Les migrations climatiques au Vietnam

Figure 1 : Les pluies torrentielles ont inondées les régions du Centre du Vietnam en 2016.

Par Claire Coviaux

Le Vietnam est particulièrement exposé aux inondations, typhons, sécheresses, tempêtes, augmentation de la salinité dans le sol, érosion des côtes et à la hausse du niveau de la mer. Ces épisodes répétés sont de plus en plus extrêmes chaque année et déstabilisent la situation sociale au Vietnam. La croissance économique et démographique du pays incite un développement urbain rapide et une industrialisation polluante qui détériore encore davantage la qualité de l’écosystème du pays. La construction de barrages sur le fleuve Mékong aggrave la sécurité alimentaire du pays et face à cette situation de frénésie industrielle, les organisations nationales et internationales s’efforcent de proposer des solutions durables pour limiter les effets environnementaux et socio-économiques des changements climatiques, en proposant des solutions favorables aux populations locales [i]. L’objectif de ce billet est d’analyser les conséquences es changements climatiques qui ont aggravé ces conditions météorologiques, jusqu’à toucher des communautés locales entières et à augmenter le flux de déplacés internes à travers le pays.

Le delta du Mékong vietnamien est l’une des zones agricoles les plus importantes pour sa production de riz, de crevettes et de fruits. Mais c’est aussi l’une des régions les plus vulnérables face aux effets des changements climatiques, ce qui met en danger l’habitat et les ressources de 18 millions de personnes qui y vivent [ii]. Depuis dix ans, environ 1,7 million de personnes ont émigrés de cette région agricole vers les zones urbaines. En 2015 et 2016, le delta a subi sa pire sécheresse depuis un siècle. Il en a résulté une infiltration d’eau salée de 80 kilomètres dans les terres, la destruction de 160 000 hectares de culture et une croissance exponentielle de la migration interne des campagnes vers les villes. En moyenne, ce sont 24 000 personnes qui migrent chaque année, des zones agricoles aux zones urbaines, à cause des effets des changements climatiques sur leur environnement [iii].

Cependant, d’autres chercheurs considèrent que la migration des populations issus des zones rurales vers les régions urbaines ne dépend pas uniquement des effets néfastes des changements climatique sur leur environnement [iv]. L’analyse de Guillaume Haemmerli, Danièle Bélanger, Charles Fleury et Luu Bich Ngoc s’intéresse aux multiples facteurs qui expliquent la migration interne des populations issus des zones rurales exposées aux effets négatifs des changements climatiques [v]. Les ménages répondants ont rarement expliqué leur émigration dû aux bouleversements environnementaux. Les résultats de cette analyse affirment que la vulnérabilité aux changements climatiques n’affecte pas la tendance aux migrations internes, mais ce sont plutôt les éléments sociodémographiques des ménages qu’il faut prendre en compte. Les bouleversements environnementaux dans les habitats et sur les ressources des populations à risques, causés par les changements climatiques, ne seraient finalement pas une cause suffisante selon certains chercheurs pour expliquer les migrations climatiques internes depuis les zones agricoles du Mékong aux régions urbaines vietnamiennes. En plus des bouleversements environnementaux, les conditions socio-économiques apparaissent primordiales pour motiver la migration interne à la suite d’un événements climatique extrême [vi].

Mais pour les personnes qui décident de partir, l’un des principaux défis est l’insuffisance de ressources financières pour se reloger en ville. Le plan gouvernemental vietnamien de réinstallation qui voulait évacuer les populations locales des côtes érodées du delta du Mékong, a aussi fait face à l’insuffisance de fonds. La crainte principale des populations locales migrantes était l’endettement excessif causé par les prêts contractés auxquels elles devraient faire face pour financer l’achat de terres et la construction de maisons. Ces populations locales sont souvent défavorisées et occupent des emplois instables avec de faibles revenus. De ce fait, à cause du risque vécu par les populations locales de perdre leur emploi, leur environnement social et leur devoir de rembourser des prêts souvent excessifs pour financer leur réinstallation, la plupart des populations locales décident de rester malgré les glissements de terrain [vii].

Pour ceux qui font le choix de migrer vers les régions urbaines et qui font le choix de s’adapter à ce nouvel environnement, de nombreux programmes locaux, nationaux et internationaux leur viennent en aide. La politique locale vietnamienne consiste à inscrire chaque migrant interne dans sa province de destination pour qu’il bénéficie des services sociaux locaux, comme l’assurance sociale, l’assurance médicale et l’éducation. Ceux qui ne sont pas dans ce processus ne peuvent pas avoir accès à ces services. Le gouvernement vietnamien a aussi mis en place des programmes de relocation, des zones rurales aux zones urbaines et du nord au sud du pays, surtout dans le delta du Mékong [viii]. Ces programmes ont été mis en place grâce à l’appui de la Banque Mondiale, de la Croix-Rouge et de l’Organisation Internationale pour les Migrations [ix].

Les impacts des projets de relocation dans le cadre des exodes ruraux du delta du Mékong sont encore très restreints et ont peu d’effets sur la production agricole. Concernant la situation des migrants internes, il y a des incohérences entre ce qui est affirmé dans la constitution et ce qu’il se passe vraiment. L’effort doit encore être mis dans la facilitation de la mobilité interne, comme l’accès aux services sociaux. L’intégration des migrants au sein d’un nouvel environnement et parmi d’autres populations, doit également être améliorée. Les programmes nationaux de migrations et les plans de réinstallations doivent aussi mieux prendre en compte les risques environnementaux de chaque région [x].

Bibliographie :

[i] Arte Info, « Changement climatique, la nouvelle guerre du Vietnam ».

[ii]  Alex Chapman et Van Pham Dang Tri, « Réfugiés climatiques : cette crise qui couve au Vietnam ».

[iii] Jean-Francois Herbecq, « Comment le changement climatique est en train de provoquer une crise migratoire au Vietnam ».

[iv] Guillaume Haemmerli, Danièle Bélanger, Charles Fleury et Luu Bich Ngoc, « Perturbations environnementales et migrations au Vietnam ».

[v] Ibid.

[vi] Ibid.

[vii] Jeanette Schade, « Les migrants des politiques climatiques : nouveaux défis face aux déplacements générés par le changement climatique ».

[viii] Han Entzinger et Peter Scholten, « Adapting To Climate Change Through Migration : A Case Study Of The Vietnamese Mekong River Delta ».

[ix] Ibid.

[x] Dang Nguyen Anh, Irene Leonardelli et Ana Alicia Dipierri. « Assessing The Evidence : Migration, Environment and Climate Change in Vietnam ».

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