Les défis de la mondialisation en Malaisie: faune et flore en péril?

À la suite de l’ouverture de ses marchés, la Malaisie devint l’un des pays de la région qui détient un haut niveau d’IDH (indice de développement humain) qui est de 0,77 en 2015 et un PIB par habitant de 9 766 $. Ce dernier chiffre ne cesse d’augmenter (Guerin, 2017). Or, bien que les effets économiques de la mondialisation se font ressentir, la perte de la biodiversité est un des principaux défis qui touche ce pays. La Malaisie a un taux de déforestation de 68,400 ha (hectares) par année selon des données présentés par le FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) en 2010, comment ce pays est arrivé là?

À partir des années 1990, ce pays a expérimenté une croissance économique remarquable liée à l’intensification de sa production et à l’augmentation de ses exportations par la création de zones commerciales qui dépassent les frontières régionales. Néanmoins, c’est plus précisément entre les années 1987 et 1996 que ce pays a connu une croissance économique grandissante. Le taux de croissance du pays était de 8 % par année (Stubbs, 2001).

En 2009, la Malaisie occupe le 21e rang des pays exportateurs, a multiplié ses accords bilatéraux et multilatéraux, devient membre de l’Organisation mondiale du Commerce, et favorise les interactions au sein de l’ASEAN (Lafaye de Micheau, 2012). Ce pays choisit la voie de la mondialisation. 

Exportations totales 1965-2008

Source: CNUCED, 2010. Graphique qui montre l’évolution de la valeur du nombre d’exportations de la Malaisie en millions de $US entre 1965 à 2007.

 

Comment expliquer ces chiffres constamment en croissance ?

 Après la crise asiatique qui a eu lieu dans les années 1997 et 1998, la politique du pays sera divisée principalement par deux groupes politiques qui joueront un rôle important. Il s’agit des réformateurs libéraux et des nationalistes économiques. Les premiers encouragent le maintien d’une ouverture économique des marchés.  Les deuxièmes mettent l’accent sur  le contrôle de l’économie interne et prônent une intervention énergique de l’État pour que celui-ci préserve l’économie malaisienne des destructions causés par la mondialisation (Stubbs, 2001, p.461). Or, il est probable que ces derniers avaient raison puisque ce pays fait face à de nombreux problèmes environnementaux. Un des principaux problèmes concerne la déforestation, perçue comme un des plus grands défis de la mondialisation, car elle met en danger la biodiversité de ce pays.

 

La déforestation, un défi de la mondialisation ?

 Parmi les produits d’exportation de la Malaisie se trouvent le caoutchouc, l’étain, l’huile de palme, le bois et bien sûr les produits agricoles (Baraclough, Ghimire, 2000). Pour leur production, la recherche des nouvelles terres et d’espaces est inévitable. Cela a comme conséquence la destruction des forêts tropicales du pays pour couvrir les besoins de production fortement liés à l’agriculture (Aiken, Leigh, 1985). 

Les chiffres sont alarmants: dans l’année 1953 en Malaisie, dans l’état de Sabah, les forêts composaient 83 % du territoire. En 1998,  il n’y a uniquement que le 41 % qui est recouvert par la forêt (Pomel, Salomon, 1998). En regardant l’ensemble du territoire malais, la déforestation qu’a subit ce pays ferait la taille du Danemark.

Les effets de la mondialisation sur la Malaisie sont inquiétants puisque ce pays base une grande partie de son économie sur l’exploitation de bois. Cette activité qui est à l’origine de la déforestation, détruit l’habitat de milliers d’animaux, entre autres les orangs-outans, les éléphants, les tigres. Lorsqu’il s’agit de déforestation en Malaisie, ce sont les forêts primaires et secondaires qui sont détruites (Aiken, Leigh, 1985). Par « primaire », il s’agit d’« une forêt naturellement régénérée d’espèces indigènes où aucune trace d’activité humaine n’est clairement visible et où les processus écologiques ne sont pas sensiblement perturbés » (ONU, 2015, p.11). Les forêts secondaires quant à elles ont été endommagées, mais ont pu se rétablir avec le temps.

