Le Myanmar et ses enfants soldats : un problème qui persiste

Par Noémie Valdivia

Photo de Associated Press, 2004. La Presse

Le recrutement d’enfants à des fins militaire est considéré comme une des pires formes de travail des enfants, selon l’article 3 de la Convention 182 de l’Organisation internationale du travail (Organisation internationale du travail 1999). Les principes de Paris relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés définit un enfant soldat comme « toute personne âgée de moins de 18 ans qui est ou a été recrutée ou employée par une force ou un groupe armé, quelque soit la fonction qu’elle y exerce » (UNICEF 2007). Le Human Rights Watch rapporte que le Myanmar est le pays recrutant le plus d’enfants dans ses forces armées, que cela soit dans l’armée étatique, ou dans les groupes armés indépendants (Chafin 2014, 187). Dans son rapport publié en 2002, l’organisation non gouvernementale estime qu’environ 70 000 enfants font partie de l’armée nationale, le Tatmadaw Kyi, avec des enfants aussi jeunes que 11 ans, et entre 6000 et 7000 dans les groupes armés non étatiques (Human Rights Watch 2002, 3).

L’instabilité du pays : un facteur?

Enfants engagé dans la USWA Photo de Aung Khant, 2019. Myanmar Times

Dans le cas du Myanmar, ce sont l’instabilité politique et les nombreux conflits ethniques qui augmentent le nombre d’enfants engagé dans les forces armées (Gupte 2018, 377). Lorsqu’un pays est instable politiquement, les écoles et les compagnies ne fonctionnent pas normalement, ce qui augmente le taux d’analphabétisation et de chômage (Gupte 2018, 377). L’instabilité politique du Myanmar ne date pas d’hier, elle remonte au moins jusqu’à la colonisation. Plusieurs experts s’entendent pour placer le début du problème en 1988, lorsque la population organise des manifestations pour réclamer la démocratie (Lintner 2001, 38). L’armée répond par la violence, et le gouvernement se transforme en junte militaire, sous le nom de State Law and Order Restoration Council (SLORC) (Human Rights Watch 2002, 16). En plus d’un régime non démocratique, le pays fait face à des groupes insurgés sur des bases ethniques en place depuis 1948, soit l’indépendance du pays. Bien que la majorité de ces groupes aillent signer un cessez-le-feu avec le SLORC, un peu plus de 10 groupes se battent encore contre l’armée nationale (Human Rights Watch 2002, 110). C’est ici que l’instabilité politique profite ces groupes. Avec l’inefficacité des écoles, certains groupes vont attirer des enfants dans leur rang, en leur promettant une éducation. C’est notamment la stratégie de la United Wa State Army (UWSA) et de la Kachin Independence Army (KIA) (Gopte 2018, 378). Les enfants sont toutefois endoctrinés, puisqu’ils se font enseignés la nécessité de prendre les armes afin de répondre aux injustices que le gouvernement birman a commis envers eux. Ces deux groupes armés sont connus pour leur recrutement d’enfants : la UWSA compte entre environ 2800 enfants, avec environ 800 sous l’âge de 15 ans, et la KIA est la seule armée recrutant de jeunes filles (Gopte 2018, 372)

Le recrutement

Les jeunes âgés de 12 à 17 ans sont les plus vulnérables parce qu’ils sont plus faciles à intimider. Des enfants en plus bas âge sont également recrutés, mais ne font aucun travail dangereux en attendant qu’ils deviennent plus costaux (Human Rights Watch 2002, 4). Avec des promesses de nourriture et de refuge, les orphelins sont plus à risque de se voir entraîner dans les forces armées (Lintner 2001, 38). Une fois dans l’armée, celle-ci est considérée comme le «père» et la «mère» de l’enfant, le décourageant donc de s’enfuir. Certains enfants disent rejoindre l’armée volontairement, mais le rapport du Human Rights Watch indique que sur 20 enfants ayant déjà été impliqués dans l’armée, seulement 2 ont vraiment été volontaires (2002, 26). Ce volontarisme provient notamment de la pauvreté de certaines familles, dû à l’instabilité politique du pays.

Drapeau des Forces armées birmanes (Tatmadaw) Source: Wikipedia

Les enfants se font recruter à travers divers acteurs. Les « brokers » représentent une bonne partie des recruteurs. Ceux-ci approchent les enfants en leur promettant une meilleure vie. Une fois l’enfant recruté, le « broker » reçoit un certain montant d’argent, allant de 1000 à 10 000 kyats (1 à 10 dollars canadiens) (Chafin 2014, 201). La police joue également un gros rôle dans le recrutement d’enfant. Les policiers interceptent les enfants en leur demandant leur carte d’identité nationale. Si l’enfant ne la possède pas, il se voit donner le choix entre être arrêté ou rejoindre l’armée (Chafin 2014, 201). Même si l’enfant opte pour le premier choix, il se retrouvera néanmoins dans l’armée. En 2015, 277 militaires et policiers ont été arrêtés pour cause de recrutement illégal d’enfant (Gopte 2018, 385).

Les enfants soldats sont souvent mis à l’avant-plan lors des conflits et se voient dans l’obligation de se battre. Malheureusement pour eux, une fois enrôlé, il est très difficile d’en sortir et ceux qui tentent de fuir peuvent faire jusqu’à 5 ans de prison (Chafin 2014, 201). Cependant, depuis la signature du Joint Action Plan entre le gouvernement et les Nations unies en 2012, environ 750 enfants ont été libérés de l’armée nationale (Gopte 2018, 392). Ce plan vise au relâchement et à la réintégration des enfants soldats. Bien que les problèmes ethniques au Myanmar soient loin d’être terminés, et que des milliers d’enfants sont toujours pris au piège dans les groupes armés non étatiques, la situation des enfants soldats s’améliore tranquillement.

 

Bibliographie

Haley Elizabeth. 2014. « Stolen Innocence: The United Nations’ Battle against the Forced Recruitment and Use of Child Soldiers in Myanmar. » Georgia Journal of International and Comparative Law 43 (no 1): 185-224.

Gupte, Prajakta. 2018. « Child Soldiers in Myanmar: Role of Myanmar Government and Limitations of International Law. » Penn State Journal of Law and International Affairs 6 (no 1): 371-397.

Human Rights Watch. 2002. « My Gun was as Tall as Me »: Child Soldiers in Burma. New York: Human Rights Watch.

Organisation internationale du travail. 1999. Convention sur les pires formes du travail des enfants (no 182).

Lintner, Bertil. 2001. « The Child in Arms. » The UNESCO Courier: 38-39.

UNICEF. 2007. Les principes de Paris : Principes directeurs relatifs aux enfants associes aux forces armées ou aux groupes armes.

 

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