Le Cambodge: vol d’enfant dissimulé sous l’adoption

Par Roxanne Larouche

Figure 1. Deux orphelins cambodgiens de 8 mois, crédit : Rob Elliott

Acheter un enfant pour une modique somme de 20 USD à 100 USD semble irréaliste et à l’encontre des droits de la personne, cependant ceci est possible au Cambodge [1]. En effet, au Cambodge, l’achat de bébé et le trafic d’enfants à des fins d’adoption sont l’une des formes que prend le trafic humain. Celui-ci ne cesse d’augmenter et devient un problème majeur et alarmant [2].

Quels sont les facteurs pouvant permettre une telle continuité de ce commerce illicite primant les droits de la personne et des enfants ?

 

Ampleur et historique du phénomène

Le trafic humain et d’enfant est présent en Asie du Sud-Est pour des fins souvent sexuelles ou comme dans ce cas-ci à des fins d’adoption. D’ailleurs, les « mères porteuses » peuvent être considérées participantes aux trafics humains au Cambodge. Le trafic d’enfant à des fins d’adoption est récent puisqu’il prit place à la fin des années 80. Selon un rapport émit par l’ONG Cambodgiennes LICADHO, Cambodian League for the Promotion and Defense of Human Rights, de 1980 jusqu’en 2009, le Cambodge opérait un système d’adoption qui a envoyé des milliers d’enfants se faire adopter à l’étranger [3]. Durant cette même période, il y avait plusieurs évidences qui démontraient un système de corruption, de fraude et de falsification de document qui impliquait le « vol » et la vente d’enfant de leurs parents biologiques [4]. Ceci entraina plusieurs pays, tels que les États-Unis et des pays européens, à suspendre les activités d’adoptions venant du Cambodge. La plus récente suspension a commencé en 2009 et est toujours en place jusqu’à présent [5]. D’ailleurs, une autre preuve appuyant l’ampleur que prend cette traite d’enfant est le nombre d’adoption entre 1987 et 2009 qui s’élevait, selon le ministre des Affaires sociales du Cambodge, à 3 696 enfants [6]. Cependant, le nombre est probablement plus élevé à cause des adoptions qui ne sont pas passées par le « système » dû entre autres à la corruption et à la falsification [7].

 

Figure 2. Enfant volé au Cambodge : témoignage d’une mère — Source : LICADHO Canada

 

Facteur clé de cette prolifération

Tout d’abord, l’un des facteurs clés de cette continuité du trafic d’enfants au Cambodge est la pauvreté. En 2003, autour de 90 % de la population vivant dans la pauvreté dans les régions rurales sont majoritairement des femmes, ce qui les rendent extrêmement vulnérables en ce qui concerne la traite de personnes [8]. En effet, les trafiquants, aussi appelés les « facilitateurs d’adoptions », prennent pour cible les familles et les populations souffrant de pauvretés. Pour que les trafiquants réussissent à acheter ou à enlever l’enfant des parents, ils usent de fausses promesses qui prennent l’apparence d’une opportunité économique et d’un meilleur avenir pour l’enfant. Par exemple, ils mentionnent que des ONG réputées leur fourniront des soins médicaux et de la nourriture, que leurs enfants pourront aller à l’école ou qu’ils peuvent voir leurs enfants régulièrement [9].

 

Figure 3. Facteurs menant à l’augmentation du trafic illicite au Cambodge

 

Un autre facteur qui joue un rôle crucial dans l’existence et la prolifération de ce trafic est la corruption. En effet, le Cambodge est un pays pris avec d’énormes problèmes de corruption comme le démontre l’index de corruption dressé par Transparence Internationale, le Cambodge se trouve au 160e rang sur 180 pays et son indice est de 21/100 en 2020 [10]. Il faut tenir en compte que 0 équivaut au plus haut niveau de corruption et le 100 équivaut au niveau le plus bas de corruption, soit inexistant. D’ailleurs, comme mentionnée précédemment, cette corruption pouvait s’observer par la falsification et la fraude de documents pour « l’effacement » de l’identité de l’enfant adopté [11]. Il est important de prendre en compte que c’est un trafic extrêmement lucratif.

Pour conclure, ce « commerce » transnational illicite enfreint clairement les droits de la personne et prend tristement une grande ampleur. Malgré les efforts du gouvernement cambodgien d’arrêter les processus d’adoption ou encore en mettant de nouvelles lois de régulations pour protéger les enfants et leurs familles, elles restent encore inefficaces [12]. L’adoption au Cambodge reste moins chère et est beaucoup plus rapide que dans d’autres pays ce qui n’aide en rien à réduire ce trafic, sans compter les autres facteurs clés qui jouent un rôle majeur dans la continuité de trafic d’enfant.

