L’Indonésie, vers un État démocratique ?

Par Camille Gaudreault

L’Indonésie est l’État musulman le plus peuplé du monde. À la chute du Général Suharto en mai 1998, l’Indonésie a eu l’opportunité de s’engager dans la voie de la démocratie. Aujourd’hui, malgré des progrès, il y a toujours beaucoup de lacunes dans le système politique. Il est donc difficile d’affirmer que l’Indonésie est un État totalement démocratique.

Pour éviter les différentes interprétations, la définition de la démocratie considérée dans ce texte est tirée de l’Encyclopédie Universalis 2006 :

«…le gouvernement du peuple par le peuple, n’acquiert son plein sens qu’en considération de ce qu’elle exclut : le pouvoir d’une autorité qui ne procéderait pas du peuple… Cette participation à la fonction gouvernementale, l’individu l’assure par l’entremise de ses droits politiques, par l’élection bien sûr, mais aussi par la jouissance des prérogatives qui garantissent la liberté de ses choix : liberté d’opinion, liberté de la presse, liberté d’association, liberté de réunion, etc. Dans cette perspective, la démocratie apparaît bien comme le régime de la liberté politique…»

À la chute du Général Suharto qui a dirigé l’Indonésie durant une trentaine années, il y a eu une certaine libéralisation politique grâce à des réformes importantes. Cela a permis au peuple indonésien, pour la première fois depuis 1955, de s’exprimer dans un scrutin libre où il y avait vraisemblablement retour du multipartisme concurrentiel. Le Parti Démocratique Indonésien-Combat de Megawati Sukarnoputri sort victorieux des élections du 7 juin 1999 avec 33% des sièges (Bertrand 2001). Mais l’Assemblée de délibération du peuple (MPR) choisit Abdurrahman Walid à la présidence et Megawati à la vice-présidente.

Actuellement, le pays compte plusieurs partis politiques, mais les plus importants (Parti Démocratique Indonésien (PDI), Parti du Développement Unitaire, Golkar) existaient déjà durant le règne autoritaire de Suharto. À l’époque le système électoral et les partis d’opposition étaient contrôlés par le régime de Suharto (Vanherveland, 2006).

La lutte qui a été faite au communisme durant l’ère Suharto marque encore les esprits. Ce n’est que depuis 2005 que la loi interdisant le communisme comme parti et comme idéologie n’a été abrogée (Vanherveland, 2006).

Par conséquent, la sphère politique indonésienne est caractérisée par une très faible présence d’idéologie. La concurrence dans l’espace politique indonésien n’est pas celle d’une lutte idéologique, mais celle de leurs chefs.

«Le débat gauche/droite n’est pas le seul absent…Il y a très peu de controverse idéologique véritable…Les leaders politiques exploitent quelques éléments des idéologies nationalistes, socialistes et islamistes[…] pour préparer leurs discours et, une fois au pouvoir n’en applique généralement aucune.» (Vanherveland, 2006)

Depuis le début l’année 1999, la libéralisation politique s’est accentuée. À la base, il y a eu le rétablissement d’élections pluralistes et libres et celui de plusieurs libertés fondamentales, éléments essentiels et primordiaux au processus démocratique. Le MPR a entrepris plusieurs réformes qui vont dans ce sens dont la plus importante est l’organisation d’élections législatives libres. Avant le scrutin pluraliste de 1999, seuls les trois partis politiques nommés plus haut étaient autorisés. Depuis, la liberté d’association a été accrue et il est possible de former de nouveaux partis : ils doivent seulement respecter Pancasila, l’idéologie de l’État indonésien.

Les prochains présidents élus ne peuvent se présenter que pour deux mandats et perdent des pouvoirs spéciaux. Les fonctionnaires ne peuvent plus militer dans un parti politique. Une plus grande autonomie politique a été donnée aux régions (comme le fait l’accord de paix avec la province rebelle d’Aceh). Finalement, il est maintenant possible pour les élus de modifier la constitution indonésienne (Cayrac-Blanchard 1999).

Les partis politiques indonésiens ont la caractéristique de posséder des milices privées qui sont parfois très violentes. À chaque élection depuis 1999, il y a eu crainte de violence, mais elle a beaucoup diminué. Il reste certains combats de rue où des Indonésiens sont morts. La baisse de la violence n’a pas empêché les milices des partis d’intimider la population pour favoriser un candidat en particulier lors d’élections.

Aussi, l’armée nationale indonésienne reste encore près proche du pouvoir civil. Cependant, les réformes entamées sont en train de réduire leur pouvoir sur l’échiquier politique. «Le nombre de sièges réservés aux forces armées au Parlement est limité à 38 sur 500, au lieu de 75, et à 10 % des sièges dans les Assemblées régionales» (Cayrac-Blanchard 1999).

Références

Badie, Bertrand et Béatrice Didiot. 2006. L’État du monde 2007. Montréal : Éditions du Boréal.

Bertrand, Romain. 2001. « La «démocratie à l’indonésienne» : bilan critique d’une transition qui n’en finit pas de commercer ». Revue internationale de politique comparée 8 (no 3) : 435-459.

Cayrac-Blanchard, Françoise.1999. Violence contre démocratie en Indonésie. En ligne. (page consultée le 18 mai 2008)

Encyclopédie Universalis 2006

Vanherveland, Alex. 2006. « Fonctionnement de l’espace politique indonésien ». La Revue Nouvelle  (no 11) : 62-71.

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