Singapour : Un partenaire asiatique important pour la Chine et les États-Unis

Par Claudia Serrano

 

Bien qu’étant une petite cité-État initialement vulnérable en raison de sa géolocalisation, de son histoire et de son manque de ressources, Singapour est aujourd’hui l’un des partenaires stratégiques les plus importants dans la région d’Asie du Sud-Est, autant pour la Chine montante que pour la puissance américaine [1]. D’ailleurs, la proximité de longue date entre les États-Unis et Singapour est une des raisons importantes pour lesquels cette dernière a été choisie comme lieu de rencontre pour le sommet entre Donald Trump et Kim Jong-un du 12 juin dernier.

 

Les États-Unis et Singapour : plus de 50 ans d’amitié

Depuis 2011, les États-Unis ont effectué un rapprochement avec l’Asie du Sud-Est également connu comme le pivot asiatique qui lui a permis de maintenir une meilleure position géopolitique et économique dans la région. Cette stratégie n’en est cependant pas une nouvelle, le géant occidental ayant fait usage d’une tactique semblable lors de la Guerre froide dans le but d’empêcher l’URSS de « corrompre » la région sud-est asiatique. Ainsi, dès 1966, un an après la déclaration d’indépendance de Singapour, une longue relation débute entre la cité-État et les États-Unis [2].

En conséquence de la Conférence de Bandung tenue en 1955 et en contexte de Guerre froide, « Singapour maintient sa préférence pour un équilibre des puissances dans la région » et opte pour la troisième voie, celle de non-alignement [3]. Toutefois, elle ne tarde à comprendre l’importance de développer des relations bilatérales avec plusieurs puissances pour favoriser son renforcement militaire, économique et diplomatique [4]. Son association avec les États-Unis, qu’elle voit comme un « hégémon bénin » en Asie du Sud-est, lui permet très tôt de renforcer sa sécurité nationale tout en favorisant un équilibre et une stabilité sur le continent [5].

Cette relation sera d’abord renforcée en 1980 avec la mise en place des exercices Tiger Balm, puis dès 1993 avec le transfert d’une installation de logistique de la marine américaine vers Singapour, après la fermeture de la base navale Subic Bay aux Philippines l’année précédente [6]. Après les attentats du 9/11, Singapour apporta son soutien à Washington dans sa Global War On Terrorism et l’appuya en Iraq en 2003 puis en Afghanistan [7].

Le premier ministre de Singapour Lee Hsien Loong et président américain Donald Trump

En 2005, le premier ministre Lee Hsien Loong et le président américain de l’époque George W. Bush ont également signé un Accord-cadre stratégique pour mieux contrer le terrorisme ainsi qu’un Accord bilatéral de coopération en matière de sécurité et de défense en 2015 [8]. Singapour a d’ailleurs été le premier pays asiatique à signer un accord de libre-échange bilatéral avec les États-Unis (USSFTA) en 2003, avec des échanges commerciaux bilatéraux s’élevant à 47 milliards US $ en 2015 [9].

 

La Chine et Singapour : du partage de connaissances aux intérêts commerciaux

La présence de Chinois en Asie du Sud-Est a largement augmenté après l’arrivée de la Compagnie britannique des Indes orientales (EIC) dans les années 1800 notamment en raison de la création des « Straits Settlements » et « en 1860, les personnes d’origine chinoise représentaient [déjà] soixante pour cent de la population de Singapour » [10].

En 2020, Singapour et la Chine célébreront le 30eanniversaire de leur relation diplomatique. Toutefois, leur relation non officielle date de bien plus longtemps, c’est-à-dire depuis l’arrivée des premiers commerçants chinois dans le détroit de Malacca. De plus, en raison du pragmatisme chinois et singapourien et de leur capacité à séparer le commerce de la politique, Singapour est un des rares pays Sud-est asiatique à avoir maintenu, durant les années 1950-1960 en contexte de Guerre froide, sa relation avec la Chine qui ne s’est qu’améliorée grâce aux réformes économiques et la mise en place d’une politique d’ouverture sous Deng Xiaoping en 1979 [11].

Carte du projet d’un réseau ferroviaire à grande vitesse allant de Kunming à Singapour

Depuis, la Chine et Singapour ont pu bénéficier de la croissance économique de l’un et de l’autre notamment grâce à la création du Joint Council for Bilateral Cooperation en 2003 puis de la signature d’un Accord de libre-échange (CSFTA) en 2009, augmentant ainsi leurs échanges commerciaux de 2,9 milliards US $ en 1990 à 75 milliards US $ en 2010 et faisant de la Chine le troisième plus grand partenaire économique singapourien et de Singapour le neuvième plus grand partenaire économique chinois en 2011 [12]. Dans ce même ordre d’idées, plusieurs projets ont été mis en place par les deux États dont celui d’un réseau ferroviaire à grande vitesse partant de la ville de Kunming en Chine jusqu’à Singapour, dont la construction a débuté en 2011 [13].

Cependant, les échanges entre la puissance asiatique et la cité-État ne se limitent pas qu’au commerce et à la diplomatie. Dès les années 1990, la Chine développe un « Singapour fever » pour le modèle singapourien qui devient l’endroit de prédilection pour la formation des responsables gouvernementaux chinois [14]. Ainsi, Singapour bénéficie à travers sa relation avec la Chine de nombreux avantages commerciaux en raison des divers marchés auxquels a accès celle-ci et cette dernière bénéficie non seulement des connaissances du petit État asiatique, mais renforce également sa position géopolitique en Asie du Sud-Est tout en se donnant une image de « bon partenaire » [15].

 

 

 

 

Références

[1] Emmers 2014, 143

[2] Wei Boon Chua 2017, 274

[3] (Traduction personnelle) Wei Boon Chua 2017, 274

[4] Emmers 2014, 143

[5] Emmers 2014, 143-4

[6] Emmers 2014, 147

[7] Emmers 2014, 147

[8] Emmers 2014, 146 ; Wei Boon Chua 2017, 274

[9] Emmers 2014, 150 ; Wei Boon Chua 2017, 275

[10] (Traduction personnelle) Wong et Chong 2014, 33

[11] Wong et Chong 2014, 31, 4

[12] Wong et Chong 2014, 32, 8, 41

[13] Wong et Chong 2014, 51

[14] Wong et Chong 2014, 35-6

[15] Wong et Chong 2014, 32, 51

 

 

 

Bibliographie

Emmers, Ralf. 2014. « Security and power balancing: Singapore’s response to the US rebalance to Asia. » Dans W. Tow et D. Stuart, dir. The New US Strategy towards Asia : Adapting to the American Pivot. London : Routledge.

Wei Boon Chua, Daniel. 2017. «United States’ pivot and Southeast Asia.» Dans S. Ganguly, J. Liow et A. Scobell, dir.The Routledge Handbook of Asian Security Studies. London : Routledge.

Wong, John et Catherine Chong. 2014. « The Political Economy of Singapore’s Unique Relations with China. » Dans S. Swee-Hock et J. Wong, dir. Advancing Singapore-China Economic Relations. Singapour : Institute of Southeast Asian Studies.

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