Vietnam: une lutte contre le travail des enfants sur la bonne voie

Par Jade Lee Kui

Vous êtes-vous déjà demandés si l’un de vos achats avait contribué au travail des enfants ? Alimentation, textile, vêtements, nombreux sont les domaines où des enfants vietnamiens travaillent pour survivre. Alors que les enfants devraient s’épanouir pleinement, ces derniers sont privés d’une enfance, d’une dignité et d’une bonne santé physique et mentale. Au Vietnam, on estime qu’il y a 1.75 millions (9.6%) d’enfants de 5 à 17 ans qui travaillent majoritairement dans les zones rurales, dans l’agriculture et en tant que travailleurs familiaux non-rémunérés[1]. Bien que ce chiffre est trop élevé, des progrès ont bien été réalisés puisqu’en 1992-1993, le taux d’enfants travailleurs était de 60%[2]. Quels sont les facteurs qui ont façonné une meilleure situation des enfants travailleurs au pays ?

Volonté et ressources pour faire avancer les choses

Preuve de son engagement et de sa détermination pour lutter contre le travail des enfants, le Vietnam a ratifié plusieurs Conventions – dont celle sur les pires formes de travail des enfants (Convention No.182) en 2000 et celle sur l’âge minimum (Convention No.138) en 2003[3].

Or, pour prendre des mesures adéquates contre ce fléau, il est important de quantifier et de classifier les enfants travailleurs (i.e : voir la figure ci-dessus). C’est pourquoi, grâce au soutien technique de l’OIT, le Vietnam a été en mesure de produire sa première Enquête nationale sur le travail des enfants vietnamiens en 2012[4]. En outre, financé par le Département du Travail des États-Unis, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) a mis en place, en 2015, le projet ENHANCE au Vietnam qui permet de fournir un support technique en vue de renforcer les efforts nationaux pour s’attaquer au problème du travail des enfants[5].

 

L’effet de la mondialisation

« We started at 6am and finished work at midnight. If we made a mistake making the clothes they would beat us with a stick”. Telles étaient les paroles d’un garçon qui fabriquait, enfermé dans une petite pièce, des vêtements pour une petite usine de confection, sans salaire donné »[6].

Ressource bon marché et malléable, cet enfant, comme tant d’autres, symbolisent la stratégie d’employeurs qui veulent être compétitifs, en abaissant les coûts de production. La mondialisation augmente-t-elle alors le taux d’enfants travailleurs ? Pas forcément. Des recherches ont démontré qu’au Vietnam l’augmentation du revenu des ménages s’accompagnait d’un déclin du travail des enfants. Pour illustrer, de 1993 à 1998, l’augmentation du prix du riz a permis une diminution du travail des enfants de presque de moitié dans les zones rurales du Vietnam[7], bassin de la production du produit.

Par ailleurs, des pressions internationales sont exercées pour que la situation des enfants s’améliore véritablement. En 2012, le Département du Travail des États-Unis a ajouté les vêtements provenant de Vietnam à sa liste annuelle des produits fabriqués par une main-d’œuvre forcée et infantile, menant ainsi la même lutte que celle de l’Accord commercial Trans-pacifique. Afin de ne pas voir ses exportations diminuer significativement, un programme sur la prévention et la minimisation du travail des enfants pour la période 2016-2020 a été élaboré[8].

Toutefois, ce déclin du nombre d’enfants travailleurs – constituant une perte d’argent pour les familles – doit absolument être compensé par une hausse du revenu du ménage si l’on veut que la mesure soit efficace. Dans le cas contraire, cela pourrait aboutir à une relocalisation de ces enfants travailleurs vers le secteur informel et/ou à une pauvreté plus poussée de ces familles.

 

La traite d’êtres humains

Avec des frontières poreuses, la traite d’êtres humains – ou peut-on dire l’exploitation/l’esclavage – est un problème majeur en Asie du Sud-Est. Ainsi, en 2004, l’Initiative Ministérielle Coordonnée du Mékong contre la traite des êtres humains est établie. Celle-ci crée un système durable et efficace de coopération et de collaboration transfrontières entre les six pays de la région du Grand Mékong, 13 agences des Nations Unies et diverses ONG locales et internationales pour combattre le problème[9]. Le Vietnam et le Cambodge coopèrent également sur la protection des droits des enfants traversant les frontières. Depuis la réunion bilatérale à Svay Rieng (Cambodge) de 2014, la province vietnamienne Long An est active dans le soutien et l’aide des enfants cambodgiens à retourner dans leurs familles[10].

Or, en 2015, 3.000 enfants vietnamiens ont été trafiqués au Royaume-Uni en tant que travailleurs forcés et asservis, pour des gangs criminels, afin de pouvoir payer les dettes de leur famille[11]. Comment en sont-ils arrivés là ? Face à des gangs de trafic de plus en plus sophistiqués, ne faudrait-il pas renforcer les compétences des policiers et des douaniers pour faire face à ces nouveaux défis ?

 

Bibliographie :

Davy, Deanna. 2014. “Understanding the Complexities of Responding to Child Sex Trafficking in Thailand and Cambodia.” International Journal of Sociology and Social Policy 34 (11-12): 793-816.

Edmonds, Eric V., and Nina Pavcnik. 2005. “The Effect of Trade Liberalization on Child Labor.” Journal of International Economics 65(2): 401–19.

ILO in Viet Nam. 2018. Child Labour in Viet Nam. En ligne. http://www.ilo.org/hanoi/Areasofwork/child-labour/lang–en/index.htm (page consultée le 03 Juin 2018).

ILO in Viet Nam. 2014. One in Ten Vietnamese Youngsters Aged 5-17 in Child Labour. En ligne. http://www.ilo.org/hanoi/Informationresources/Publicinformation/newsitems/WCMS_237788/lang–en/index.htm (page consultée le 02 Juin 2018).

Phan, Dung. 2016. Child Labour in Vietnam: Trapped in Two-Minded Policies. En ligne. https://www.aseantoday.com/2016/06/child-labour-in-vietnam-trapped-in-two-minded-policies/ (page consultée le 03 Juin 2018).

Vietnam +. 2015. Vietnam-Cambodge: coopération dans la protection des enfants traversant les frontières. En ligne. vietnamplus.vn. https://fr.vietnamplus.vn/vietnamcambodge-cooperation-dans-la-protection-des-enfants-traversant-les-frontieres/62384.vnp (page consultée le 03 Juin 2018).

Notes de bas de page:

[1] ILO in Viet Nam, One in Ten Vietnamese Youngsters Aged 5-17 in Child Labour.

[2] Edmonds et Pavcnik, « The effect of trade liberalization on child labor », 407.

[3] ILO in Viet Nam, Child Labour in Viet Nam.

[4] ILO in Viet Nam, One in Ten Vietnamese Youngsters Aged 5-17 in Child Labour.

[5] ILO in Viet Nam, Child Labour in Viet Nam.

[6] Phan, Child Labour in Vietnam: Trapped in two-minded policies.

[7] Edmonds et Pavcnik, « The effect of trade liberalization on child labor », 4.

[8] Phan, Child Labour in Vietnam: Trapped in two-minded policies.

[9] Davy, « Understanding the Complexities of Responding to Child Sex Trafficking in Thailand and Cambodia », 812‑13.

[10] Vietnam +, Vietnam-Cambodge: coopération dans la protection des enfants traversant les frontières.

[11] Phan, Child Labour in Vietnam: Trapped in two-minded policies.

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