Les facteurs ayant mené à l’accumulation de la dette internationale
Jusqu’à la fin des années 1950, les Philippines ont connu une croissance économique lente. D’un point de vue démocratique, le pays connaissait des changements réguliers de gouvernement, les partis au pouvoir se succédaient fréquemment. En 1965, le Président Ferdinand Marcos est arrivé à la tête du gouvernement. Il voulait écarter tous les obstacles à la stabilité et à la croissance économique de son pays. Il a instauré, en 1972, la loi martiale qui devait permettre la mise en place d’un certain nombre de réformes et de changements dans la société et l’économie des Philippines. De plus, le Président Marcos voulait instaurer un régime centralisé et patrimonial (il cherchait à acquérir un pouvoir plus personnel).
Dans cette perspective réformiste, le rôle des technocrates s’est accru dans la formulation des politiques économiques. Les crimes de rue ont diminué, les infrastructures ont été améliorées, les capitaux étrangers ont été attirés, les oligarchies rurales ont été affaiblies malgré le rôle traditionnel et important de l’élite socio-économique aux Philippines. Les entreprises nationales ont alors pu se développer solidement. Pourtant, malgré ces améliorations économiques, le pays est resté en retard dans ce domaine par rapport aux autres pays de la région. De plus, son ouverture ne s’est que timidement accrue au cours des années 1970 jusqu’à la première moitié des années 1980.
Le milieu manufacturier philippin n’a pas été, lors de son développement, en mesure d’entrer en compétition sur les marchés internationaux, ni de procurer des emplois ou encore d’être la source d’échanges internationaux. L’explication la plus claire à ce phénomène serait le rôle des élites nationales. Celles-ci ont été capables de garder beaucoup de pouvoir malgré les mesures mises en place par Ferdinand Marcos. La quantité de ressources nationales à leur disposition a même été la source d’échec de certaines des ambitions du président puisque le pays n’y avait pas accès. Cette oligarchie a toujours été très puissante dans un État faible. Ceci caractérise les Philippines : certains groupes composant sa société détiennent beaucoup de pouvoir et l’utilisent en fonction de leurs intérêts.
Le Président Marcos est cependant resté à son poste pendant une vingtaine d’années. Il a ainsi eu à sa portée l’aide internationale. Tout en étant resté indépendant des élites nationales, Ferdinand Marcos a alors fait grossir la dette internationale des Philippines au cours des années 1980 en comptant sur les emprunts internationaux.
L’État philippin n’a jamais réussi à être totalement indépendant de l’élite socio-économique nationale. Il n’a pas été en mesure d’instaurer son monopole de la violence et de la taxation. Le rapport clientéliste au sein du gouvernement a toujours été très fort et les ressources étatiques ont souvent été utilisées comme une extension du patrimoine personnel des dirigeants ou des grands patrons dans leur propre intérêt.
Alors que dans les années 1980 les économies des pays de l’Asie du Sud-Est commençaient à s’ouvrir et à redémarrer après les crises pétrolières des années 1970, l’économie des Philippines s’est refermée sur elle-même et n’avait plus la capacité de s’ajuster aussi bien qu’auparavant. Les stratégies à court terme ne prenaient pas en compte les ajustements nécessaires pour le développement à long terme du pays. Ainsi, le manque d’infrastructures et la croissance importante de la dette internationale n’ont pas permis aux Philippines d’affronter l’ouverture de son marché et de s’affirmer sur les marchés internationaux. La dette constitue à elle seule un obstacle majeur au développement du pays [1].
[1] Toute la sous-section s’inspire du livre suivant : Alasdair Bowie et Danny Unger. 1997. The Politics of Open Economies: Indonesia, Malaysia, the Philippines and Thailand. Cambridge : Cambridge University Press.