 

Référence

[1] Ly Vichuta et al., Gender, Human Trafficking and the Criminal Justice System in Cambodia (Phnom Penh, Cambodia? Asia Regional Cooperation to Prevent People Trafficking, 2003), 17.

[2] Ibid.

[3] Cambodian League for the Promotion and Defense of Human Rights, « Cambodia’s Stolen Children: Fraud and Corruption in the Inter-Country Adoption System » (Phnom Penh, Cambodia, mars 2018), 1, https://www.licadho-cambodia.org/reports/files/c.pdf.

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] Ibid., 3.

[7] Ibid.

[8] Betti Rosita Sari, « The Human Trafficking of Cambodian Women and Children for Sex Industry: Internal end External Case Study », 2016, 224, https://doi.org/10.14203/JKW.V1I2.285.

[9] Trish Maskew, « Child Trafficking and Intercountry Adoption: The Cambodian Experience Ray Rushton Distinguished Lecturer Series », Cumberland Law Review 35, no 3 (2005 2004): 633‑34.

[10] « Corruption Perceptions Index 2020 for Cambodia », Transparency.org, https://www.transparency.org/en/cpi/2020.

[11] Maskew, « Child Trafficking and Intercountry Adoption », 634‑35.

[12] Ibid., 621.

 

Bibliographies

Reforme.net. « Bébés cambodgiens à vendre enquête en 2009 à Phnom Penh », 5 mars 2009. https://www.reforme.net/monde/2009/03/05/journal-03052009-3310-actualites-bebes-cambodgiens-a-vendre/.

Cambodian League for the Promotion and Defense of Human Rights. « Cambodia’s Stolen Children: Fraud and Corruption in the Inter-Country Adoption System ». Phnom Penh, Cambodia, mars 2018. https://www.licadho-cambodia.org/reports/files/c.pdf.

Transparency.org. « Corruption Perceptions Index 2020 for Cambodia ». Consulté le 25 novembre 2021. https://www.transparency.org/en/cpi/2020.

LICADHO/LICADHO Canada. Cambodia’s Stolen Children: Testimony of a Mother, 2018. https://www.youtube.com/watch?v=e2C7jeR8B80.

Maskew, Trish. « Child Trafficking and Intercountry Adoption: The Cambodian Experience Ray Rushton Distinguished Lecturer Series ». Cumberland Law Review 35, no 3 (2005 2004): 619‑38.

Sari, Betti Rosita. « The Human Trafficking of Cambodian Women and Children for Sex Industry: Internal end External Case Study », 2016. https://doi.org/10.14203/JKW.V1I2.285.

Takamatsu, Kana. « Human Security and International Assistance: Combating Human Trafficking in Cambodia ». Gender, Technology and Development 8, no 2 (1 janvier 2004): 277‑85. https://doi.org/10.1080/09718524.2004.11910121.

Tsai, Laura Cordisco, Vanntheary Lim, et Channtha Nhanh. « Perspectives of Survivors of Human Trafficking and Sexual Exploitation on Their Relationships with Shelter Staff: Findings from a Longitudinal Study in Cambodia », s. d., 19.

Vichuta, Ly, Janet Ashby, Anne Gallaher, et Asia Regional Cooperation to Prevent People Trafficking. Gender, Human Trafficking and the Criminal Justice System in Cambodia. Phnom Penh, Cambodia? Asia Regional Cooperation to Prevent People Trafficking, 2003.

Figure et vidéo

Figure 1Globalpost. « Cambodia Tries to Solve Its Baby-Stealing Problem ». The World from PRX, s. d. https://theworld.org/stories/2012-09-19/cambodia-tries-solve-its-baby-stealing-problem. Crédit : Rob Elliott.

Figure 2 (vidéo) — LICADHO/LICADHO Canada. Cambodia’s Stolen Children: Testimony of a Mother, 2018. https://www.youtube.com/watch?v=e2C7jeR8B80.

Figure 3Sari, Betti Rosita. « The Human Trafficking of Cambodian Women and Children for Sex Industry: Internal end External Case Study », 2016, p. 226. https://doi.org/10.14203/JKW.V1I2.285.

 

 

 

 

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