La Malaisie, élève modèle des interventions maritimes en Asie du Sud Est ?

LA MALAISIE, ÉLÈVE MODÈLE DES INTERVENTIONS MARITIMES EN ASIE DU SUD EST ?        

Emilie Dubroux

Le 21 mars 2006, le premier ministre malaisien Abdullah Ahmad Badawi déclare officiellement  l’agence malaisienne d’intervention maritime (MMEA) opérationnelle. Cette agence est mise en place par le gouvernement malaisien suite à l’apparition de tensions territoriales en Mer de Chine, et à un désir du gouvernement malaisien d’être présent sur un des théâtres géopolitiques majeurs du XXIe siècle.

Comment, dans un contexte de revendications territoriales en Mer de Chine méridionale où la Chine se positionne comme puissance revendicatrice dominante, la Malaisie choisit et parvient-elle à défendre ses intérêts ? Comment ce petit pays tropical entend-il assurer l’application de la loi et sa souveraineté au centre de la zone la plus conflictuelle d’Asie représentée par la Mer de Chine méridionale ? Différentes questions d’actualité sur la capacité maritime malaisienne dont les réponses semblent aujourd’hui en constante évolution.

 

La Malaisie fait aujourd’hui partie des six pays se disputant des revendications territoriales dans la zone de la Mer de Chine méridionale. Selon la carte ci-dessous la Malaisie estime sa gouvernance légitime sur des îles au sein de l’ensemble des îles Spratleys; revendication qu’elle se dispute avec le Vietnam, les Philippines, le Brunei et la Chine.

Philippe Rekacewicz, Emmanuel Véron, Reuters, Département de la defense (France), (2016), Un tiers du trafic maritime mondial transite par la mer, semi-fermée, de Chine méridionale

 

La Mer de Chine méridionale en plus d’être une zone de revendications territoriales fortes est un lieu de passage presque obligé de la marine marchande, puisque c’est une des routes maritimes commerciales les plus empruntées mondialement. Cependant l’utilisation importante de cette route maritime par de nombreux navires marchands entraînent d’autres défis comme la lutte contre la piraterie, ou encore contre le trafic illégal de ressources.

 

Ces défis ont mené la Malaisie à développer un désir de surveillance et de contrôle sur ses eaux territoriales, le début des désirs d’évolution de la Marine Royale Malaisienne commence alors à la fin des années 1980, lorsque les revendications territoriales en Mer de Chine émergent, et que le Vice-Amiral de l’époque, Abdul Wahab Bin Haji Nawi évoque le concept de « défense anticipée » qui  s’appuyait à l’époque sur une force sous-marine, et le justifie par « la difficulté des navires de surface à survivre face à une supériorité aérienne de l’ennemi ».1

Cette stratégie de « défense anticipée » est principalement dirigée vers la Chine qui possède à l’époque une force armée impressionnante numériquement, mais avec de grosses faiblesses technologiques. Il s’agit alors pour la Malaisie d’exploiter le point faible de la Chine, soit son retard technologique en matière militaire. Cependant les politiques de modernisation de l’armée malaisienne, et notamment l’achat et la mise en usage de sous-marins par cette dernière ne verront le jour que près de vingt ans plus tard.

 

Si à l’époque le budget militaire de la Malaisie ne lui permet pas de moderniser ses forces maritimes de manière technologique ou matérielle cette dernière décide de rendre sa force maritime plus efficace en créant en 2005 l’agence malaisienne d’intervention maritime (MMEA), répartissant ainsi différentes tâches entre l’agence et la Marine Royale Malaisienne. Ainsi la Marine Royale Malaisienne peut se concentrer sur la défense nationale et le développement de bâtiments et de personnels formés à la guerre, tandis que l’agence malaisienne d’intervention maritime peut se concentrer sur les patrouilles au sein de la Zone Économique Exclusive (ZEE) et par conséquent jouer le rôle de police malaisienne des mers face à la piraterie ou encore les trafics illégaux en tout genre.2

 

