Birmanie : l’ouverture d’un régime militaire

Par Camille Gaudreault

La Birmanie est dirigée d’une main de fer par la junte militaire au pouvoir. Les libertés sont très limitées et l’opposition au régime militaire est réprimée ou durement contrôlée. En 2003, les généraux Than Shwe (chef d’État) et Maung Aye (chef d’État-major de l’armée birmane) ont entrepris des opérations de diplomatie sur la scène régionale sud-est asiatique. En démontrant  une ouverture et une volonté de s’intégrer davantage à la région, ils ont marqué «une rupture de l’isolement stratégique» (Egreteau 2004) qui caractérisait la Birmanie jusqu’à lors. Toutefois, les objectifs du régime restent encore vagues. S’agit-il d’une réelle ouverture du régime qui permettra une avancée dans la voie de la démocratisation ou d’une simple façade pour légitimer le régime sur la scène régionale et internationale?

En 2003, suite à des affrontements violents entre des partisans de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) et des défendeurs de la junte et à l’arrestation de la leader du LND, Aung San Suu Kyi (qui a été assignée à résidence pour la troisième fois depuis la fin des années 80) le régime a été la cible de nombreuses critiques.  Ces événements ont été condamnés par les membres de l’ASEAN qui auparavant s’étaient peu exprimés sur la question, prétextant la non-ingérence dans les affaires internes du pays

Suites à ces critiques, la junte militaire est alors passée « à l’offensive » en annonçant sa volonté de prendre l’initiative d’un apaisement et d’une « réconciliation nationale » qui viserait selon elle à encourager une transition démocratique progressive. (Egreteau 2004).  Khin Nyunt avait proposé une feuille de route visant une transition démocratique :

«Convoquer la Convention nationale chargée de rédiger une nouvelle Constitution, prendre les mesures nécessaires à l’établissement d’un régime démocratique une fois la Convention nationale achevée […], organiser des élections parlementaires selon les nouvelles règles constitutionnelles, réunir le nouveau Parlement élu, établir une nation moderne et démocratique avec à sa tête un chef d’État et un gouvernement élu par le Parlement» (Egreteau 2004).

Cependant, aucun calendrier n’avait été établi pour faire avancer le plan, mettant en doute la viabilité de la feuille de route proposée en 2003 ainsi que les paroles de la junte. Cette impression était renforcée par le fait que le discours et les agissements des dirigeants birmans laissaient présager une transition démocratique excessivement lente voire même nulle.

Un autre élément qui peut ralentir le processus de transition démocratique est le fait que l’opposition n’est pas unie et ne constitue pas une véritable force alternative (Egreteau 2004). Le gouvernement en exil (NCBUG) de Sein Win ne reçoit pas l’appui total de la communauté d’exilés et des militants réfugiés dans plusieurs pays. Certains groupes plus radicaux s’opposent aux propositions non violentes qui sont défendues par les dirigeants du LDN. D’autres souhaitent une plus grande implication de la communauté internationale. De plus, les gens qui forment les groupes d’opposition au régime militaire sont d’origine birmane. Cependant, le pays compte des minorités ethniques importantes. Certains groupes minoritaires mènent des luttes qui sont plus identitaires que fondées sur la démocratisation du pays. Ils ne proposent pas de plan politique pour l’ensemble du pays comme le propose le parti d’Aung San Suu Kyi. Toutes ces divergences nuisent à la création d’une opposition consolidée au régime militaire.

Aujourd’hui, la répression est toujours aussi forte contre les opposants au régime. Les libertés sont toujours très limitées, voire nulles, pour ceux qui souhaitent s’exprimer. La feuille de route ne semble pas avoir progressé et l’unité dans l’opposition à la junte ne semble pas pouvoir se concrétiser. De plus, la fermeture du régime s’est encore manifestée récemment lorsque ce dernier a refusé d’acheminer les secours et l’aide internationale à la population lors du passage du cyclone Nargis. Enfin, le processus de démocratisation proposé par la junte ne semble pas réellement prendre forme. La feuille de route n’est qu’un moyen de faire taire les critiques. Au nom de la non-ingérence, il est difficile de s’immiscer dans les affaires internes de la Birmanie afin qu’elle devienne un État démocratique.

Références

Egreteau, Renaud. 2004. « La rupture du dialogue ». Dans Serge Cordellier, Béatrice Didiot et Sarah Netter, dir., Encyclopédie de l’état du monde. Montréal : Éditions du Boréal

Egreteau, Renaud. 2004. Birmanie : la transition démocratique selon la junte. En ligne. (page consultée 22 juin 2008)

Encyclopédie Universalis 2006

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