Philippines: Abus de pouvoir policier envers la minorité LGBTQ+

Par Anna Dauray

La discrimination de la communauté LGBTQ+ est répandue aux Philippines. Le corps policier du pays ne fait pas exception. Les agents ont utilisé la COVID-19 comme prétexte pour discriminer et attaquer la communauté LGBTQ+. Le 5 avril 2020, la police philippine a filmé en direct les humiliations qu’ils ont fait subir à trois personnes LGBTQ+ pour avoir dépassé le couvre-feu mis en place. Deux de ces personnes avaient expliqué aux agents qu’ils faisaient une commission pour leur grand-mère. Les agents de police n’ont pas pris en compte leurs dires et ont publiquement humilié ces personnes.[1] Le 26 juin 2020, le corps policier philippine a arrêté une vingtaine de personnes protestant, durant un évènement LGBTQ+, contre une loi « antiterroriste » qui menace les droits de la personne, et ce sans même expliquer la raison de leur arrestation. Ensuite, les protestants ont été accusés de propager le virus et d’avoir enfreint la loi sur les rassemblements publics. Les activistes des droits de la personne philippines mettent de l’avant que la loi n’interdit pas les protestations ni ce genre de rassemblements et que les protestants suivaient la distanciation sociale et portaient des masques.[2] Les Philippines ont des lois concernant les droits de la personne et le pays est en faveur pour ceux-ci. Alors, qu’est-ce qui permet au corps de police de discriminer leur minorité LGBTQ+ ?

Arrestations policières lors d’une marche de la fierté gay à Manille, Philippines [AP Photo/Gerard Carreon,2020]

Problème de cohérence

L’opinion des établissements civils et de la population générale est variée aux Philippines envers leur communauté LGBTQ+. La recherche de Ruivivar S. R. P. et Sisante A. M. M. dans la municipalité General Trias démontre la présence de programmes anti discriminatoires pour la communauté LGBTQ+, mais ceux-ci ne sont pas bien organisés. Les lois nationales antidiscriminatoires sont inexistantes. Du coup, les organisations locales gèrent les problèmes qui entourent la communauté LGBTQ+.[3] Ces organisations n’ont donc pas le pouvoir d’agir sur le corps policier quand ils attaquent la communauté LGBTQ+. Il n’y a pas de loi nationale pour punir les crimes haineux contre les personnes LGBTQ+. En revanche, un nombre de lois locales contre les examens médicaux forcés, le harcèlement et l’humiliation basés sur l’orientation sexuelle ou sur l’identité de genre existe. Cependant, les pénalités et le territoire sur lequel ces lois sont en vigueur sont limitées.[4] Ce n’est pas seulement la police qui discrimine contre les personnes LGBTQ+. Celles-ci sont discriminées sur le marché du travail, à l’université et dans le système de santé. Encore de nos jours, ces personnes sont « victimes de violence et de meurtres commis sur la base de leur orientation sexuelle ou de leur genre ». Le mouvement LGBTQ+ philippine n’a pas « été en mesure d’obtenir des gains politiques afin de mieux protéger les droits et la sécurité de ces communautés. » [5] En revanche, les militants des droits LGBTQ+ des Philippines mettent en lumière les problèmes LGBTQ+ au grand public et augmentent le nombre d’organisations LGBTQ+ dans le pays. Leurs trois principaux objectifs sont des législations nationales antidiscriminatoires, une représentation politique et la reconnaissance des mariages LGBTQ+.[6] Selon Chartrand, « la fragmentation et le manque de cohérence au sein du mouvement ont compliqué la formation et l’adoption de politiques pouvant régler ces enjeux. » Il explique cette fragmentation du mouvement par l’identité collective, la fracture idéologique, le cadrage et les modes d’organisation et stratégie. La crédibilité d’une grande partie du mouvement LGBTQ+ philippien est remise en question, car « plusieurs groupes considèrent que les identités LGBTIQ ne sont qu’un redéploiement d’identité occidentale ne s’appliquant que partiellement à leurs réalités ».[7]  En plus d’après ces groupes, les militants des droits LGBTQ+ des grandes villes « n’ont pas la légitimité de s’exprimer au nom de toutes les communautés LGBTIQ au pays. » [8]

 

Identités locales

Les identités les plus reconnues et acceptées par la société philippienne sont les « baklas » et les « tomboys ». L’identité bakla « renvoie à la présence d’une âme féminine à l’intérieur d’un corps masculin. […] Ainsi, les besoins et les désirs d’un individu bakla seraient similaires à ceux d’une femme. » [9] Les tomboys suivent la même logique, mais à l’opposé, soient des âmes masculines dans des corps féminins, ayant des besoins et désirs similaires aux hommes hétérosexuels. Un point difficile pour les militants des droits LGBTQ+ est la différence entre les identités locales et le modèle occidental de la communauté. Les identités et orientations sexuelles sont intimement liées contrairement au modèle occidental. Par exemple, le terme « silahis » est plus approprié aux Philippines concernant les hommes cisgenres attirés par les autres hommes cisgenres. Du coup, le terme « transgenre » n’a pas d’équivalent dans la culture philippienne.[10]

