances and Challenges », Friedrich-Ebert-Stiftung, Manille.

 

Roces, Mina (2005), « Women, Citizenship and the Politics of Dress in Twentieth- Century Philippines », KASAMA vol.19 n.1.

 

Roces, Mina (2008), « Gender, nation and the politics of dress in 20th century Philippines », IIAS Newsletter vol.46 Winter 2008, p.4-5.

 

Références

[1] Coo 2014, p.60.

[2] Coo 2014, p.146.

[3] Roces 2005.

[4] Ibid.

[5] Hega, Alporha et Evangelista 2017, p.8.

[6] Roces 2008, p.4.

[7] Boy Scouts of the Philippines 1993, p.30.

[8] Roces 2008, p.5.

[9] Hega, Alporha et Evangelista 2017, p.8.

[10] Ibid.

[11] Hega, Alporha et Evangelista 2017, p.9.

Lien pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés