Les migrations climatiques au Cambodge

Related image

Figure 1 : Une famille fuit son village inondé au Cambodge pour s’installer vers les hauteurs en juillet 2018.

Par Claire Coviaux

Le Cambodge subit depuis plus de 20 ans de nombreux bouleversements environnementaux dû aux changements climatiques, dont l’intensification d’inondations et de pluies en période de mousson. Ces événements météorologiques extrêmes ont un impact considérable sur l’augmentation des déplacements internes de la population rurale cambodgienne vers les villes, ainsi que les politiques locales et internationales qui tentent d’y répondre.

Aujourd’hui, la population cambodgienne vit principalement de l’agriculture ; avec 84% de Cambodgiens qui habitent en zone rurale et une grande proportion dans des régions exposées aux risques d’inondations, de sécheresse et de cyclone. Les événements climatiques sont davantage importants chaque année, ce qui pose une réelle menace pour les projets de développement locaux et nationaux. Les constructions sont emportées par les tempêtes et les inondations, chaque années plus récurrentes. En 2009, le typhon Ketnasa a détruit des centaines de maisons sur son passage. Depuis, la baisse du niveau des eaux du Mékong menace les moyens de subsistance de plus de 60 millions de personnes vivant près de ses rives. La sécheresse détruit bien souvent les récoltes, rend la pêche difficile et la population vivant de l’exploitation de ressources agricoles, devient vulnérable à ces événements climatiques extrêmes. Ces risques environnementaux comportent aussi des risques sanitaires et de maladies pour les populations défavorisées. Selon le Ministère de la santé du Cambodge, les changements climatiques augmenteraient de 16% les risques de paludisme [i].

Pour répondre à ces risques environnementaux croissants et les migrations de populations qui en résultent, le régime cambodgien met en place des politiques publiques économiques pour redresser l’économie des zones rurales et augmenter les revenus des populations les plus défavorisées affectées par les changements climatiques [ii].

L’Agence des Nations-Unies pour les Réfugiés (UNHCR) et de nombreuses Organisations Non-Gouvernementales (ONG) humanitaires s’engagent pour venir en aide à ces populations rurales défavorisées et à risques, qui finissent par migrer vers les zones urbaines. Ces flux de réfugiés internes créent des enjeux de protection, d’assistance et de soutien des victimes, auxquels les organismes humanitaires tentent de répondre aux côtés du gouvernement cambodgien. La réinstallation des populations affectées par la détérioration de leur milieu de vie et la prévention des risques sanitaires sont les principaux risques. Mais de nombreuses personnes issues de ses populations rurales sujettes aux risques environnementaux font également le choix d’émigrer dans d’autres pays quand l’insécurité climatique rencontre l’instabilité étatique et des milieux de vie [iii].

L’agriculture et la protection des personnes qui vivent dans ces milieux environnementaux à risques est la principale menace au développement. En effet, les populations déjà affectées par la précarité sont encore plus à risques face à la menace de leur milieu de vie. Les changements climatiques et les risques environnementaux qui en découlent menacent encore davantage leur habitat, leurs ressources et leurs sources de revenus [iv].

La part de migrants internationaux issus du Cambodge a augmentée de 4.4% en 1990 à 7.1% en 2017, la majorité en sont des femmes avec 56.2% et leurs principaux pays de destinations sont la Thaïlande avec 64%, les États-Unis avec 17% et la France avec 6% [v]. L’Australie fait aussi face à des flux de migrants cambodgiens qui tentent d’y immigrer. Les migrations climatiques au Cambodge sont à la fois un enjeu local, national, régional et international qui alimentent le flux de réfugiés dans ces zones [vi].

La réinstallation de ces populations, la conduite de politiques gouvernementales pour réduire les risques de catastrophes naturelles, la conservation environnementale et l’adaptation aux changements climatiques sont autant d’enjeux à prendre en compte tant au niveau local, que régional et international pour répondre à la hausse des flux de migrations climatiques au Cambodge. L’enjeu des migrations climatiques au Cambodge a de nombreuses conséquences locales et nationales en termes de migration internes de populations et de répercussion sur la scène internationale. Les acteurs locaux, nationaux, régionaux et internationaux occupent désormais une place primordiale dans la gestion des flux croissants de migrants climatiques au Cambodge [vii].

Bibliographie 

Betts, Alexander, Gil Loescher et James Milner. 2012. UNHCR: The Politics and Practice                          of Refugee Protection. Londres : Routledge.

Connell, Jessie et Mark Grimsditch. 2016. « Forced Relocation in Cambodia ». Dans Katherine Brickellet Simon Springer, dir., The Handbook of Contemporary Cambodia. Londres : Routledge, 223-233.

OCDE. 2017. Interactions Entre Politiques Publiques, Migrations Et Développement. Paris : Éditions OCDE.

Parsons, Laurie. 2016. « Under Pressure: Environmental Risk and Contemporary Resilience Strategies in Rural Cambodia ». Dans Katherine Brickell et Simon Springer, dir., The Handbook of Contemporary Cambodia. Londres : Routledge, 146-156.

[i] Caritas, « Le Cambodge menacé par les changements climatiques ».

[ii] Laurie Parsons, « Under Pressure : Environmental Risk and Contempory Resilience Strategies in Rural Cambodia ».

[iii] Alexander Betts, Gil Loescher et James Milner, « UNHCR : The Politics and Practice of Refugee Protection ».

[iv] OCDE, « Interactions Entre Politiques Publiques, Migrations Et Développement ».

[v] OIM, « IOM data report on Asia and the Pacific : 2017 – June 2018 ».

[vi] Sheila Murray, « Environmental Migrants and Canada’s Refugee Policy ».

[vii] Jessie Connel et Mark Grimsditch, « Forced Relocation in Cambodia ».

Lien pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés