La déclaration de l’État d’urgence
En février 2006, pour répondre à une menace de coup d’État contre son gouvernement, Gloria Macapagal Arroyo déclara l’État d’urgence, selon l’article 7 section 18 de la Constitution, s’assurant ainsi pendant une semaine le contrôle sur l’armée avec pour objectif de « prévenir toute forme de violence illégale » [1], de mener une « guerre totale » contre les forces armées communistes. Cette déclaration, rappelant la proclamation de la loi martiale par Ferdinand Marcos en 1972, aura pour conséquences directes d’arrêter les négociations de paix entre le gouvernement, de conduire à une série d’arrestations et de détentions dont les motifs politiques apparaissent à peine dissimulés et surtout de venir confirmer le sentiment d’impunité entourant les actes violents commis à l’égard d’individus identifiés comme étant de gauche. L’exemple de Crispin Beltran, membre du congrès philippin dont Amnesty International se fait l’écho, témoigne de l’arbitraire et du manque de légitimité qui peuvent accompagner certaines arrestations. M.Beltran fut en effet interpellé dans un premier temps pour répondre d’actes de « rébellion » commis sous le régime de Ferdinand Marcos. Puis, suite à la réponse de son avocat, il fut accusé « d’avoir incité à la sédition » en se déclarant lors de manifestations en faveur de la démission d’Arroyo, fait qui sera contesté à l’appui de preuves. Ceci ne mettra pas pour autant fin à la détention de Beltran, la police alléguant qu’il pouvait exister un lien entre ce dernier et la menace de coup d’État [2].
L’aperçu contextuel que nous venons ici de dresser nous offre un éclairage intéressant sur la question des assassinats politiques. Ces actes violents paraissent en effet être inclus dans un processus de lutte interne entre le gouvernement et les membres de l’opposition communiste, voire l’opposition en général. Les moyens d’action que l’exécutif philippin a mis en œuvre dans son combat contre les factions armées de l’opposition et pour préserver le pouvoir de la Présidente Arroyo sont contestables. On peut légitimement se demander, au regard de la multiplication de ces actes ainsi que de la relative inefficacité du gouvernement philippin dans sa lutte contre les exécutions extrajudiciaires, dans quelle mesure ces assassinats viennent servir ses intérêts.
« Il y a maintenant trop d’éléments attestant de l’utilisation systématique des homicides à caractère politique aux Philippines pour que cette réalité continue d’être ignorée. » [3]
-Nathalie Hill, directrice adjointe pour la région Asie-Pacifique au sein d’Amnesty International
[1] Philippines Government. 2006. Proclamation 1017, Proclamation Declaring a State of National Emergency, 24 February 2006. http://www.pcij.org/blog/?p=629
[2] Amnesty International. 2006. Philippines, Political Killings, Human Rights and the Peace Process, p.3. http://web.amnesty.org/library/index/ENGASA350062006
[3] Amnesty International. 2007. Philippines, Toutes les parties concernées doivent réagir avant les élections contre les homicides à caractère politique. http://www.amnesty.be/doc/article10116.html