Laos: Une réthorique laotienne de modernisation pour justifier l’éradication de des minorités éthniques

Une réthorique laotienne de modernisation pour justifier l’éradication de ses minorités éthniques 

 

« Paix, Indépendance, Démocratie, Unité et Prospérité ».

Telle est la devise du Laos. Mais les termes « Unité et Prospérité » méritent une attention particulière.

 

Avant 1989, le gouvernement laotien divisait les 68 ethnies en trois groupes distincts basés sur leur géolocalisation : les Lao Loum (Lao des plaines), les Lao Theung (Lao des plateaux) et les Lao Sung (Lao des sommets)[1] [2]. Ce dernier groupe n’a pourtant rien de « lao ». Elle regroupe en effet les Hmong, ethnie représentant 10% de la population mais étant largement marginalisée par l’ethnie majoritaire lao. Cette dernière, représentant 68% de la population, a une place prépondérante dans les décisions politiques du gouvernement laotien.  L’ethnie minoritaire quant à elle, n’habite pas seulement les hautes terres, mais survie dans la jungle et font face à une insécurité alimentaire sans précédent[3]. Comment appréhender la devise nationale laotienne lorsque son gouvernement relocalise, assimile et dénude la minorité Hmong de son identité culturelle ?  Comment appréhender la gestion de l’ethnicité à l’ère de l’économie de marché et de l’urbanisation ?

A partir de 1986, suivant la logique vietnamienne, le Laos s’ouvre désormais à l’économie de marché participant au processus de son développement. Avec l’introduction du Laos dans la sphère d’une économie libérale basée sur la privatisation des entreprises et l’exportation de ses matières premières, le pays doit redorer son image afin d’attirer et de s’ouvrir au monde extérieur : réduction de la pauvreté, et amélioration des conditions de vie impliquent le gouvernement à adopter des stratégies particulières de marginalisation des ethnies minoritaires[4] [5]. La « relocalisation n’est pas véritablement le phénomène de mobilité mais le processus de déterritorialisation » affirme Steeve Daviau en 2004. Depuis la détermination laotienne de s’intégrer à l’économie de marché, l’élaboration de Zones Prioritaires de Développement a pour but de se « diffuser progressivement dans les zones les plus reculées et notamment les hautes terres habités par les Hmongs ». De ce fait, la déterritorialisation complète des minorités constitue l’objectif premier du gouvernement qui n’entretient pas de liens positifs avec cette minorité[6] [7] [8].

L’économie de subsistance des Hmong est en train de changer en une économie de dépendance vis-à-vis des biens manufacturés. Ce modèle voit le passage de communautés rurales à des communautés d’individus atomisés devant subir les inconvénients de l’urbanisation et le déni de leurs valeurs communautaires.  De nombreux Hmong sont également privés de structure familiale et d’orientation traditionnelle. L’urbanisation est le témoin d’une déconnexion progressive avec la terre et d’une dépendance aux biens commerciaux. En raison de la faible population du Laos dans de nombreuses zones urbaines, la plupart des Hmongs continuent à travailler dans les champs en dehors des limites de la ville[9]. Subséquemment, cette relocalisation induit inévitablement le péril de l’identité culturelle des Hmongs.

 

 

 

 

 

 

 

 

Site du projet pour la construction d’un barrage sur le Mékong aux alentours de la ville de Luang Prabang (laos), le 5 février PHOTO/ Panu Wingcha-um/ REUTERS

 

 

 

 

C’est en effet, une rhétorique de développement et de modernité parvient à justifier la relocalisation de ces populations. Une « intégration territoriale, économique, politique et culturelle des autres » qui est secrètement mise de l’avant par le gouvernement laotien[10] afin de permettre un contrôle amplifié sur ces populations.

 

 

 

 

Installation des Hmong dans la jungle Deniau, Grégroire « Guerre secrète au Laos », Envoyé Spécial, 2005

 

https://www.lawworld.fr/la-situation-du-peuple-hmong-au-laos/

 

Avant 1975, le cas des minorités des hautes terres faisait partie intégrante de la stratégie révolutionnaire officielle communiste qui devait récompenser les partisans du Pathet Lao, parti communiste laotien, de parcelles de terres situées dans les basses terres[11]. Cette relocalisation n’est pourtant pas sans intention. Le Laos, voulant préserver l’identité ethnique majoritaire lao,  a pour projet d’assimiler petit à petit les minorités. En effet, une pluralité ethnique freine généralement les décisions politiques. Encore aujourd’hui, une urbanisation est forcée dans les basses terres. Bien que l’assimilation et l’urbanisation a pour objectif d’effacer cette minorité du spectre politique, elle a aussi pour but d’avoir accès aux ressources et matières premières des hautes terres très prisées par le marché extérieur et notamment les corporations japonaises[12] [13].  Par ailleurs, Les Hmongs, anticommunistes ayant participé aux côtés des Etats-Unis lors des différentes guerres qui ont ébranlé la région dans les années 1970, représentent 10% de la population, mais leur identité a pour objectif d’être rendue inexistante par les autorités. En effet, au sortir de la guerre, ces derniers sont accusés de trahison politique par les autorités communistes laotienne.