En Malaisie se trouvent de nombreuses forêts primaires qui sont le foyer de milliers d’espèces d’animaux, majoritairement endémiques, et donc qui peuvent survivre uniquement dans un écosystème particulier rare. Par exemple, le siamang. La population de cet animal était de 111 000 en 1958 mais a perdu 56 % de sa population à nos jours à cause de l’exploitation forestière et est en voie d’extinction (Aiken, Leigh, 1985). Tout comme cet animal, plusieurs autres ont également connu une baisse dans leur population. L’exploitation des forêts tropicales a un lien direct avec l’extinction des espèces. Un autre primate touché par la déforestation est le gibbon à mains blanches qui a perdu 50,09% de sa population jusqu’en 1975 (Aiken, Leigh, 1985). Ces espèces d’animaux exotiques sont incapables de survivre dans la forêt secondaire à cause des nouvelles conditions de leur environnement: ils ont de la difficulté à trouver des sources d’eau et de la nourriture. Sur 223 espèces d’oiseaux, 23 % d’entre elles ne survivent que dans les forêts primaires (Guérin, 2017).

 

Déforestation en Malaisie

Source: © Mattias Klum, 2015. Photographie qui montre la déforestation des forets primaires et secondaires proche de la rivière Bandan, à Sarawak, sur l’ile de Bornéo en Malaisie

L’impact de la déforestation en Malaisie sur la biodiversité est inquiétant. Or, même si l’immense déforestation dans ce pays parait un sujet récent, c’est à partir de 1982 que le Malayan Nature Society a signalé que 61 espèces de mammifères et 16 espèces d’oiseaux ont une population en déclin (de moins de 1000 en nature) et sont en danger d’extinction. D’une autre part, 130 espèces de mammifères et 148 d’oiseaux sont à risque (Aiken, Leigh, 1985).

 

Alors, quel rôle doit jouer le gouvernement pour la conservation ?

Désormais, le plus grand problème pour la déforestation en Malaisie et la perte de la biodiversité est qu’il existe une forme de scepticisme autour de ce sujet. Certaines personnes, telles que le président général du Palm Oil Council (conseil pour les entreprises d’huile de palme) et des chercheurs sur le sujet, ont affirmé qu’aujourd’hui, la Malaisie détient encore 70 % de ses forêts et que les activités forestières liées à la production et à l’agriculture ne représentent que 20 % soit 6,5 millions hectares des forêts malaisiens (Guerin, 2017).  Or, il ne s’agit pas uniquement de la forêt mais plutôt de forêts tropicales, principaux habitat pour la biodiversité.

Sans aucun doute, le gouvernement fédéral doit mettre en place des politiques de conservation plus strictes ainsi que des projets de reforestation massive pour diminuer l’impact. Pour ce faire, la Malaisie doit trouver le moyen de rendre ses activités économiques plus  »vertes », néanmoins aujourd’hui cela est loin d’être une priorité. 

 

Bibliographie:

Aiken, S. Robert, and Colin H. Leigh. (1985). « On the Declining Fauna of Peninsular Malaysia in the Post-Colonial Period. » Ambio 14, no. 1 : 15-22. Repéré à  www.jstor.org/stable/4313092.

Barraclough, S. L., and K. B. Ghimire. (2000). Agricultural expansion and tropical deforestation: poverty, international trade and land use. Earthscan, Sterling, Virginia, USA. Conservation Ecology 5(2): 7. Repéré à: http://www.consecol.org/vol5/iss2/art7/

Guérin, Mathieu. (2017). « Conserver la faune sauvage de la péninsule malaise : de la Malaya Britannique à la Malaisie indépendante ». [VertigO] La revue électronique en sciences de l’environnement 17, no 1. 

Lafaye de Micheaux, E. (2012). Un développement dans la mondialisation. In La Malaisie, un modèle de développement souverain ? ENS Éditions. doi :10.4000/books.enseditions.4923. 

Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. (2015). FRA 2015 Termes et définitions. Repéré à http://www.fao.org/3/ap862f/ap862f00.pdf

Pomel, S., & Salomon, J. (1998). Illustrations. In La déforestation dans le monde tropical. Presses Universitaires de Bordeaux. doi :10.4000/books.pub.1451

Stubbs, R. (2001). La Malaisie et la mondialisation : crise et politique de l’ambivalence. Revue internationale de politique comparée, vol. 8(3), 461-472. doi:10.3917/ripc.083.0461.

Lien pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés