Les Philippines et la mondialisation : vers une transition forestière

La déforestation est un enjeu qui touche les pays tropicaux en voie de développement. Les Philippines est l’un des pays le plus touché par la déforestation. Selon le Global Forest Ressources Assesments, la couverture forestière de ce pays en 2016 est de 27,77 %, un des taux les plus bas de la région. Que ce soit sous le régime de Marcos, Ramos ou plus récemment, Aquino, la déforestation a toujours été un enjeu environnemental qui nécessite la mise en place de politiques environnementales et de programmes de reboisement. La déforestation et les conséquences environnementales qu’elle entraîne sont le résultat des stratégies de développement philippin (Coxhead, Jayasuriya, 2004).

 

La mondialisation aux Philippines, un pays émergent ?

Le processus de la mondialisation aux Philippines a certainement été ralenti par la rigidité des régimes politiques mis en place dans le pays. C’est pendant la période de Marcos que les plus grands taux de déforestation ont été observés (Bankoff, 2007). Sous l’administration de Ramos, soit de 1992 à 1998, tout un processus de libéralisation, de décentralisation et de régulation de l’économie a eu lieu, ce qui a fait que les besoins des investisseurs étrangers sont pris en compte par le pays. C’est à ce moment-là que les Philippines ont compris qu’ils devaient joindre la mondialisation (Kelly, 2000). Or, c’est sous la présidence de Marcos que les Philippines ont eu une ouverture rapide sur les marchés extérieurs. Ce processus a été facilité grâce à la position géographique très favorable de ce pays.  En effet, les Philippines sont composées d’un archipel de 7 641 îles, situées dans l’axe de Singapour-Tokyo (Boquet, 2011). De ce fait, le pays est membre fondateur de l’ASEAN et de l’APEC. Même si ce pays est doté de plusieurs ressources naturelles, et était un des principaux fournisseurs de bois, il ne figure pas parmi les 8 économies émergentes et présente une croissance beaucoup plus faible que celle des pays de la région, qui est en forte croissance (Boquet, 2011). En effet, à partir des années 1980, la croissance annuelle du PNB (produit national brut) des Philippines est très faible, soit de 1,7 % entre 1985-1994 et entre 4 % et 6 % entre 2003-2009 (Boquet, 2011).

 

Les Philippines: un champion de la  déforestation? 

Exploitation forestière aux Philippines Crédits: ©Greentumble, 2016. 

Le recul de la forêt commence autour du XIXe siècle puisque le pays exploite intensivement le bois et favorise l’ouverture de fronts pionniers pour laisser la place à l’agriculture qui devient rapidement de type commercial (Koninck, Caouette, 2012). Plus le pays s’insère aux marchés mondiaux, plus la demande de la culture de rente et de bois grandit. Comme conséquence, les Philippines ont perdu les 9/10 de leur forêt primaire en 40 ans, en passant de 10 millions d’hectares (ha) en 1950 à 1 million d’hectares (ha) à la fin des années 1980 (Smouts, 2001). À ce rythme, pendant le XXe siècle, la forêt nationale représente 18 % du territoire à la fin des années 1990 (Coxhead, Jayasuriya, 2004). Comment expliquer ces chiffres ?

Pendant longtemps, la charpente et le bois étaient les produits principalement exportés auxquels s’ajoutent les produits en bois transformés. De plus, l’agriculture était une des principales stratégies de développement, qui s’intensifie à cause d’une forte croissance démographique. Les Philippines comptent avec 98 millions d’habitants en 2012. La quête de nouvelles terres se voit indispensable et prend la place des forêts (Coxhead, Jayasuriya, 2004). Certaines régions du pays ont même perdu jusqu’à 90 % de leur couverture forestière!

 

Une transition forestière envisageable ?

Pour réduire la déforestation, plusieurs tentatives de reforestation ont eu lieu. Dans les années, 1960, des milliards de pesos ont été versés pour le reboisement. Puis, en 1980, le gouvernement de Marcos met en place un projet de reforestation (The Fourteen Year National Reforestation Program) suivi du National Reforestation Program, où l’objectif est de planter 1,4 million d’ha jusqu’aux années 2000 (Espaldon, 1997). Or, la déforestation ne cesse d’augmenter. Entre 2001-2012, 529, 657 ha de forêts ont été abattues sur le territoire philippin (Apan et al., 2017). Néanmoins, les Philippines cessent d’être un pays exportateur et deviennent un pays importateur à compter des années 1990. Cela a eu un impact positif dans les taux de déforestation. Lorsque les Philippines exportaient les produits forestiers, sa couverture forestière diminuait. Alors, le pays importa de plus en plus de produits forestiers ce qui a contribué à ce que les forêts exploitées puissent se rétablir avec le temps (Linghao et al., 2017).

Néanmoins, dans le cas des Philippines. Ce dernier a vécu ce qu’on appelle une transition forestière, qui désigne le passage d’une période de déforestation à une période de reboisement (Imai et al., 2018). Cela ne désigne pas nécessairement l’absence de déforestation puisqu’aux Philippines le taux de forêts demeure très bas, mais celles-ci ont aussi augmenté.

 

L’exemple de l’île Leyte:

Projet Leyte Reforestation, Philippines Crédits: ©Tree-Nation, 2019.

Malgré tout, le reboisement est possible en Asie du Sud-Est si les bonnes méthodes et véhicules de reboisement sont utilisés. Dans cette île philippine, 43 projets pour la reforestation ont été menés. Cela a redonné 1,7 million ha de forêts à l’île de 1960 à 2002 (Dinh Le, Smith, Herbohn, 2014). En effet, le succès des projets de reboisement dépend autant des facteurs tel que la méthode employée que les campagnes de conscientisation sur l’impact de la déforestation dans les pays tropicaux.

 

 

 

 

 

Bibliographie:

Apan, A., Suarez, A., Maraseni, T., Castillo, J.A. (2017). The rate, extent and spatial predictors of forest loss (2000–2012) in the terrestrial protected areas of the Philippines, Applied Geography, Volume 81, 32-42. Repéré à https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0143622817301583

Bankoff, G. (2007). One island too many: reappraising the extent of deforestation in the Philippines prior to 1946, Journal of Historical Geography, 33(2), 314-334. Repéré à
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0305748806000946:

Boquet, Y. (2011). Les Philippines : un pays émergent dans la mondialisation ? (The Philippines : an emerging country in globalization ?). In: Bulletin de l’Association de géographes français, 88e année. Les pays émergents : la montée en puissance de nouveaux acteurs dans la mondialisation, 306-325. Repéré à https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_2011_num_88_3_8226

Coxhead, I., Jayasuriya, S.K. (2004). Development strategy and trade liberalization: implications for poverty and environment in the Philippines. Environment and Development Economics 9(05), 613-644. Repéré à https://www.researchgate.net/publication/4768660_Development_strategy_and_trade_liberalization_Implications_for_poverty_and_environment_in_the_Philippines/citations#fullTextFileContent

De Koninck, R. & Caouette, D. (2012). Philippines : les stratégies migratoires. Relations, (761), 32–33. Repéré à https://www.erudit.org/fr/revues/rel/2012-n761-rel0367/68020ac/.

Dinh Le,H., Smith, C., Herbohn, J. (2014). What drives the success of reforestation projects in tropical developing countries? The case of the Philippines, Global Environmental Change, Volume 24, 334-348. Repéré à https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378013001623

Espaldon, V.O., Smit, B. (1997). Community reforestation in the Philippines: An evaluation of community contracts. Knowledge and Policy 10, 34–42 https://doi.org/10.1007/BF02912485

Imai N, Furukawa T, Tsujino R, Kitamura S, Yumoto T. (2018). Factors affecting forest area change in Southeast Asia during 1980-2010. PLoS ONE 13(5). https://doi.org/10.1371/ journal.pone.0197391.

Kelly, P, F. (2000). Landscapes of Globalization: Human Geographies of Economic Change in the Philippines. New York : Routledge.

Lingchao Li, Jinlong Liu, Hexing Long, Wil de Jong, Yeo-Chang Youn, Economic globalization, trade and forest transition-the case of nine Asian countries, Forest Policy and Economics, Volume 76, 2017, 7-13.

Smouts, M. (2001). Chapitre 3. La déforestation: Un débat sans conclusion. Dans :, M. Smouts, Forêts tropicales, jungle internationale: Les revers de l’écopolitique mondiale (pp. 137-165). Paris: Presses de Sciences Po. Repéré à : https://www.cairn.info/forets-tropicales-jungle-internationale–9782724608526.htm

 

 

 

 

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