Néanmoins, cette relocalisation n’est pas sans conséquences : vulnérabilisassions, marginalisation, précarisation, insécurité alimentaire et mortalité touchent ces minorités impuissantes[14]. C’est donc sous couvert d’un discours idéologique de modernisation et de sécurité nationale que le gouvernement laotien légitime leurs pratiques. De ce fait, relocaliser ces minorités représente, pour le gouvernement un enjeu aussi bien politique qu’ethnique et économique[15] [16].

 

 

 

Des villageois réfugiés sur un toit, au lendemain de l’effondrement d’un barrage, le 24 juillet, dans le district d’Attapeu, au sud-est du Laos. AP

 

 

 

Entre ceux qui subissent les camps de rééducation et ceux qui subissent la relocalisation, les familles tentent de survivre aussi bien dans les villes que dans les zones isolées de la jungle, pour les plus malchanceux. Ces derniers, généralement considérés comme des traîtres par le gouvernement pour avoir collaboré avec l’ennemi français et américain sont traqués et tués par les juntes laotiennes et vietnamiennes.  De ce fait, les Hmong sont en déplacement constant. Le documentaire de Grégoire Deniau dans Envoyé Spécial de 2005 traduit même en image l’urgence des conditions de vie de cette minorité privée d’abris décents et subissant les effets de l’insécurité alimentaire[17] .

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

Daviau, Steeve. «Développement, modernité et relocalisation s Étude de cas de la zone focale de la Namma, district de Long, province de Louang Namtha Laos.» Université de Montréal , Septembre 2004.

 

Deniau, Grégroire « Guerre secrète au Laos », Envoyé Spécial, 2005

 

Koninck, Rodolphe de. «L’Asie du Sud-Est .» Armand Colin , 2019: 400.

 

Matt Stewart, Khou Xiong, Xong Xiong. «Hmong in Laos: Urbanization and Adaptation.» Journal of Undergraduate VII, 2004.

 

Michaud, Jean. Handling mountain minorities in China, Vietnam and Laos: from history to. Université Laval: Asian Ethnicity vol 10, No. 1, 2009.

 

 

 

 

 

[1] Michaud, Jean. Handling mountain minorities in China, Vietnam and Laos: from history to. Université Laval: Asian Ethnicity vol 10, No. 1, 2009.

 

[2] Koninck, Rodolphe de. «L’Asie du Sud-Est .» Armand Colin , 2019: 400.

[3] Michaud, Jean. Handling mountain minorities in China, Vietnam and Laos: from history to. Université Laval: Asian Ethnicity vol 10, No. 1, 2009.

 

[4] Koninck, Rodolphe de. «L’Asie du Sud-Est .» Armand Colin , 2019: 400.

[5] Daviau, Steeve. «Développement, modernité et relocalisation s Étude de cas de la zone focale de la Namma, district de Long, province de Louang Namtha Laos.» Université de Montréal , Septembre 2004.

 

[6] Daviau, Steeve. «Développement, modernité et relocalisation s Étude de cas de la zone focale de la Namma, district de Long, province de Louang Namtha Laos.» Université de Montréal , Septembre 2004.

[7] Matt Stewart, Khou Xiong, Xong Xiong. «Hmong in Laos: Urbanization and Adaptation.» Journal of Undergraduate VII, 2004.

[8] Deniau, Grégroire « Guerre secrète au Laos », Envoyé Spécial, 2005

[9] Matt Stewart, Khou Xiong, Xong Xiong. «Hmong in Laos: Urbanization and Adaptation.» Journal of Undergraduate VII, 2004.

 

[10] Daviau, Steeve. «Développement, modernité et relocalisation s Étude de cas de la zone focale de la Namma, district de Long, province de Louang Namtha Laos.» Université de Montréal , Septembre 2004.

[11] Matt Stewart, Khou Xiong, Xong Xiong. «Hmong in Laos: Urbanization and Adaptation.» Journal of Undergraduate VII, 2004.

[12] Daviau, Steeve. «Développement, modernité et relocalisation s Étude de cas de la zone focale de la Namma, district de Long, province de Louang Namtha Laos.» Université de Montréal , Septembre 2004.

[13] Matt Stewart, Khou Xiong, Xong Xiong. «Hmong in Laos: Urbanization and Adaptation.» Journal of Undergraduate VII, 2004.

 

[14] Matt Stewart, Khou Xiong, Xong Xiong. «Hmong in Laos: Urbanization and Adaptation.» Journal of Undergraduate VII, 2004.

[15] Matt Stewart, Khou Xiong, Xong Xiong. «Hmong in Laos: Urbanization and Adaptation.» Journal of Undergraduate VII, 2004.

[16] Deniau, Grégroire « Guerre secrète au Laos », Envoyé Spécial, 2005

 

[17] Deniau, Grégroire « Guerre secrète au Laos », Envoyé Spécial, 2005

 

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