Les relations entre les Philippines et les États-Unis

Par Angelina Halal

Dans le cas des Philippines, nous pouvons parler d’une imposition indirecte de la démocratie par les Américains. Dans le présent article, nous cherchons à comprendre les conséquences de l’imposition de cette constitution, soit de l’influence américaine sur le système politique philippin, encore visible aujourd’hui.  

 

Les origines de l’influence américaine

Aux Philippines, des intellectuels nommés « les ilustrados » cherchaient par des mouvements d’indépendance à se détacher de l’Espagne. En 1898, Emilio Aguinaldo a pris la relève de José Rizal et a lancé un mouvement de rébellion populaire et clandestin. Il va profiter de la guerre entre les États-Unis et l’Espagne pour demander de l’aide aux Américains (car ils souhaitent combattre les Espagnols). Une fois la guerre terminée, Aguinaldo pensait que les Américains allaient accorder l’indépendance aux Philippines, mais ils vont vouloir faire des Philippines leur colonie. Devant cette décision, Aguinaldo va tenter de riposter en déclarant l’indépendance et en instaurant la première République des Philippines en janvier 1899 : le mois suivant, il déclare la guerre aux Américains. Malgré cela, son mouvement de résistance va être réprimé par les troupes américaines, la rébellion est écrasée et les Philippines deviennent officiellement une colonie des États-Unis de 1898 à 1942 (Éthier, 2017).

 

La transition démocratique aux Philippines et l’influence des États-Unis

Les Américains reprennent possession des Philippines et cela suscite un mouvement de protestation qui réclame l’indépendance. Cependant, la domination américaine va s’assouplir progressivement. En 1934, la loi TydingsMcDuffie promet l’indépendance des Philippines pour 1946 et laisse les Philippins libres d’adopter leur circonscription. En revanche, la liberté reste limitée et relative puisque cette loi contenait certaines conditions : la constitution des Philippines devait avoir une forme républicaine et inclure une Chambre des droits et libertés. De plus, la loi mentionnait la constitution devait être approuvé par le président des États-Unis. Ceci a influencé les membres de l’assemblée constituante qui ont décidé de revenir à la constitution qu’ils avaient adoptée en 1935, largement calquée sur le régime présidentiel américain (Éthier, 2017).

Si la constitution devait être approuvée par l’assemblée générale des États-Unis, nous en tirons que c’est d’imposition indirecte de la constitution aux Philippines, même si moins dictatoriale que celle du Japon, ou les Américains l’ont eux-mêmes rédigé (Éthier, 2017). Nous cherchons à savoir si la même influence américaine « coloniale » est perceptible aux Philippines actuellement. Qu’en est-il de la présence des États-Unis aux Philippines aujourd’hui ? En effet, malgré l’autonomie politique des Philippines dans les faits, certains académiques parlent de signes de néocolonisation (plus discrets qu’aux 20e siècle) et nous allons tenter de comprendre pourquoi.

 

Les Philippines, au centre de la concurrence sino-américaine

Rencontre entre le président des États-Unis Donald Trump et le président des Philippines Rodrigo Duterte, le 7 novembre 2017 à Manille

En novembre 2017, Trump a proposé d’être médiateur dans les conflits en mer de Chine méridionale (Gomez, 2017). Duterte rêve également « de mener une politique d’équilibre entre la Chine et les États-Unis et n’est pas prêt de ce point de vue à choisir son camp » (De Grandi, 2017). Depuis 2017, les États-Unis renforcent leur présence en Asie-Pacifique et spécifiquement aux Philippines. En effet, un accord de défense fut conclu entre les États-Unis et les Philippines en 2014 et est toujours en vigueur aujourd’hui. Ce dernier envisage « des rotations accrues de militaires américains, qui aideront les Philippins à construire des installations militaires, sans toutefois instituer de présence permanente comme ce fut le cas pendant des décennies », soit de s’ingérer militairement aux Philippines. Le 12 janvier 2018, la Cour suprême de Manille a approuvé cet accord de défense renforcé avec les États-Unis. Dans une optique d’équilibrage de puissance, cet accord fut conçu par Obama pour concentrer sa politique étrangère en région d’Asie-Pacifique, afin de remédier aux tensions croissantes en mer de Chine méridionale (Malovic, 2016). Or contrairement à la Chine, les États-Unis n’ont pas de revendications sur les eaux potentiellement riches en pétrole et stratégiques (Gomez, 2017). Mais alors, pourquoi intervenir dans le conflit en s’installant aux Philippines ?

