La stigmatisation des minorités sexuelles indonésiennes renforcée par la crise sidéenne

Par Mikaelle Hotte

 

L’Indonésie est le pays le plus peuplé d’Asie du Sud-Est et aussi celui ayant la plus forte population musulmane au monde (Husson 1999, 53). Ayant passé à travers plusieurs régimes militaires et autoritaires, les questions sur la sexualité ont toujours été évitées, ou du moins, filtrées et régulées, plus particulièrement sous Suharto et Sukarno (Blackwood 2007, 293). À partir des années 1980, avec la crise du sida notamment, le débat sur la liberté sexuelle fait surface, poussé de l’avant par une minorité extrémiste musulmane pour interdire toutes formes d’hors-normativité traditionnelle et la régularisation culturelle sur la question prend un nouveau sens (Blackwood 2007, 293). Il est évident que la régularisation des normes sexuelles est transposée dans la gestion de la crise du sida, qui, partout comme dans la région, était inévitable dans les années 1980 jusque dans les années 2000, menant à une stigmatisation intense des communautés de minorités sexuelles. En effet, la stigmatisation sociale et politique des minorités sexuelles est très saisissable au moment de la gestion de la crise sidéenne (Husson 1999).

 

Régularisation des normes sexuelles

Dès les années 1960, une régulation réelle commence à prendre de plus en plus de place à la fois au sein de la sphére sociale mais aussi politique. Suharto, avec son idée de nouvelle société, retire de la légitimité dans le discours d’extrêmes religieusx qui encouragent l’interdiction de toutes relations entre personnes de même sexe pour amorcer un débat et insinuer la possibilité de rendre cette action illégale selon le Code Pénal (Blackwood 2007, 294). Ces discours sont stratégiquement employés pour  lier de façon plutôt permanente la normativité de genre et le mariage hétérosexuel (Blackwood 2007, 294). Les discours portés par l’État n’étaient jamais directement adressés à la communauté homosexuelle : on tentait seulement de donner plus de légitimité aux populations qui rentraient dans les catégories normatives de l’islam (Blackwood 2007, 295). Cette idéologie étatique était surtout présente en éducation, où les femmes se voyaient dirigées vers des emplois « de mères », et les hommes vers des emplois sur le marché, et l’héritage de cette période d’implémentation de discours comme celui-ci perdure encore aujourd’hui (Blackwood 2007, 295).

La sexualité au niveau social passe principalement par le régime de la loi islamique, qui perçoit les attributs génitaux hétéro-normatifs comme des cadeaux de Dieu dont les devoirs sont biologiquement indiqués (Blackwood 2007, 296). Bref, le seul espace où la sexualité est tolérée est le mariage (Blackwood 2007, 297).

 

Une gestion de crise sidéenne renfonçant l’exclusion

Avant même que le sida soit perçu comme une maladie qui peut être transmise sexuellement, le sida est vu comme une maladie étrangère, amenée et portée par les touristes (Husson 1999, 54). Les différents médias, surtout contrôlés par le gouvernement, portent le message que la maladie affecterait aussi seulement les homosexuels, peignant un portrait du sida comme une infection punitive et divine condamnant les comportements homosexuels et inacceptables (Husson 1999, 54).

Deux jeunes bénévoles de l’organisme  »Ayo! Kita Bicara HIV/Aids » (« Hey! Parlons du VIH/ITS ») offrant des programmes qui misent sur la sensibilisation auprès des jeunes – 2014

Une campagne est mise en place par le gouvernement à la fin des années 1990 et cible seulement les étrangers, sans porter attention à une prévention au niveau local (Husson 1999, 64). Les tabous au niveau social et culturel se taillent une place dans la forme des campagnes, qui ignorent totalement la question des relations sexuelles avant le mariage et des relations homosexuelles (Husson 1999, 64). Les gouvernements tentent également de mettre sur pieds des centres d’aide aux familles, qui eux, sous ordre politique, ne peuvent procurer des services appropriés aux patients qui sont hors-normatifs (Husson 1999, 66).

Face à ce manque de ressources pour une majorité de malades, ce sont une cinquantaine d’ONG internationaux qui prennent la relève en s’occupant des groupes les plus à risques (prostitués, homosexuels…) (Husson 1999, 68). Par contre, ces organismes ne peuvent atteindre les niveaux de demandes à l’échelle mondiale et se concentrent dans quelques régions seulement (Jakarta, Yogyakarta, Bandung, Surabaya, Semarang, Denpasar, Manado, Ujung Pandang, Kupang, Merauke et Riau) (Husson 1999, 68). Encore aujourd’hui, les discours dans les médias perpétuent les mythes envers les étrangers et les groupes à risque, en utilisant surtout la peur et la religion pour rendre leur message efficace, qui vient souvent à contre-courant de ceux des campagnes d’ONG (Husson 1999, 69).

 

Sources:

Blackwood, Evelyn. 2007. “Regulation of Sexuality in Indonesian Discourse: Normative Gender, Criminal Law and Shifting Strategies of Control.” Culture, Health & Sexuality 9 (3): 293–307. https://doi.org/10.1080/13691050601120589.

Husson, Laurence. 1999. État, Islam et sida en Indonésie : un épineux ménage à trois. IRD Editions.

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