La Thaïlande, s’investir dans la sécurité des eaux territoriales 
pour faire face à la piraterie et au trafic

par Caroline Borg

De par son histoire, la Thaïlande représente un cas unique en Asie du Sud-Est. Situé au cœur du Triangle d’Or, la Thaïlande est au centre de l’héritage de l’opium amené par les colonies européennes lors de l’essor du commerce maritime. Contrairement à Singapour ou aux Philippines, la Thaïlande ne fait pas l’objet d’acte de piraterie direct. On retrouve de nombreux pirates thaïs impliqués dans des attaques en haute mer au sein du détroit de Malacca, mais c’est sur la terre que la Thaïlande doit faire face aux plus grands problèmes de sécurité. On peut ainsi observer comment le commerce maritime devient un axe indispensable pour le trafic de stupéfiants et associe quelques fois une activité de piraterie.  

 

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Image : le Triangle d’Or, http://www.chiangmai-news.com/triangle-dor/

 

L’essor de la culture du pavot et de l’opium dans les années 1870 va servir à l’enrichissement des colonies européennes. Le commerce de l’opium à ses débuts est présent en Chine, mais rapidement face aux politiques de prohibition chinoise, les Britanniques mettent en place une exploitation au niveau des régions du Bengale et de Malwa pour ensuite  revendre la production de façon illégale en Chine (Chouvy, 2016,23). L’opium devient rapidement une partie intégrante des échanges mondiaux au même titre que le thé et l’argent, mais face à aux dangers de consommation, diverses politiques pour l’interdire vont être mises en place. C’est pourquoi dans les années 1930-1940, la production de l’opium va se délocaliser en Asie du Sud-Est au sein du Triangle d’Or (Chouvy, 2016, 25).

Le Triangle d’Or désigne l’espace du narcotrafic d’opium qui s’étend le long de la Birmanie, du Laos et de la Thaïlande (Chouvy, 2004, 2). Cet espace de production alimente un réseau international de consommation d’opium et s’appuie sur le jeu des frontières des trois pays riverains pour que les trafiquants acheminent leurs marchandises. Des mesures policières ont été mises en place afin de limiter le trafic, néanmoins, la difficulté du relief permet d’en maintenir la circulation. Au niveau fluvial, le Mékong sert de réseau d’acheminement au narcotrafiquants (Chouvy, 2004,  n°4, 7). Bangkok et Saigon vont rapidement devenir les deux principaux centres de consommation d’opium reliés aux zones de production au nord-est de la Birmanie et au nord de l’Indochine française (Chouvy, 2004, n°6, 9).   

 

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Map 1, Location; Ships - Image: ReCAAP ISC

 

Image : ReCaap Piracy/Armed Robbery At Sea – January 2018 Report

 

Membre actif de la Regional Cooperation Agreement on Combating Piracy and Armed Robbery against Ships in Asia (ReCAAP) ainsi que de la Western Pacific Naval Symposium  et du Council for Security Cooperation in the Asia Pacific, la Thaïlande s’investit activement dans la protection de la région asiatique (Herrmann, 2014, 151). Contrairement à Singapour ou à la Malaisie, son investissement dans une flotte maritime n’est pas liée à une menace pirate directe. Elle relève, d’une part, de la volonté de démontrer sa puissance symbolique de par sa présence sur les mers et d’autre part, d’une volonté d’être légitime qui s’inscrit dans sa politique intérieure (Chong, 2015, 152). Au-delà des enjeux liés au trafic d’opium, la Thaïlande est également au centre des enjeux maritimes internationaux qui reflète les rivalités internationales. Le projet d’un canal long de 102 km traversant l’isthme de Kra situé entre la Thaïlande et la Malaisie pourrait créer une nouvelle route maritime. Cette voie maritime reliant l’Océan Indien à l’Océan Pacifique permettrait de contrer les difficultés auxquelles les navigateurs doivent faire face au large des côtes de Sumatra. En contournant le détroit de Malacca, cela pourrait fortement nuire au commerce maritime de l’ensemble de la zone de Singapour et des pays riverains (Frécon, 2008, 39). Cette nouvelle route de la soie témoigne des ambitions chinoises de relier plus facilement l’Europe et de sa volonté d’étendre sa sphère d’influence à l’international. Sachant que la Chine est fortement dépendante des approvisionnements pétroliers provenant du Moyen-Orient, toute attaque pirate qui se produit au sein du détroit de Malacca a potentiellement un effet négatif immédiat sur l’économie chinoise (Beyrand, 2018). Un nouvel axe maritime réduirait ainsi les dangers encourus par les pétroliers et les porte-conteneurs. De plus, la stratégie de containment envers la puissance chinoise pratiquée par les Etats-Unis et qui vise à limiter la volonté d’expansion de l’Empire chinois serait remise en question si le canal de Kra était mis en œuvre (Beyrand, 2018). La Thaïlande représente donc un acteur étatique influant car elle pourrait à terme devenir une nouvelle voie maritime en redéfinissant l’espace asiatique. 

 

Titre : Le canal de Kra

Image : portail-ie.fr

 

Pour aller plus loin : 

https://www.youtube.com/watch?v=-43lryMWt2g

 

Bibliographie 

Beyrand, Pierre-Olivier. 2018. « Le canal de Kra, symbole des ambitions expansionnistes chinoises : les Nouvelles routes de la Soie ». Centre de ressources et d’information sur l’intelligence économique et stratégique. En ligne : https://portail-ie.fr/analysis/1842/le-canal-de-kra-symbole-des-ambitions-expansionnistes-chinoises-les-nouvelles-routes-de-la-soie-12

Chong, Mark David et Surin Maisrikrod. 2017. « Charting Thailand’s Maritime Security Policies from 1932 to 2012 : A Liberal International Relations Perspective ». Dans X. Chen et N. Tarling, dir. Maritime Security in East and Southeast Asia : Political Challenges in Asian Waters. Singapour : Springer.

Chouvy, Pierre-Arnaud. 2004. « Les fondements historiques des chemins de la drogue ». Outre-Terre (6) : 225-235. 

Chouvy, Pierre-Arnaud. 2004. « Le triangle d’Or, espace de production illicite d’opium, en cartes ». Outre-Terre (6) : 219-224.

Chouvy, Pierre-Arnaud. 2016. « L’opium dans la mondialisation : le cas du Triangle d’Or ». Drogues, santé et société, vol.15 (1) : 19-34. 

Frécon, Eric. 2008. Chapter 7. Delayed Reactions From Countries in the Resurgence of Sea Piracy in Southeast Asia. pp. 9-122. 

Herrmann, Wilfried. 2014. « Thailand’s maritime challenges and priorities ». Dans W. S. G. Bateman et J. Ho, dir. Maritime challenges and priorities in Asia. London Routledge.

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