Singapour : Une économie au service de l’autoritarisme politique ?

Alizée Bel

L’évolution positive des régimes autoritaires vers des démocraties libérales est, dans le contexte actuel de propulsion d’un monde ouvert à la mondialisation, un phénomène, un enjeu captivant (Singh, 2011, 105).

Le récent pays d’Asie du Sud-Est qu’est Singapour peut-il lui aussi suivre la voie de la démocratisation ? 

Cet État-nation connaissant une croissance économique incroyable depuis environ 50 ans, malgré l’existence d’un régime parlementaire n’est pourtant pas pourvu d’une pleine démocratie.

Une certaine contradiction entre la prospérité économique et l’avancée politique se perçoit ainsi au sein pays. Au niveau économique, la République de Singapour, très prospère, crée en effet un réel écart avec ses concurrents « petits dragons », Taiwan, Hong Kong et la Corée du Sud (Géoconfuence, 2016).

Néanmoins, d’un point de vue politique, malgré une stabilité depuis son indépendance en 1965 , une certaine pression démocratique évolue au fil des années dans le territoire.

Le rôle de l’opposition politique

En effet, le pays a su exposer une façade démocratique au reste du monde avec par exemple des institutions électorales. Toutefois, il s’avère que le parti au pouvoir depuis 1959, le People’s Action Party, le PAP, n’a pas vu naitre une véritable opposition idéologie alternative à ses idées.

Sièges du People’s Action Party obtenue au parlement Singapourien

Actuellement, sous la tête du premier ministre Lee Hsien Loong, le parti possède la majorité au parlement de la République de Singapour, et ce depuis 60 ans (Philip, 2015). Même si plus de 20 partis représentent l’opposition du PAP, tous sont incapables de rivaliser avec le parti hégémonique (Singh, 2011). Ils sont donc inefficaces en théories (Singh, 2011).

Néanmoins, en pratique, au sein de la politique singapourienne, quiconque remet en question les politiques et idées du PAP est rapidement neutralisé (Singh, 2011). Ainsi, certains opposants politiques sont confrontés à des poursuites judiciaires et se sont vu infliger des amendes, voire des peines d’emprisonnement, laissant place au monopole du parti (Singh, 2011) ».

Comme l’a admis Lee Kuan Yew, père fondateur du PAP, « nous devons enfermer des gens, sans procès, qu’ils soient communistes, défenseurs intransigeants de leur langue ou extrémistes religieux. Si nous ne le faisions pas, le pays serait dans un état de délabrement total (Singh, 2011) ». Larry Diamond , politicien américain, a été même jusqu’à décrire Singapour comme une autocratie élue qui organise des « élections sans démocratie (dans Singh, 2011) ». Il est vrai que si le gouvernement laissée réellement une chance d ’exister, une place à l’opposition, celle ci serait peut être déjà arrivée au pouvoir depuis les premières élections « démocratique » de 1959 (Margolin, 1990, 101).
De plus, en analysant la dynamique du parti au pouvoir, on peut constater que grâce à un contrôle très strict de la fonction publiques, des médias, des organisations sociales et des syndicats, tout en limitant fortement la liberté de presse, le PAP développe, étend et accroit son influence et hégémonie politique (Singh, 2012).

Ainsi ce contrôle médiatique augmente la visibilité et la portée de l’idéologie du parti au sein de la population et empêche ainsi les opposants de relativiser la menace extérieure.

Cela contribue certainement à la construction d’un cercle vicieux où le gouvernement relaye un climat de peur à la population au travers de ces méthodes. Le danger semble partout pour le peuple, notamment des pays voisins, et le PAP, et seulement eux, serait ainsi le protecteur. Ce sentiment se renforcerai grâce à la domination médiatique du parti.

Ainsi, la dynamique d’ultra ouverture économique et d’isolement politique et culturel de la nation n’est-elle pas existante dans le but de réduire le reflet de l’autoritarisme singapourien auprès de la communauté internationale ? Quelle est la véritable structure politique dressée à Singapour ?

La croissance économique au service du People’s Action Party

Depuis son indépendance en 1965, l’État de Singapour se doit d’être puissant économiquement dû aux dangers extérieurs. Son territoire, plus petit et moins peuplé que celui de nombreux pays voisins comme la Malaisie et L’Indonésie ; est plus particulièrement un espace à gérer, à « programmer » par le politique (Margolin, 1990, 92

Ainsi, depuis lors, la République a élaboré des politiques pragmatiques afin d’assurer la survie de sa population, tout en s’assurant de garantir la survie politique du pouvoir en place.  (Singh, 2011) 

Soutien populaire du People’s Action Party

En place depuis 60 ans, le parti du PAP a fait en sorte que chaque singapourien trouve son intérêt dans le système en place, ce qui a rallié la majorité de la population à cette sorte d’autoritarisme politique (Singh, 2011, 109). De plus, face aux menaces voisines, le peuple a acquis la conviction que le PAP offrait la meilleure protection (Singh, 2011). Les Singapouriens sont donc prêts à accepter des mesures draconiennes prises par le gouvernement en échange de la prospérité sociale et économique (Singh, 2011, 109). À l’image d’un contrat social le peuple et le gouvernement sont ainsi liés au travers de ces notions inculqués à la population. (Figoni, 2012)

Aux yeux du reste du monde, Singapour est avant tout perçue comme l’un des pays développés économiquement d’Asie du Sud-Est (Géoconfluence, 2016), pourtant la réalité d’une démocratie autoritaire monopolisée par le PAP est tout aussi présente.

Vidéo : Singapour célèbre ses 50 ans d’indépendance, une cérémonie en hommage au fondateur de la l’État-nation, mort en mars 2015, également fondateur du People’s Action Party. 

En définitive, la cité État arrive à cacher, mettre au second plan un autoritarisme politique derrière une prospérité économique effarante. Une structure maximaliste, comparable à la structure de Mahatir en Malaise jusqu’en 2018, s’est t-elle mise en place au sein de la république de Singapour depuis son indépendance ? Que révèle encore ce pays manifestant une toute réelle nouvelle puissance mondiale ?

 

 

Bibliographie :

Figoni, C. (2012). Le « modèle » singapourien : ambitions et contradictions d’une économie. Monde Chinois, 2(30), 59-64. Repéré à : https://www.cairn.info/revue-monde-chinois-2012-2-page-59.htm

Géoconfluence. (2016). Dragons asiatiques. Repéré à : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/dragons-asiatiques

Margolin, J-L. (1990). Singapour : possibilités et difficultés d’ouverture d’un régime autoritaire. Politique, 17, 91-111. Repéré à  : https://www.erudit.org/fr/revues/po/1990-n17-po2522/040649ar/

 Maximaliste. (s. d.). Dans l’internaute dictionnaire en ligne. Repéré à : https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/maximaliste/

Philip, B. (2015). A Singapour, le parti au pouvoir conforte son emprise sur le pays. Le Monde. Repéré à :  https://www.lemonde.fr/international/article/2015/09/12/a-singapour-le-parti-au-pouvoir-conforte-son-emprise-sur-le-pays_4754027_3210.html

Singh, B. (2011). Singapour – Maintenir l’équilibre entre la prospérité, la corsante sociale et la démocratie graduelle. Revue internationale de politique comparée, 1(18), 105-122. Repéré à : https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2011-1-page-105.htm

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