Le défi du choix de la langue, dans un contexte multiethnique en Malaisie

par Anne-Julie Tremblay

La Malaisie est un pays avec une grande diversité linguistique. Ce pays comprend de nombreuses communautés aborigènes et immigrantes et 141 langues y sont parlées, ce qui est un enjeu politique de taille. Le malais est bien sûr la langue la plus parlée dans l’entièreté de la région, mais puisque la Malaisie était une colonie anglaise, l’anglais a aussi pris une grande importance. Les communautés minoritaires chinoises et indiennes ont aussi eu une influence non négligeable sur le pays avec le mandarin et le tamoul. Ainsi la Malaisie a dû faire des choix en ce qui a trait aux langues officielles et aux langues utilisées en éducation. (Khemlani David, Maya, Francesco Cavallaro et Paolo Coluzzi, 2009) (Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al. 2009)

Figure 1 : Jeune Malais allant à l’école 

Asian Development Bank. « General Shots Malaysia » [photo], 26 juillet 2011, Flickr , réf. du 18 mars 2020,

Malais : Langue choisie par le gouvernement

Les Malais constituant plus de 50% de la population totale du pays soit plus de 13.1 millions de personnes, la langue malaise ou bahasa malaysia a été choisi comme langue officielle du pays. Bien que, selon la constitution du pays, les habitants ont le droit d’apprendre et d’utiliser la langue de leur choix, tout ce qui touche aux interactions officielles, que ce soit au gouvernement ou auprès des autorités en place, doit se faire en malais. Cette langue fait aussi partie des trois langues utilisées dans les écoles primaires et son apprentissage est obligatoire dans les écoles non malaises. Le gouvernement s’assure toutefois que les minorités soient bien respectées; ainsi les élèves ont le choix d’apprendre les langues des minorités culturelles dans les écoles et le ministère s’assure que de bons livres soient offerts pour l’apprentissage de ces langues. (Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al., 2009)

Avant l’indépendance de la Malaisie en 1957, l’anglais était la langue qui permettait d’avoir des opportunités de travail; il était souvent parlé par les minorités chinoises et indiennes. Les autorités malaises ont alors voulu remédier à la situation et ont alors écrit leur constitution qui mettait de l’avant le malais et diminuait de beaucoup le rôle de l’anglais dans le but d’unifier et de redonner une « âme » à leur nation. Ils voulaient aussi, par cette entreprise reprendre le contrôle social et économique de leur pays. Cette langue a aussi une typologie et un système plus simple que d’autres langages. L’argument de la citoyenneté a été utilisé comme arme contre les minorités non-malaise d’origines, alors les Chinois et les Indiens qui ne voulaient pas perdre leur citoyenneté malaise n’ont pas protesté ce choix. (Haji Omar, Asmah, 1983) (Haji Omar, Asmah, 2016) (Khemlani David, Maya, Francesco Cavallaro et Paolo Coluzzi, 2009) (Kaur Gill, Saran, 2005)

L’anglais en science et mathématique :

En 2002, le gouvernement a commencé à intégrer l’anglais dans l’enseignement des sciences et des mathématiques malgré l’opposition des universités. Une des raisons pour ce changement de point de vue envers l’anglais est l’industrialisation du pays. Tous les documents abordant des innovations scientifiques devaient être traduits de l’anglais au malais ce qui amenait un travail colossal. Pour arriver à mieux accéder à l’information et ainsi aux innovations, le gouvernement a décidé qu’il serait préférable pour les nouvelles générations de connaître cette langue. (Kaur Gill, Saran, 2005)

Ils ont aussi vu, en l’anglais, une langue qui pouvait donner au pays de nouvelle opportunité de commerce international. Dans ce pays qui veut s’industrialiser et devenir plus fort économiquement, cette langue semblait la meilleure porte de sortie. De plus, les entreprises privées ont commencé, dans les années 90, à rechercher de plus en plus des employés ayant des compétences en cette langue; l’État s’est retrouvé avec de nombreux chômeurs universitaires qui ne se trouvaient pas de travail dû à leur manque de compétences en ce domaine. C’est une autre raison pour laquelle le gouvernement n’a eu d’autre choix que de se retourner vers l’anglais pour instruire les jeunes. (Kaur Gill, Saran, 2005)

École malaise, École mandarinale ou École tamoule

Malgré le fait que le malais soit la langue principale du pays et qu’elle soit obligatoire en éducation et que l’anglais soit la langue d’enseignement des sciences et mathématiques, il existe trois types d’écoles nationales : l’école nationale malaise, l’école nationale mandarinale et l’école nationale tamoule. Comme environ 23.3% des 26.2 millions de personnes sont d’origine chinoise et qu’environ 6.9% des personnes sont d’origine indienne en Malaisie, les autorités malaises ont tenté le plus possible de créer leur nation en accord et avec respect pour ces minorités importantes. Ainsi, selon la langue maternelle des jeunes, les parents peuvent choisir dans quelles écoles envoyer leurs enfants et si au moins 15 élèves en font la demande, des classes spéciales peuvent être ouvertes pour les enfants parlants le chinois, le tamoul ou une autre langue aborigène du pays. À travers ces politiques inclusives, on tente aussi de diminuer les écarts entre les différents groupes ethniques et se débarrasser des inégalités économiques et sociales entre les différents groupes, offrant ainsi des opportunités égales pour tous. (Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al., 2009) (Hock Guan, Lee et Leo Suryadinata, 2012)

Bibliographie:

Asian Development Bank. « General Shots Malaysia » [photo], 26 juillet 2011, Flickr , réf. du 18 mars 2020,  https://www.flickr.com/photos/asiandevelopmentbank/6980558842

Haji Omar, Asmah, 1983, The language policy of Malaysia: a formula for balanced pluralism, Australian National University

Haji Omar, Asmah, 2016, Languages in the Malaysian Education System: Monolingual strands in multilingual settings, New-York : Routledge

Hock Guan, Lee et Leo Suryadinata, 2012, Malaysian Chinese : Recent Developments and Prospects, Singapour: Institute of Southeast Asian Studies

Kaur Gill, Saran, 2005, Language Policy in Malaysia: Reversing Direction, Springer

Khemlani David, Maya, Francesco Cavallaro et Paolo Coluzzi, 2009, Language Policies – Impact on Language Maintenance and Teaching: Focus on Malaysia, Singapore, Brunei and the Philippines, British Virgin Islands: The Linguistics Journal Press, p.155 à 191

Kosonen, Kimmo et Catherine Young, et. al., 2009, Mother tongue as bridge language of instruction: policies and experiences in Southeast Asia, Thailand: The Southeast Asian Ministers of Education Organization (SEAMEO) Secretariat

crédit photo :  https://www.flickr.com/photos/asiandevelopmentbank/6980558842

 

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