La guerre du Vietnam : le cas de l’écocide

Par Manuella Borges Muniz

Sans aucun doute, la guerre du Vietnam est considérée comme un événement meurtrier. Cette guerre a été également mortelle et dévastatrice pour l’environnement de ce pays et a engendré la destruction d’un pourcentage considérable des forêts. Selon Neyret 2014, la guerre du Vietnam est le berceau du terme l’écocide, quand l’environnement devient, alors, une cible militaire.

 

Source :https://www.rfi.fr/fr/podcasts/c-est-pas-du-vent/20210128-agent-orange-au-vietnam-un-écocide-en-quête-de-reconnaissance

Le terme écocide, qui définit les atteintes les plus graves qui ont pour effet la destruction massive et irréversible de l’environnement, est formé par le préfixe « éco » – la maison ou l’habitat, suivi du suffixe « cide » – tuer. Puis, la vocation de ce terme est de caractériser les dommages les plus tragiques faits à l’environnement. Pendant la guerre du Vietnam, l’armée américaine a utilisé des herbicides très puissants qui avaient comme objectif la défoliation des denses arbres de la forêt vietnamienne où les Viêt côngs (l’ennemi) se cachaient. Après l’utilisation en masse de ces produits chimiques les conséquences furent catastrophiques, comme la destruction de 20% de la forêt de ce pays suivi des conséquences sanitaires très graves sur sa population[1]. Finalement, dans les années 1970, des biologistes et des juristes américains ont qualifié l’écocide comme un crime de guerre et ont proposé l’adoption d’un accord international afin de le bannir.[2]

Quand utilisés de manière répétée et à fortes concentrations, les herbicides deviennent des armes chimiques. En 1962, le programme de défoliation par l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam constitue le volet majeur, où il visait à détruire la végétation et les récoltes[3]. Les agents chimiques, ainsi, provoquent de la sécheresse sur les feuilles et la tige, causant ainsi la mort brutale des plantes. L’opération Ranch Hand, pour sa part, avait comme cible les forêts et allait jusqu’à la destruction des cultures. À la fin de cette opération, 70 000 000L de produits chimiques, notamment des Agents Orange et Blanc (pour la végétation et forêt) et Bleu (pour les cultures) ont été pulvérisés sur une superficie d’un total de 20% de la forêt vietnamienne.[4] L’Agent Bleu, pour sa part, a eu un effet dévastateur particulièrement sur la récolte de riz, déclenchant, ainsi, un exode de la population rurale. Cette opération en particulier avait comme objectif pousser les paysans vers des camps de réfugiés ou bien dans des villes où il était plus facile de les surveiller[5].

Source : https://www.larevuedesressources.org/vietnam-apres-un-homicide-a-la-dioxine-un-ecocide-aux-ogm,2678.html

Les écosystèmes ont été aussi gravement touchés par des bombardements qui mutilaient les arbres, des incendies, comme aussi par des bulldozers jugés plus efficaces contre la végétation. Une scène catastrophique se voyait présente sur sol vietnamien qui est mis à nu avec sa végétation complètement détruite[6].

Source : https://www.vice.com/fr/article/jpj8x7/les-monstres-quutilisait-larmee-us-pour-raser-les-forets-du-vietnam

Chez les êtres humains, les conséquences sont aussi dévastatrices, où la plus toxique des dioxines a laissé des traces sur la population vietnamienne avec le surgissement de malformations congénitales, de cancers, entre autres. Cette contamination continue à faire des victimes jusqu’à nous jours.[7] Entre 2,1 et 4,8 millions de Vietnamiens (ici on peut citer des Cambodgiens, Laotiens, Américains et leurs alliés également) ont été exposés aux produits chimiques. De plus les conséquences sanitaires ne se limitent pas à ceux qui ont vécu la guerre, mais aussi à leurs descendants, où les effets de l’intoxication se font ressentir jusqu’à la quatrième génération[8].

 

Xuan Minh, cinq ans, victime de l’agent orange, à l’hôpital de Tu Du, à Hô Chi Minh-Ville, en 2005. Source : https://reporterre.net/L-agent-orange-le-poison-de-la-guerre-du-Vietnam-en-proces

Malgré le fait que le concept de l’écocide soit connu parmi la communauté académique, il n’est pas reconnu comme étant un crime international. Par contre, plusieurs États, notamment le Vietnam ou bien la Russie, ont décidé d’introduire dans leur propre Code pénal le crime de l’écocide, qui comprend la destruction massive de la faune et de la flore, ou bien de la contamination de l’eau ou de l’atmosphère, ou tout ce qui peut être compris comme une catastrophe écologique. L’État vietnamien, unilatéralement, définit l’écocide comme un crime contre l’humanité commis par destruction de l’environnement naturel, en temps de paix, ou bien en temps de guerre[9].

[1] Neyret, Laurent. 2014. « Pour la reconnaissance du crime d’écocide ». Revue juridique de l’environnement. https://www.cairn.info/revue-revue-juridique-de-l-environnement-2014-HS01-page-177.htm

[2] Ibiden.

[3] Robert-Charmeteu, Amélie. 2015. “Les impacts de la guerre du Viêt Nam sur les forêts d’A Luoi. Vertigo. Open Edition Journals. https://journals.openedition.org/vertigo/16105

[4] Thao Tran, Jean-Paul Amat et Françoise Pirot. 2007. « Guerre et défoliation dans le Sud Viêt-Nam, 1961-1971 ». Histoire & Mesure. Journals Open Edition, p. 71-107. https://journals.openedition.org/histoiremesure/2273#quotation

[5] Ibiden.

[6] Robert-Charmeteu 2015.

[7] Brunet, Dorian. 2015. « L’utilisation de l’agent orange durant la guerre du Vietnam et ses conséquences sur la santé ». DUMAS. Université de Bordeaux. https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01191567

[8] Cholez, Laury-Anne. 2021. « L’agent orange, le poison de la guerre du Vietnam, en procès ». Reporterre. https://reporterre.net/L-agent-orange-le-poison-de-la-guerre-du-Vietnam-en-proces

[9] Maljean-Dubois, Sandrine. 2016. « L’écocide et le droit international, de la guerre du Vietnam à la mise en péril des frontières planétaires. Réflexions à partir de la contribution de Richard Falk : « Environmental Warfare and Ecocide. Facts, Appraisal and Proposals ». HAL. Revue Belge de Droit International, vol. XLVIII, 2015-1/2, pp. 359-367. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01407456/document

Bibliographie

Brunet, Dorian. 2015. « L’utilisation de l’agent orange durant la guerre du Vietnam et ses conséquences sur la santé ». DUMAS. Université de Bordeaux. https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01191567

Cholez, Laury-Anne. 2021. « L’agent orange, le poison de la guerre du Vietnam, en procès ». Reporterre. https://reporterre.net/L-agent-orange-le-poison-de-la-guerre-du-Vietnam-en-proces

Maljean-Dubois, Sandrine. 2016. « L’écocide et le droit international, de la guerre du Vietnam

à la mise en péril des frontières planétaires. Réflexions à partir de la contribution de Richard Falk : « Environmental Warfare and Ecocide. Facts, Appraisal and Proposals ». HAL. Revue Belge de

Droit International, vol. XLVIII, 2015-1/2, pp. 359-367. https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-

01407456/document

Neyret, Laurent. 2014. « Pour la reconnaissance du crime d’écocide ». Revue juridique de

l’environnement. https://www.cairn.info/revue-revue-juridique-de-l-environnement-2014-HS01-page-177.htm

Robert-Charmeteu, Amélie. 2015. “Les impacts de la guerre du Viêt Nam sur les forêts d’A Luoi. Vertigo. Open Edition Journals. https://journals.openedition.org/vertigo/16105

Thao Tran, Jean-Paul Amat et Françoise Pirot. 2007. « Guerre et défoliation dans le Sud Viêt-Nam, 1961-1971 ». Histoire & Mesure. Journals Open Edition, p. 71-107. https://journals.openedition.org/histoiremesure/2273#quotation

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