L’accord de partenariat économique entre le Japon et les Philippines : un reflet sur leur relation actuelle

Par Amélie Gauthier

L’histoire des Philippines est marquée par une panoplie d’influences éparses.  Récemment, de 1942 à 1945, le Japon a occupé l’Asie du Sud-Est et a instauré ces idées. Ainsi, la culture des Philippines est teintée d’éléments culturels nippons, ce qui a forgé une relation entre ces deux nations. Cet article présentera la nature de la connexion entre le Japon et les Philippines et effectuera une analogie avec un des plus grands traités bilatéraux qui lient ces dernières, soit l’accord de partenariat économique entre le Japon et les Philippines (JPEPA).

 

A priori, le Japon a véritablement commencé à s’intéresser à l’archipel lors de la colonisation américaine (1898-1946) [1]. Avant cette période, ces deux pays n’avaient pas forgé une myriade d’ententes, imputable à leur éloignement géographique et le manque d’innovations maritimes. Dès lors, l’arrivée de l’empire américain hégémonique a occasionné un rapprochement entre les Philippines et le Japon caractérisé par sa multiplication d’échanges et d’accords. D’ailleurs, en 1929, le Japon incarnait le deuxième plus grand partenaire économique, le premier étant les États-Unis [2]. C’est donc dans cet esprit de compétition entre les Nippons et les Américains que le Japon a usurpé la région sud-est asiatique. Agissants au nom d’une « coprospérité asiatique », les Japonais ont imposé leur suprématie de 1942 à 1945, les rendant tyranniques envers l’archipel [3]. Puis, la période qui a succédé à l’occupation nippone agit comme un second souffle pour la relation Philippines-Japon ; une reconnexion s’est éveillée entre les deux nations. Effectivement, un traité d’amitié a été signé (1960), des ambassades sont construites et une série d’échanges dénués de protectionnisme sont entendus [4]. Plusieurs conséquences éparses, touchant l’économie, les populations et les idéologies, découlent de cette histoire, confectionnant la relation actuelle de ces deux nations.

 

 

D’abord, considérant les investissements directs offerts aux Philippines, le Japon devient un des principaux partenaires économiques de l’archipel sud-est asiatique. Une panoplie de produits est importée du Japon, principalement des produits manufacturés ou électroniques [5]. Cependant, selon l’historienne Lydia N. Yu Jose, affirmer que les échanges commerciaux entre le Japon et les Philippines sont le cœur de la relation philippine-nippone serait un mensonge. En vérité, les principaux flux de cette relation concernent les populations ; ce sont des flux migratoires. Effectivement, le besoin éminent de migrants au Japon (dû à la disparité démographique japonaise)[6] et les récessions qui pèsent sur les Philippines entraînent une vague migratoire substantielle, en provenance des Philippines vers le Japon. Par ailleurs, le passé raconte que les échanges commerciaux entre le Japon et les Philippines, du 17e siècle jusqu’à la fin de l’occupation espagnole, étaient fréquemment accompagnés de marchands, jardiniers, prostituées, etc. Puis, dans le même ordre d’idées, l’appropriation du territoire philippin par les Japonais a favorisé une multiplication d’échanges culturels et humains, tout comme les mesures nippones d’optimisation du tourisme des Philippines[7]. Résultat : une dynamique migratoire s’est fructifiée entre les deux pays et s’accroit d’année en année. Par exemple, des statistiques présentent qu’en 2000, il y avait plus de 144 000 Philippins au Japon (en comparaison avec 60 000 en 1991) [8]. De ce fait, plusieurs postes sont occupés par des migrants philippins ou japonais (exemple : les infirmières philippines) et la diaspora des deux nations s’étend davantage.

 

Néanmoins, l’occupation du Japon aux Philippines s’est avérée comme une imposition idéologique. En effet, l’appropriation territoriale s’est effectuée en usant de l’idéologie du panasiatisme, doctrine promulguant la cohésion asiatique. La création de cette idéologie visait à offrir une identité régionale ainsi que « de nouveaux discours, qui reflètent souvent leur propre contexte national, leur réflexion, leur objectif et leur perception vis-à-vis de l’Asie et de l’asiaticité »[9]. Ayant fait utilisation de cette idéologie au profit de la nation japonaise, plusieurs éléments culturels ont été intégrés dans la culture des Philippines, dont le karaoké, la cuisine japonaise, etc[10]. Ainsi, un transfert idéologique s’est ancré au sein de la relation entre le Japon et les Philippines. Ces influences culturelles ont favorisé le partage de valeurs (non-ingérence, consensus, etc.), valeurs qui, désormais, prennent de l’importance lors de Forums ou d’ententes bilatérales et multilatérales.

