Tensions et défis en mer de Chine méridionale

Par Hendrina Blais-Rochefort

La dispute en mer de Chine du Sud est un sujet chaud lorsqu’il est question de sécurité dans la région de l’Asie-Pacifique, et de son avenir en tant que tel. De fait, depuis les années 1970, des moments de tensions périodiques éclatent, la situation devenant de plus en plus critique. Ce premier billet se veut une courte introduction au sujet pour les six qui suivront, expliquant les grandes lignes de la dispute et faisant état de la situation actuelle.

On pourrait considérer que la dispute en mer de Chine du Sud a débuté en 1947, lorsque la Chine a publié une carte délimitant à l’aide de onze traits le territoire maritime du pays, se basant sur des documents historiques. La carte a été simplifiée plus tard à neuf traits, excluant le Golf de Tonkin, cédé au Vietnam, mais tout de même englobant la majeure partie de la région, dont les archipels des Paracels et des Spratlys (Buszynski, 2014, p. 6). Ces îles avaient été conquises par les Japonais avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, mais après leur défaite, le Traité de San Francisco (1951) n’a pas désigné de successeur aux îles, ce qui a mené à une libre interprétation par certains pays revendicateurs, qui utilisent cette raison pour se proclamer propriétaires de ces îles.

(A) La ligne à neuf traits revendiquée par la Chine

Parmi les États ayant des revendications territoriales en Mer de Chine du Sud, la Chine est évidemment celle qui en demande le plus, comme l’indique sa ligne à neuf traits. Le Vietnam dispute les Paracels et les Spratlys avec la Chine, considérant qu’il a une plus forte preuve historique que la Chine puisque le pays a occupé ces îles depuis le 17e siècle (BBC News, 2016). De plus, le Vietnam occupe depuis 1975 entre 21 et 27 îles, récifs ou atolls des Spratlys, réclamant leur juste part du territoire selon l’UNCLOS (Buszynski, 2014, p. 8). Dans le cas des Philippines, le pays réclame entre autre une partie des Spratlys ainsi que le récif de Scarborough, insistant sur le la proximité géographique de l’archipel. Finalement, pour la Malaisie et Brunei, les deux pays ne réclament que ce qui tombe dans leur Zone économique exclusive selon l’UNCLOS, soit, dans le cas de la Malaisie, une partie des Spratlys et dans le cas de Brunei, aucun des territoires de la dispute (BBC News, 2016).

Les enjeux sont grands

Mais pourquoi faire un aussi grand cas de ces îles, rochers et récifs? D’abord, le commerce passant par la mer de Chine du Sud représente 5,3 milliards de dollars US annuellement. Il s’agit aussi d’un lieu stratégique en matière de sécurité et de défense, en plus de contenir d’immenses réserves de gaz naturel et de pétrole (Council on Foreign Relations A, 2017). Il n’est donc pas surprenant que même des pays qui ne réclament pas une partie du territoire s’impliquent de plus loin dans la dispute. On parle ici des États-Unis, évidemment, mais aussi du Japon et de la Corée du Sud. Ces derniers veulent assurer la liberté de navigation à l’intérieur des zones économiques exclusives, ce que la Chine considère comme étant une violation du territoire, et ne se prive pas lorsqu’il est question de monter à cette dernière que tous peuvent y naviguer. Il suffit de mentionner les nombreux exercices militaires conjoints qui y sont menés, que ce soit entre le Japon et les États-Unis ou entre les Philippines et les États-Unis, qui ne manquent pas d’exacerber les tensions avec le géant asiatique (Council of Foreign Relations B, 2017).

(B) Définition d’une île selon l’UNCLOS

Et tensions, il y en a eu dans le passé pour ces îles et rochers hautement disputés. En 1974, la Chine a envahi les Paracels, occupées par le Vietnam, tuant alors plus de 70 vietnamiens, et en 1988, un conflit naval éclate entre les deux États dans la région des Spratlys, tuant au passage quelques 73 marins Vietnamiens (Buszynski, 2014, p. 11). En 2012, une confrontation entre la Chine et les Philippines éclate sur le Récif de Scarborough, résultant en une escalade des tensions qui durera deux mois. Plus tard la même année, la Chine suscite de vives manifestations antichinoises au Vietnam, engendrées par des accusations de sabotage contre des vaisseaux vietnamiens (BBC News, 2016).  De plus, la Chine construit des complexes à vocations militaires et des îles artificielles dans la région des Spratlys, envoie des patrouilles maritimes pour surveiller les activités de pêche de ses voisins et devient de plus en plus menaçante dans la région, promettant de protéger ses intérêts nationaux avant toutes chose (Buszynski, 2014, p. 15). Il est donc évident que la stabilité de la région est menacée par cette dispute. Des moyens ont bien entendu été pris pour tenter d’y apporter une solution, mais sans grand succès pour l’instant.

