La cybersécurité, un nouveau défi pour le Viêt Nam

Par Ingrid Welschinger.

La révolution des technologies de l’information et de la communication (TIC) a eu lieu pendant les années 1990, à la fin de la Guerre froide. Ce tournant marqua une nouvelle aire pour le monde. Pour ce qui est du Viêt Nam, il commença à s’y intéresser de manière accrue à partir des années 2000. Mais qui dit développement des TIC dit aussi développement de la sécurité numérique.

Ainsi, dans ce billet, il sera question de l’avancée du Viêt Nam dans le domaine des TIC, mais également (et surtout) des moyens mis en place contre les cyberattaques. Et par cyberattaque on entend une attaque de pirates informatiques dans le but de voler des données ou de bloquer un site.

 

Développement des TIC : une évolution fulgurante, mais non sans risques

Le Viêt Nam a subi un changement de politique en 1986, du nom de « Đổi mới ». À ce renouveau politique, les TIC furent vite intégrées. Ces TIC permettent un développement de l’économie numérique et du PIB en général (une contribution de 7 %), car le nombre d’utilisateurs des réseaux s’élève à 40 millions sur les 93 millions de la population, ce qui est non négligeable[1].

Cette évolution des TIC ne se fait pas sans vagues. En effet, le développement d’un cyberespace est aussi source de nouvelles attaques : la cybermenace est de plus en plus visible. Cette cybermenace nuit à la compétitivité économique et la souveraineté nationale[2] à cause du cyberespionnage, des attaques informatiques… Par exemple, le cyberespionnage peut permettre à une entreprise concurrente de voler un procédé nouveau et de le commercialiser avant l’entreprise dans lequel il a été développé. L’entreprise initiale se retrouve avec un concept qu’elle ne peut plus exploiter, même si elle a dépensé des fortunes pour le développer, car elle pourra, et sera surement accusée de plagiat par la suite. Voilà pourquoi il est important d’accroître la cybersécurité.

Une des attaques récentes dont a fait l’expérience le Viêt Nam et de nombreux pays est ce qu’on appelle « ransomware ». Les pirates informatiques ont bloqué les données des utilisateurs et ont demandé des rançons aux utilisateurs pour que ceux-ci aient de nouveaux accès à leurs données. Ces attaques ont aussi visé les hôpitaux, ce qui est un grand problème pour les autorités publiques et les patients.

Le pays a voté, ce mardi 12 juin 2018, une loi plus restrictive sur les libertés dans les réseaux sociaux. Le pays a choisi de miser sur un contrôle plus étroit des réseaux pour une cybersécurité plus efficace. Ce choix entraînera selon toutes vraisemblances des conséquences économiques en faisant fuir certains investisseurs étrangers réticents à cette restriction des libertés.

 

Une coopération régionale se met en place face aux cyberattaques

Le dialogue Shangri-La (ou le forum sur la sécurité en Asie) est une réunion annuelle des ministres de la Défense de la région. Ce forum est primordial pour le Viêt Nam, qui est proactif dans sa lutte contre les cyberattaques. Ce problème récurrent dans les pays d’Asie mène au développement de la coopération contre ce dernier. En mai 2016, les pays de l’ASEAN ont voté une déclaration pour augmenter cette coopération dans la lutte antiterroriste et de cybersécurité[3]. Ce renforcement de la coopération est important, car nous parlons ici de menaces qui ne se cantonnent pas à un pays, mais qui sont transnationales.

Le Viêt Nam ne se rapproche pas uniquement des pays de l’ASEAN pour assurer sa cybersécurité. Il s’est notamment tourné vers l’Inde, la Corée du Sud et le Japon, dont des accords ont été signés[4] avec les deux derniers de façon bilatérale. Cette politique bilatérale, qui se fait au détriment d’une approche multilatérale, est notamment due au fait que les pays n’ont pas les mêmes moyens et capacités en matière de prévention et de lutte contre les cybercrimes. On aurait pu s’attendre à une approche multilatérale dans la région, or ce n’est pas vraiment le cas. Ceci semble illogique puisque, comme nous l’avons déjà mentionné, nous parlons ici de menaces transnationales.