 

Cette relation que tissent les Philippines et le Japon peut se refléter dans le « Japan-Philippines Economic Partnership Agreement » (JPEPA), entente bilatérale substantielle. Établi en 2007 et officiellement signé en 2008 sous la présidence Arroyo [11], cet accord visait l’optimisation des bénéfices économiques entre les deux nations en réduisant les tarifs douaniers, acceptant que le Japon dépose des déchets toxiques sur le territoire philippin contre une hausse des investissements étrangers et en réduisant les politiques protectionnistes [12]. Le but de cet accord était simple : contrebalancer l’économie et la politique de la Chine, en pleine émergence [13].   

 

 

Toutefois, cet accord dissimule plusieurs enjeux, touchant principalement les Philippines. En premier lieu, concernant l’économie, la baisse des tarifs douaniers favorise une coopération entre les pays, certes, mais elle occasionne un déficit commercial pour les Philippines. De plus, entrainant une économie de compétition, les petites industries locales (autant du Japon qu’aux Philippines) ne peuvent soutenir cette dynamique économique et s’écroulent. En second lieu, un nombre colossal de travailleurs philippins (principalement des infirmières) quittent leur pays afin d’exercer leur métier au Japon, faisant donc réduire la population active [14]. En dernier lieu, malgré l’aversion envers les mesures protectionnistes et impérialistes, la culture japonaise s’intègre tout de même en sol philippin [15].  

 

Malgré les incidences provoquées, ce traité semble le reflet idéal de la relation entre le Japon et les Philippines. D’une part, le Japon tend a guider les Philippines à ouvrir son marché vers les Nippons et à imposer quelques contraintes contre des investissements directs étrangers. D’autre part, les échanges économiques augmentent, les idéologies se mélangent et, surtout, les flux migratoires, culturels et humains ne cessent pas d’augmenter.   

 

1 Shinzo Hayase, p. 31.

2 Lydia N. Yu José, p. 117-216.

3 Shinzo Hayase, p. 35.

4 Ikeata et José, p. 19.

5 Republic of the Philippines, en ligne.

6  Lydia N. Yu José, p. 117-216.

7 Ikeata et José, p. 19.

8 Lydia N. Yu José, p. 117-216.

9  Steven Peng-Seng, p.97

10 Lydia N. Yu José, p. 117-216.

11 Edwin Van de Haar, p. 115.

12 Republic of the Philippines, en ligne.

13 Edwin Van de Haar, p. 113-139.

14 Republic of the Philippines, en ligne.

15 Lydia N. Yu José, p. 117-216.

 

Bibliographie

Hayase, S. 1999. Japan and the Philippines. Philippine Studies,47(1), 30-47. Retrieved from http://www.jstor.org/stable/42634299

Ikehata, S., & Jose, L. Y. (2003). Philippines-Japan Relations (p. 19). I. Setsuho (Ed.). Ateneo de Manila University Press.

Jose, L. 2003. State and Non-State Actors in Philippines-Japan Relations. Philippine Studies, 51(2), 177-216. Retrieved from http://www.jstor.org/stable/42633648

Peng-Seng, Steven. 2014. Le panasiatisme en Asie : une construction de l’identité asiatique et japonaise, 1900-1924 (Mémoire de maîtrise). Université de Montréal, Montréal

Republic of the Philippines. Senate Economic Planning Office. 2007. Policy Brief : Japan- Philippines Economic Partnership Agreement (JPEPA) : An Assessment. En ligne. https://www.senate.gov.ph/publications/PB%202007-01%20-%20Japan- Philippines%20Economic%20Partnership%20Agreement%20%28JPEPA%29,%20An%2 0assesment.pdf (page consultée le 11 juin 2018).

Reuters. 2003. « Le Japon et l’ASEAN veulent créer un espace à l’européenne ». Le Devoir [En ligne] (Montréal), 13 décembre : https://www.ledevoir.com/monde/42829/le-japon-et-l- asean-veulent-creer-un-espace-a-l-europeenne

Van De Haar, E. 2011. Philippine Trade Policy and the Japan-Philippines Economic Partnership Agreement (JPEPA). Contemporary Southeast Asia, 33(1), 113-139. Retrieved from http://www.jstor.org/stable/41288817

 

Hyperliens

https://www.youtube.com/watch?v=ssSDELFWdYc

https://assets.aspeninstitute.org/content/uploads/files/content/docs/GHD/japan_philippines.pdf

 

Photographie

  1. Dans Colnect. Repéré le 12 juin 2018 à https://colnect.com/fr/stamps/stamp/10-La_Filipina Philippines-occupation_japonaise_durant_la_2_guerre_mondiale

Kamayan. 2008. Dans KFJ-78. Repéré le 12 juin 2018 à http://kamayanforum.8m.net/KFJ%2D78.htm

 

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