De fait, en 2002, l’ASEAN et la Chine se sont entendues sur une Déclaration de conduite des parties en mer de Chine méridionale (DOC), servant de guide pour éventuellement aboutir à un code de conduite dans la région, et jusqu’à tout récemment, rien de bien concret n’avait été fait en ce sens (ASEAN, 2002). En 2013, les Philippines ont présenté un cas devant la Cour d’arbitrage internationale afin de valider les revendications territoriales qu’elles avaient, geste perçu par la Chine comme un affront, cette dernière refusant d’y être représentée et d’être soumise à la décision de la Cour. En juillet dernier, un jugement en grande partie favorable aux Philippines a été prononcé, ne reconnaissant aucun droit historique à la Chine sur la mer de Chine du Sud et rejetant sa ligne à neuf traits en tant que limite territoriale, déclare que celle-ci n’a aucun fondement légal. Il ne va pas sans dire que la Chine a balayé ce jugement du revers de la main et a déclaré qu’il n’avait aucun pouvoir de contrainte sur elle (Council on Foreign Relations B, 2017).

Incertitude du rôle futur des États-Unis

(C) Obama et Xi Jinping (Photo by Feng Li/Getty Images)

Pendant ce temps, les États-Unis ont, en 2011, effectué un « pivot » vers la région Asie-Pacifique, afin de solidifier leur stratégie de balancement des puissances dans la région, considérant le nombre de traités de sécurité bilatéraux maintenus entre ces derniers et des pays clés d’Asie de l’Est, tels que le Japon et les Philippines. Toutefois, les États-Unis ont toujours été ambivalents à s’impliquer dans la dispute, encourageant le recours aux institutions internationales, mais insistant toujours sur le principe de liberté de navigation (Emmers, 2014, 150-153). Toutefois, avec l’arrivée de Trump à la Présidence des États-Unis, les choses peuvent changer, considérant qu’en campagne, il insistait sur la menace que représentait la Chine, utilisant des termes peu flatteurs. Ainsi, il est difficile de prédire la suite des choses, Trump étant lui-même un exemple d’imprévisibilité lorsqu’il est question de politique étrangère.

La situation en mer de Chine du Sud est un sujet d’actualité, évoluant tous les jours, est d’une importance capitale lorsqu’il est question du futur de la région en matière de sécurité, mais aussi de stabilité et de développement. On assiste ici à l’émergence et à l’émancipation de la Chine  sur la scène des grandes puissances internationales, qui ne cesse de vouloir s’affirmer comme telle et qui prendra tous les moyens possibles pour devenir le pôle de la région, ce qu’elle a été pendant des siècles auparavant. La série de billets qui sera publié dans le cadre de cette série thématique sur les disputes en mer de Chine méridionale expliquera plus en détail la position des acteurs impliqués dans la dispute, que ce soit directement ou non, détaillant la position de chacun, mais aussi explorant leurs possibilités pour l’avenir.

Bibliographie

Association of Southeast Asian Nations. 2002. Declaration of Conduct of Parties in the South China Sea. Phnom Penh: Association of Southeast Asian Nations. [En ligne]. http://asean.org/?static_post=declaration-on-the-conduct-of-parties-in-the-south-china-sea-2

BBC News. 2016. Why is the South China Sea Contentious? En ligne. http://www.bbc.co.uk/news/world-asia-pacific-13748349

Buszynski, Leszek et Roberts, Christopher B. 2015. The South China Sea maritime dispute : political, legal, and regional perspectives. New York : Routledge.

Council on Foreign Relations A. 2017. Territorial Dispute in the South China Sea. En ligne. http://www.cfr.org/global/global-conflict-tracker/p32137#!/conflict/territorial-disputes-in-the-south-china-sea

Council on Foreign Relations B. 2017. Timeline : China’s Maritime Disputes. En ligne. http://www.cfr.org/asia-and-pacific/timeline-chinas-maritime-disputes/p37249

Emmers, Ralf dans Buszynski, Leszek et Roberts, Christopher B. 2015. The South China Sea maritime dispute : political, legal, and regional perspectives. New York : Routledge.

 

Iconographie

(A) En ligne. http://www.bbc.co.uk/news/world-asia-pacific-13748349

(B) En ligne. http://www.ffxiah.com/forum/topic/49051/random-politics-religion-07/56/

(C) En ligne. http://foreignpolicy.com/2016/09/03/the-legacy-of-obamas-pivot-to-asia/

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