Emblème de la Marine Royale Malaisienne

Emblème de l’Agence Malaisienne d’Intervention Maritime

Avec la création de cette agence le gouvernement Malaisien met en avant l’éducation de la population sur la situation en Mer de Chine méridionale et organise une future concentration de la Marine Royale sur les efforts de guerre. Or aujourd’hui comme évoqué par l’Amiral Datuk Seri Zulkfili Abu Bakar dans la vidéo suivante, le but de suspension des interventions maritimes de la Marine Royale en Mer de Chine n’est pas encore atteint.3

https://www.youtube.com/watch?v=8UU1E7i_CsI

 

L’Amiral parle des autres pays concernés par les conflits en Mer de Chine, en statuant que « dans certaines des zones disputées les autres pays tentent d’éviter l’envoi de leurs marines nationales bien que l’agence de la MMEA travaille encore conjointement avec la marine malaisienne ». En effet l’agence (MMEA) étant un nouvel organisme, elle possède encore peu de moyens et d’équipement et doit donc se reposer sur une coopération avec la Marine Royale. Cette collaboration avec la Marine Royale lui permet également de remplir son objectif d’éducation et d’entraînement.

 

L’Amiral Zulkfili énonce l’objectif principal de la MMEA de se présenter comme support de la Marine Royale pour assurer la souveraineté malaisienne en Mer de Chine méridionale. Cependant le gouvernement malais fait face à des défis comme le manque de moyens qui, s’additionnant avec les enjeux de la Mer de Chine méridionale entraîne selon l’Amiral Zulkfili une nécessité de collaboration avec les autres pays et ce notamment dans le cadre de la mise en place de centre de formation pour du futur personnel de la MMEA.  Puisque le projet principal de l’agence est aujourd’hui de renforcer l’éducation et les capacités formatrices de l’agence malaisienne, s’inscrivant dans un objectif à long terme de devenir un acteur majeur d’application de la loi dans les zones disputées, concernant la Malaisie, en Mer de Chine méridionale.

 

En 2018 le gouvernement malaisien semble se camper sur une politique réaliste au sein de laquelle il projette de développer sa marine nationale dans un contexte conflictuel lui permettant donc de lui donner plus de poids et de légitimité au sein de l’Asie du Sud Est et face aux puissances maritimes chinoises et américaines présentes dans la zone. Ce qui présente la Malaisie comme un futur acteur majeur de l’application de la loi dans les zones maritimes disputées est la MMEA, que le gouvernement malaisien arrive à développer tout en donnant de l’ampleur à la Marine Royale en parallèle (voire photo suivante et lien). Cette distinction des interventions maritimes des deux acteurs permettrait par exemple à la Malaisie en cas de rencontre avec la marine nationale d’un autre pays revendicateur lors de patrouilles de la MMEA d’éviter quelconque débordement, tout en assurant sa souveraineté.

 

Royal Malaysian Navy (RMN), (2017), Future RMN fleet, projet de l’armée malaisienne de 2030

 

Projet d’agrandissement de la flotte de la RMN (2017-2030)

https://www.mmea.gov.my/eng/index.php/en/citizens-and-public/30-mmea-assets

 

 

1.James Goldrick and Jack McCaffrie, “The Royal Malaysian Navy”, Navies of South-East Asia: A Comparative Study, New York, 2013 92-116

2.Noor Apandi Osnin, « Implementation in Malaysia », Lloyd’s MIU Handbook of Maritime Security, London, 2009, p.337-344

3.The Star Online, [The Star Online], (2018, 17 avril), MMEA: Coast Guard cooperation vital in South China Sea [Vidéo en ligne], repéré à https://www.youtube.com/watch?v=8UU1E7i_CsI

 

 

Iconographie :

Philippe Rekacewicz, Emmanuel Véron, Reuters, Département de la defense (France), (2016), Un tiers du trafic maritime mondial transite par la mer, semi-fermée, de Chine méridionale [Image en ligne]. Repéré à http://www.liberation.fr/planete/2016/07/12/dix-questions-pour-comprendre-le-conflit-en-mer-de-chine-meridionale_1465463

Royal Malaysian Navy (RMN), (2017), Future RMN fleet, [Image en ligne], Repéré à http://www.navyrecognition.com/index.php/news/defence-news/2018/april-2018-navy-naval-defense-news/6110-royal-malaysian-navy-looking-at-two-more-submarines-by-2040.html

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