 

Une alliance avec d’anciens ennemis : les États-Unis et la Russie

Plus récemment, un rapprochement entre les États-Unis et le Viêt Nam a pu être observé, notamment pour ce qui a trait à la cybersécurité. En effet, depuis que la stratégie du « pivot » fut adoptée dans les années 2010, les deux pays se sont dits prêts à renforcer leur coopération en matière de cybersécurité. Des actions concrètes ont déjà été entreprises : par exemple, Microsoft a signé un protocole d’accord avec le Viêt Nam Information Security Association afin « d’engager une collaboration étroite en matière de veille sur les incidents en cybersécurité à l’échelle locale et internationale, d’amélioration de l’architecture réglementaire de cybersécurité du pays »[5]. On voit ici que le Viêt Nam a réalisé qu’il doit se rapprocher des pays susceptibles de l’aider dans cette lutte contre cette menace qui le ronge. Ici, il a choisi les États-Unis pour l’aider. Toutefois, ils ne sont pas l’unique puissance vers laquelle il se tourne.

Le Viêt Nam, dans sa quête pour la cybersécurité, s’est également tourné vers la Russie. Celle-ci est une partenaire majeure d’Hanoï depuis des années et dans divers domaines. Les russes, comme les américains, ont changé leur politique vis-à-vis de l’Asie ; on parle cette fois-ci d’une stratégie de rééquilibrage. Les deux gouvernements ont adopté ces derniers temps une attitude plus proactive en ce qui concerne la lutte contre les cyberattaques. Ainsi, en 2014 fut prévue la signature d’un « accord portant sur le renforcement de la coopération entre les deux pays en matière de TIC, qui englobe la question de la sécurité de l’information »[6]. Par cette multiplicité de partenaires, on voit qu’Hanoï cherche à diversifier ses partenariats afin d’être le plus possible préparé aux menaces non traditionnelles que sont les attaques sur le cyberespace.

 

NOTE : 5.5 sur 6

 

Bibliographie :

Boisseau du Rocher, S. (2017). La Communauté de sécurité de l’ASEAN : progrès et obstacles. Politique étrangère, Été, (2), 39-52. doi:10.3917/pe.172.0039.

Dupont, B. (2016). ‪La gouvernance polycentrique du cybercrime : les réseaux fragmentés de la coopération internationale‪. Cultures & Conflits, 102, (2), 95-120. https://www.cairn.info/revue-cultures-et-conflits-2016-2-page-95.htm.

Métras, J. (2013). Articuler défense et sécurité : sobriété ou escalade ? Stratégique, 104, (3), 45-56. https://www.cairn.info/revue-strategique-2013-3-page-45.htm.

Trân Dai, C. (2015). La cybersécurité au Viêt Nam : formulation et mise en œuvre d’une nouvelle stratégie. Hérodote, 157, (2), 126-140. doi:10.3917/her.157.0126.

ENTREE AU TITRE DE L’IMAGE (propriétaire : David Luponis). (22 octobre 2015) [Image], sur le site Entreprise & Confiance. Consulté le 12 juin 2018. http://blogs.mazars.com/entreprise-et-confiance/2015/10/

[1] Trân Dai, C. (2015). La cybersécurité au Viêt Nam : formulation et mise en œuvre d’une nouvelle stratégie. Hérodote, 157, (2).

[2] Métras, J. (2013). Articuler défense et sécurité : sobriété ou escalade ? Stratégique, 104, (3), 45-56

[3] Boisseau du Rocher, S. (2017). La Communauté de sécurité de l’ASEAN : progrès et obstacles. Politique étrangère, Été, (2), 39-52

[4] Op Cit. Trân Dai, C. (2015).

[5] Ibid.

[6] Ibid.

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