La discrimination policière et les évènements récents s’expliquent donc par les identités locales intimement liées à la sexualité, au manque de législations antidiscriminatoire et au manque de cohérence entre le mouvement LGBTQ+ et les identités locales. Pour comprendre les actions des policiers, il faut comprendre le contexte de la communauté LGBTQ+ aux Philippines. Cependant, l’utilisation de la Covid-19 en tant que prétexte pour les humilier et discriminer reste inexcusable.

 

Références

[1] Thoreson, R. (2020, 8 avril). Philippines Uses Humiliation as COVID Curfew Punishment. Human Rights Watch.

[2] Thoreson, R. (2020, 26 juin). Philippines Police Crack Down on LGBT Protest. Human Rights Watch.

[3] Ruivivar, S. R. P., & Sisante, A. M. M. (2018). POLICY ANALYSIS ON GENERAL TRIAS ANTI-LGBTQ DISCRIMINATION ORDINANCE (thèse de doctorat, Lyceum of the Philippines University). Ruivivar, S. R. P., & Sisante, A. M. M. (2018). POLICY ANALYSIS ON GENERAL TRIAS ANTI-LGBTQ DISCRIMINATION ORDINANCE (thèse de doctorat, Lyceum of the Philippines University).

[4] Raoul Angelo de Fiesta, A Mandate against Hate : Finding and Founding a Philippine Law on LGBT Hate Crimes, 88 PHIL. L.J. p.699. 2014.

[5] Chartrand, A. (2016). Fragmentation et stagnation : enjeux de mobilisation du mouvement LGBTIQ aux Philippines. [Mémoire de maîtrise, Université de Montréal]. Papyrus.

[6] Manalastas, E. J. D., & Torre, B. A. (2013). Social Psychological Aspects of Advocating LGBT Human Rights in the Philippines. Gender and Justice Action Research Program, Institute of Human Rights, University of the Philippines Law Center.

[7] Chartrand, A. (2016). Fragmentation et stagnation : enjeux de mobilisation du mouvement LGBTIQ aux Philippines. [Mémoire de maîtrise, Université de Montréal]. Papyrus.

[8] Ibid.

[9] Ibid.

[10] Alavado, D.L.C. (2012). Transnationalization in Sexual Politics: How the transnational influenced and shaped the work of local LGBT rights groups in the Philippines. [thèse de doctorat, University of the Philippines Manila]. Dépôt DSpace/Manakin.

Bibliographie

Alavado, D.L.C. (2012). Transnationalization in Sexual Politics: How the transnational influenced and shaped the work of local LGBT rights groups in the Philippines. [thèse de doctorat, University of the Philippines Manila]. Dépôt DSpace/Manakin.

http://dspace.cas.upm.edu.ph:8080/xmlui/handle/123456789/487

Chartrand, A. (2016). Fragmentation et stagnation : enjeux de mobilisation du mouvement LGBTIQ aux Philippines. [Mémoire de maîtrise, Université de Montréal]. Papyrus. https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/18833

Manalastas, E. J. D., & Torre, B. A. (2013). Social Psychological Aspects of Advocating LGBT Human Rights in the Philippines. Gender and Justice Action Research Program, Institute of Human Rights, University of the Philippines Law Center. https://pages.upd.edu.ph/sites/default/files/ejmanalastas/files/manalastas_torre_fil_lgbt_activism.pdf

Raoul Angelo de Fiesta, A Mandate against Hate: Finding and Founding a Philippine Law on LGBT Hate Crimes, 88 PHIL. L.J. p.699. 2014. https://heinonline.org/HOL/Page?collection=journals&handle=hein.journals/philplj88&id=743&men_tab=srchresults

Ruivivar, S. R. P., & Sisante, A. M. M. (2018). POLICY ANALYSIS ON GENERAL TRIAS ANTI-LGBTQ DISCRIMINATION ORDINANCE (thèse de doctorat, Lyceum of the Philippines University).

Thoreson, R. (2020, 26 juin). Philippines Police Crack Down on LGBT Protest. Human Rights Watch. https://www.hrw.org/news/2020/06/29/philippines-police-crack-down-lgbt-protest

Thoreson, R. (2020, 8 avril). Philippines Uses Humiliation as COVID Curfew Punishment. Human Rights Watch. https://www.hrw.org/news/2020/04/08/philippines-uses-humiliation-covid-curfew-punishment

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