 

Les intérêts des États-Unis derrière leur aide militaire apportée aux Philippines

La mer de Chine méridionale

Le conflit de mer de Chine méridionale remonte à la décennie de 1950. En juillet 2010 Hillary Clinton précisait déjà, lors d’une rencontre de l’ASEAN Regional Forum, que les États-Unis avaient « un intérêt national à ce que la mer de Chine du Sud demeure ouverte à la navigation » (Labrecque, 2010). En effet, encore aujourd’hui le gouvernement américain a un intérêt propre à assurer une « libre circulation par les eaux et les airs » (Gomez, 2017). Cependant, les tensions, soit la « dispute » d’iles et d’archipels entre la Chine, le Vietnam, les Philippines, le Brunei et la Malaisie en mer de Chine méridionale, pourraient porter atteinte à cette « libre circulation » que veulent affermir les États-Unis. Ainsi, les États-Unis cherchent par leur présence aux Philippines et l’intérêt qu’ils portent à celle-ci, à certifier la résolution pacifique du conflit de mer de Chine méridionale. Encore une fois, dès juillet 2010, Clinton souligne l’importance « à ce que les différends se règlent de façon multilatérale et dans le respect du droit de la mer » (Labrecque, 2010). Ainsi, le gouvernement philippin est rassuré par la présence militaire active des États-Unis dans la région, car il sert de contrepoids « aux actions de plus en plus frontales de la Chine » (Gomez 2017). En effet, l’opposition que mèneraient hypothétiquement les États-Unis face à une quelconque utilisation de force ou d’intimidation de la part de la Chine permettrait d’assurer une stabilité du conflit. Ainsi cela fait en sorte que les tensions ne passent pas à un niveau supérieur, du fait que les puissances se dissuadent mutuellement.

D’un autre côté, Duterte à agréer de partager avec des firmes chinoises les ressources halieutiques ou en hydrocarbures, ce qui met également en exergue la présence de la Chine aux Philippines, un pays à l’intermédiaire des deux puissances (De Grandi, 2017). Dès lors, les pays de la région d’Asie du Sud-Est apparaissent dans l’obligation de se partager entre la Chine et les États-Unis, par peur de renforcer le dilemme de sécurité dans la région. En effet, les tensions entre les deux puissances sont déjà présentes, car malgré l’équilibrage que peut favoriser la présence des États-Unis dans la région, la Chine s’y oppose publiquement, la qualifiant d’ingérence. En ce sens, si les Philippines ont intérêt à maintenir un équilibre entre les deux puissances, c’est parce que « choisir un camp » pourrait être vu comme une forme d’alliance, ce qui ferait que renforcer des tensions déjà existantes.

 

Bibliographie

De Grandi, Michel. 1998. « Les Philippines annexent des îlots en mer de Chine ». Les Echos (Paris), 7 avril. En ligne. https://www.lesechos.fr/07/04/2017/LesEchos/22421-038-ECH_les-philippines-annexent-des-ilots-en-mer-de-chine.htm

Éthier, Diane. 2017. « Régimes politiques de l’Asie du Sud-Est ». POL 2860 (Université de Montréal).

Gomez, Jim. 2017. « Philippines: Trump risque d’éviter le sujet de la guerre à la drogue ». La Presse (Montréal), 12 novembre. En ligne. http://www.lapresse.ca/international/asie-oceanie/201711/12/01-5143229-philippines-trump-risque-deviter-le-sujet-de-la-guerre-a-la-drogue.php3

Labrecque, Charles-Louis. 2010. « Vers une rivalité entre la Chine et les États-Unis en mer de Chine du Sud ? ». Regard critique. En ligne. http://www.regardcritique.ca/article/vers-une-rivalite-entre-la-chine-et-les-etats-unis-en-mer-de-chine-du-sud/

Malovic, Dorian. 2016. « L’armée américaine revient en force aux Philippines ». La Croix (Paris), 12j janvier. En ligne. https://www.la-croix.com/Actualite/Monde/L-armee-americaine-revient-en-force-aux-Philippines-2016-01-12-1403443

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