L’adaptation de l’économie thaïlandaise au marché mondial

Par Aurélien Clément

Pendant longtemps l’économie de la Thaïlande fut basée sur la riziculture. Favorisée par un important réseau hydrographique et un système d’irrigation ancestral, la culture du riz fait partie intégrante de la tradition thaïe. Mais au début des années soixante, les autorités ont lancé un vaste programme d’optimisation du territoire sous l’impulsion des Dragons asiatiques (Japon, Hong Kong , Singapour, Corée du Sud et Taïwan) et du bloc occidental. En effet, les Dragons (intensément industrialisés après la Seconde Guerre mondiale) ont parrainé le développement de leurs voisins d’Asie du Sud-Est. Ils l’ont fait principalement par le biais d’importants financements, mais aussi en mettant à leur disposition une aide technologique et scientifique.

La Thaïlande a aussi pu bénéficier d’un appui considérable des Américains dans son processus d’industrialisation accélérée. Cette aide s’inscrivait dans le contexte de la Guerre Froide où les Américains cherchaient à stopper l’expansion du communisme dans la région [1]. Le développement économique était alors vu comme la solution. C’est d’ailleurs en partie grâce au leadership américain que l’ASEAN fut créé.

Entre 1963 et 1996, la Thaïlande connut une croissance industrielle de 13% en moyenne, avec une forte activité dans le secteur manufacturier [2]. La Thaïlande devint l’atelier des Dragons qui délocalisaient leurs usines vers des pays avec des coûts de production inférieurs. Ce mouvement fut encouragé par le gouvernement qui mis de l’avant des politiques fortement libérales afin d’ouvrir le pays à la mondialisation et faciliter l’entrée d’investissements étrangers.

La Thaïlande a misé sur l’industrie d’exportations qui l’a projetée dans le système du marché mondial. La bonne conjoncture politique et économique fit de la Thaïlande, dans les années 1980, l’un des pays à la croissance la plus élevée au monde. Automobiles, ordinateurs, matériels électriques, électroniques, trouvent depuis cette époque une place dans l’économie thaïlandaise [3]. Toutefois, cette croissance effrénée cachait les faiblesses de l’économie thaïlandaise.

L’excessive libéralisation du marché thaïlandais le fit littéralement plonger en juillet 1997. La Thaïlande fut l’un du premier domino à tomber lors de cette crise financière survenue en partie à cause du surinvestissement étranger associé à la mauvaise gestion bancaire interne [4].

L’agriculture, une place toujours centrale

Le pays n’a pas pour autant abandonné son secteur agricole. Après avoir considérablement diversifié son agriculture, la Thaïlande se pose toujours en premier exportateur mondial de riz  [5] et demeure un gros exportateur de caoutchouc, de tek, de sucre de canne ou encore de maïs [6]. D’autre part, la Thaïlande, consommatrice traditionnelle de poisson s’est très tôt lancée dans l’aquaculture [7] qui va prendre des proportions de plus en plus importantes si l’on considère la diminution des populations de poissons sauvages (stock halieutique [8]). Ainsi, la Thaïlande pourra se poster dans une situation de force dans le commerce international.

Cette force dans le secteur agroalimentaire permet à la Thaïlande de recouvrir un certain poids décisionnel sur la scène économique mondiale et pourrait  se poser en véritable acteur dans l’avenir vu la valeur que prennent les matières premières et surtout les denrées alimentaires [9]. Le premier ministre Samak a même formulé le souhait de créer une organisation des pays exportateurs de riz, à l’image de l’OPEP pour le pétrole  en jouant sur le contexte de crise alimentaire [10].

Il est intéressant de constater que le domaine économique et financier n’a pas été appréhendé du même angle que le domaine par exemple religieux ou culturel. En effet, les autorités thaïes ont combattu pour sauvegarder leur identité nationale cependant, au niveau économique la Thaïlande a fléchi face aux lois du marché mondiales, dont elle a par ailleurs payé les frais.

Références

[1] De Sacy, Alain, L’Asie du Sud-Est : l’unification à l’épreuve, Librairie Vuibert, Paris, 1999. Chap 17, 18, 21.

[2] Severino, Rodolpho, ASEAN « ASEAN and Regional Security », Singapour, 2008 : pp 11-39.

[3] Formoso Bernard, Thaïlande Bouddhisme renonçant Capitalisme triomphant, La documentation française, 2000.

[4] Fouquin Michel, Crise en Asie du Sud Est, Presse de Sciences Po, Paris, 1999. Pp. 43-63. En ligne.

[5] http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=85790 et  http://www.rfi.fr/actufr/articles/101/article_65773.asp

[6] http://www.ats.agr.gc.ca/asean/3849_f.htm

[7] http://www.spc.int/coastfish/News/Formation/8/sigfr8_p18_1.htm ; http://209.85.135.104/search?q=cache:LhINVBomOqwJ:www.seco.admin.ch/themen/00513/00561/00565/index.html%3Fdownload%3DNHzLpZig7t,lnp6I0NTU042l2Z6ln1acy4Zn4Z2qZpnO2Yuq2Z6gpJCDdIJ6gmym162dpYbUzd,Gpd6emK2Oz9aGodetmqaN19XI2IdvoaCVZ,s-%26lang%3Dde+%C3%A9conomie+de+la+Tha%C3%AFlande+apr%C3%A9s+1997&hl=fr&ct=clnk&cd=4&gl=fr

[8] Courrier internationnal, « Comment vider la mer de ses poissons ? » , N° 918, 5 Juin.

[9] http://www.rfi.fr/actufr/articles/100/article_65054.asp

[10] http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=85317

Lien pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés