Cambodge: Phnom Penh, la ville qui ne se laisse pas abattre

Par Manon Regnault

Le Cambodge, enfant malade de l’Asie du Sud-Est, fait partie des derniers pays de la région à s’intégrer à la mondialisation. La colonisation chinoise, le protectorat français, la guerre civile et l’occupation vietnamienne n’ont pas laissé le pays indemne de conséquences économiques. Les rendements agricoles ont considérablement diminué au sortir de la guerre[1]. Aujourd’hui encore les infrastructures, la répartition de la population ainsi que les disparités économiques qu’elle induit sont des défis difficiles à surmonter[2].

Cependant, c’est à partir des années 1990 que le pays, prenant exemple sur ses voisins, commence à s’ouvrir aux marchés extérieurs et aux investissements étrangers. Les ruraux, autrefois vidés des villes lors de l’invasion Khmer de 1975 sont attirés par le développement des services publics ainsi que la croissance de l’activité commerciale de la ville, l’utopie d’un avenir meilleur[3]. Subséquemment, Phnom Penh, capitale historique, économique et politique du pays, subit de ce fait une urbanisation massive. Le rythme effréné de cette urbanisation et la croissance démographique de la ville rend le pays dépendant de l’aide économique des autres Etats et du commerce extérieur, justifiés par la reconstruction de la ville. Néanmoins, ce phénomène peut se traduire par un « urbanisme globalisé, normalisé et imposé » et un modèle de croissance non durable [4]. En effet, l’absence de planification urbaine adéquate pour de meilleurs services d’eau, d’électricité et d’égout justifie la faiblesse du système institutionnel face à la dépendance financière et la spéculation foncière. L’Etat doit prendre en considération les besoins socio-économiques de sa population et pas seulement une « stratégie de développement centrée sur la croissance économique et l’intégration à des organisations régionales et mondiales »[5].

Les communautés pauvres vulnérables aux expulsions (Thomas, 2019)

Mais Phnom Penh ne se laisse pas abattre et la démocratisation de 1991 pose les « fondements d’une nouvelle stratégie nationale de reconstruction et de développement »[6] . En effet, cette ouverture démocratique est toute récente ainsi que les lois en matière de planification urbaine « qui ne vont pas aussi vite que la croissance urbaine »[7]. De nombreux efforts commencent à être mis de la part de l’Etat qui délègue peu à peu ses pouvoirs aux municipalités permettant à Phnom Penh d’avoir une plus grande part de responsabilité. Les infrastructures commencent progressivement à être restaurées.

D’un point de vue historique maintenant, Phnom Penh a subi de plein fouet la colonisation et les conflits armés. 1975 a entièrement vidé la population de la ville. Les autorités locales ne peuvent qu’en sortir désorientées et épuisées. Bien évidemment, cette relâche impacte les décisions politiques et cette dépendance financière pour l’extérieur.

Mais Phnom Penh ne se laisse pas abattre et la ville se reconstruit à grande vitesse bien que, comme dis précédemment, les fragmentations à l’intérieur du système institutionnel ne lui facilite pas la tâche. Cette reconstruction a pour objectif d’aménager efficacement les infrastructures.

D’un point de vue architectural enfin, les infrastructures restent fragiles résultant de la détérioration du patrimoine et des infrastructures urbaines par la colonisation et les récentes guerres. Bien que la démocratisation se soit mise en place, l’urbanisation massive de Phnom Penh souffre de la lenteur dans laquelle se réinstalle les populations. Les plus précaires doivent reconstruire leur maisons, sans moyens et souvent de manière illégale et informelle. Cette précarisation de l’habitat précaire laisse place à, souvent dans les zones périphériques, des quartiers entiers de bidonvilles. Ces bidonvilles ne disposent souvent pas de services publics et ses paramètres architecturaux sont souvent à l’image de la ville. En effet, de nombreux progrès doivent encore être fait en matière de « rapports de pouvoir entre les acteurs qui conditionnent la production de la ville »[8]. La centralisation des activités politiques, économiques et sociales doivent cesser si Phnom Penh veut renaître de ses cendres et retrouver son statut prestigieux de capitale majestueuse angkorienne.

Maisons flottantes sur le Tonlé Sap (Thomas 2019)

Mais Phnom Penh ne se laisse pas abattre et reste tout de même une ville harmonieuse. Le quartier cambodgien de la ville, situé dans la « verdure du Palais Royal » donne une image apaisante de la ville malgré la modestie de ses infrastructures[9]. L’aménagement de la ville fait des progrès remarquable et tente de prendre en compte les objectifs et besoins sociopolitiques de ses habitants. Une ville harmonieuse et moderne est en train de se mettre en place[10]. La modernisation de la ville et son urbanisme a bien évidemment été conditionné par le protectorat français. Les techniques innovantes et le développement économique qui a été importé a indéniablement contribué au progrès des infrastructures de la ville.

Seul le temps, le temps que de meilleur rapports de pouvoir entre les acteurs et le que des progrès soit fait en matière de planification urbaine, pourra permettre à Phnom Penh se retrouver sa splendeur d’antan.

Bibliographie 

Fauveaud, G. Shadow urbanism: public and private actors dealing with real estate development in Phnom Penh, Cambodia / Les pratiques urbanistiques de l’ombre des acteurs institutionnels et privés : le cas de Phnom Penh, Cambodge. L’Espace Politique , 2016.

Florensa, Clara. Le pari du développement économique au Cambodge. 2013. https://redtac.org/asiedusudest/2013/12/20/le-pari-du-developpement-economique-au-cambodge/ (accès le mars 29, 2021).

Garry, R. « L’urbanisation au Cambodge .» Civilisations Vol. 17, 1997: 83-108.

Koninck, Rodolphe de. « L’Asie du Sud-Est .» Armand Colin , 2019: 400.

Thomas, Marie. «Analyse des dynamiques d’urbanisation à Phnom Penh .» Université de Liège, 2019.

[1] Garry, R. « L’urbanisation au Cambodge .» Civilisations Vol. 17, 1997: 83-108.

[2] Koninck, Rodolphe de. « L’Asie du Sud-Est .» Armand Colin , 2019: 400.

[3] Thomas, Marie. «Analyse des dynamiques d’urbanisation à Phnom Penh .» Université de Liège , 2019.

[4] Thomas, Marie. «Analyse des dynamiques d’urbanisation à Phnom Penh .» Université de Liège , 2019.

[5] Thomas, Marie. «Analyse des dynamiques d’urbanisation à Phnom Penh .» Université de Liège , 2019.

[6] Florensa, Clara. Le pari du développement économique au Cambodge. 2013. https://redtac.org/asiedusudest/2013/12/20/lepari-du-developpement-economique-au-cambodge/ (accès le mars 29, 2021).

[7] Thomas, Marie. «Analyse des dynamiques d’urbanisation à Phnom Penh .» Université de Liège , 2019.

[8]

Fauveaud, G. Shadow urbanism: public and private actors dealing with real estate development in Phnom Penh, Cambodia / Les pratiques urbanistiques de l’ombre des acteurs institutionnels et privés : le cas de Phnom Penh, Cambodge. L’Espace Politique , 2016.

[9] Garry, R. « L’urbanisation au Cambodge .» Civilisations Vol. 17, 1997: p. 96.

[10] Garry, R. « L’urbanisation au Cambodge .» Civilisations Vol. 17, 1997: p. 99.

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