Singapour, passage maritime incontournable et lieu de piraterie

par Caroline Borg

Le dialecte malais parle d’orang laut pour désigner un peuple qui sillonne les mers. Inscrit au niveau dialectique et culturel, dans le sud-est asiatique, la piraterie n’est pas un phénomène nouveau (Flagel,2013, 22). Néanmoins, ce sont les interdépendances économiques internationales qui ont mis la lumière sur l’ampleur qu’on prit les attaques pirates et sur l’importance que celles-ci peuvent avoir sur l’économie mondiale. En tant que zone de passage maritime reliant l’océan Indien et la mer de Chine méridionale, Singapour doit fait face à ces attaques maritimes. Contrairement aux attaques en Indonésie qui visent le plus souvent des bateaux de plaisance, Singapour est victime d’attaques plus violentes qui ciblent notamment les pétroliers.

 

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Image : Source : Kazumine Akimoto, Re-Routing Options and Consequences, Paper presented at 13th International Conference on Sea Lines of Communication, « The Strategic Importance of Seaborne Trade and Shipping. A Common Interest of Asia Pacific », The Chifley Hotel Canberra, 3-4 avril 2001

 

Singapour est positionné au sud du détroit de Malacca, protégé des tsunamis, des séismes et des cyclones, la zone côtière occupe une position géographique stratégique. L’émergence du port de Singapour s’effectue en 1819, sous l’impulsion du britannique Thomas Stamford Raffles, chargé de l’établissement de comptoirs pour la Compagnie des Indes orientales (Ho, 2010, 288). En se basant sur le libre-échange, alors une idée novatrice à cette époque, il souhaite faire de Singapour un port marchand concurrentiel capable de rivaliser avec les ports de Riau et Batavia. Mais, c’est véritablement à partir de 1869 que Singapour prend une place d’importance avec l’ouverture du Canal de Suez, qui va faire que Singapour va devenir le point de passage obligé pour le ravitaillement en charbon des bateaux à vapeur et servira également de base navale. L’exploitation de l’étain malais, du caoutchouc, du pétrole vont faire de Singapour un comptoir de stockage idéal (Ho, 2010, 289). On désignera alors Singapour comme la Cité du Lion ou encore le passage obligé. C’est pourquoi on considère aujourd’hui Singapour comme le second port de conteneurs du monde abritant le plus grand centre de raffinage de pétrole. Cette voie maritime unique qui accueille la majorité des flux commerciaux et énergétiques mondiaux constitue la route la plus courte reliant l’Europe à l’Asie. Le Maritime Port of Singapore évalue que 141 000 navires pourraient transiter par le détroit d’ici 2020 (Frécon, 2010, 1).  

 

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IMAGE : Heather Jones / TIME; Source: ICC CCS

 

Sachant que le commerce maritime est devenu le cœur économique de Singapour, le pays est très attentif aux menaces qui pourraient remettre en cause la stabilité et la sécurité de ses eaux. En tant que membre de l’Accord de coopération régionale sur la lutte contre la piraterie et le vol à main armée (ReCAAP), Singapour participe à un processus d’échange d’informations entre les pays signataires afin d’apporter des solutions durables aux Etats dans la lutte contre la piraterie maritime. Singapour a d’ailleurs alloué en 2011, 8,3 milliards de dollars à son budget à la défense (Frécon, 2012, 33). L’île singapourienne a ainsi adopté diverses mesures de sécurité afin de combattre les actes de pirateries tels qu’un système obligatoire de comptes rendus de navires, un système d’information sur le trafic des navires ou encore des cartes électroniques de navigation (Ho, 2010, 291). De plus, des patrouilles  de police quotidiennes et de l’armée ont été mises en place pour assurer la sécurité des complexes industriels et chimiques notamment sur l’île de Jurong (Frécon, 2012, 30).  Malgré des dispositifs pour barrer le chemin à la piraterie, on dénombre toujours quelques attaques. Les abordages qui pour la plupart se produisent, de nuit, sur des bateaux à l’ancrage sont perpétrés par des réseaux bien organisés qui disposent d’informations concernant les cargaisons ainsi que des réseaux pour la revente de leurs butins. Les actes de piraterie relèvent d’une nécessité de répondre aux besoins de base pour des populations pauvres issus des villes de Batam, Karimun ou encore Kuala Tungkal. Néanmoins face à la coordination conjointe de dispositif pour faire face aux pirates, on observe un meilleur contrôle de la mer et une diminution dans le nombre des attaques commises (Coutansais, 2008, 12). 

De plus, la région asiatique représente un attrait intéressant au niveau des relations internationales, en tant que point stratégique où s’opposent souvent des intérêts contradictoires (Coordonner, 2001, 14). En effet, derrière les attaques commises par des guérillas pirates, d’autres intérêts stratégiques sont soulevés. Singapour investit massivement dans sa sécurité pour éviter de perdre sa place de premier plan au niveau commercial et éviter une fuite des navires vers d’autres axes navigables. De plus, l’insécurité des routes maritimes contribue à l’instabilité financière mondiale, car la spéculation provoque des fluctuations importantes sur le prix du pétrole qui peut nuire au marché économique (Marchand, 2009, 67). 

Pour aller plus loin : 

https://soundcloud.com/historysg/episode3

https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=V68GgtFZBQs

 

Bibliographie

Coordonner, Isabelle. 2001. « La piraterie en Asie du Sud-Est ». Revue internationale et stratégique, vol 43 (no.3) : 48-54.

Coutansais, Cyrille P. 2008. « La piraterie moderne, nouvel avatar de la mondialisation »,. Revue internationale et stratégique, vol. 72 (4) : 39-50.

Flagel, Amélie-Anne. 2013. Le renouveau de la piraterie internationale. Thèse, Ecole Doctorale du Pacifique, Université de la Nouvelle-Calédonie. 

Frécon, Eric. 2012. « Singapour, gardienne de ses détroits ». Monde chinois, vol 30 : 29-36. 

Frécon, Eric. 2010. « Géopolitique de la piraterie au Sud-Est asiatique : Conflit de représentations ». Outre-Terre, vol. 25-26 (2).

Ho, Joshua. 2010. Singapour et Malacca. Outre-Terre (25-26) : 287-299. 

Marchand, Gaël. 2009. « Vers des eaux tumultueuses : la piraterie maritime, entre vision global et réponses sectorielles ». Sécurité globale (7) : 61-76.

 

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