Le Vietnam, entre Chine et États-Unis

Par Matt Jagger

Cela n’a échappé à personne : Barack Obama, pour ce qui constitue l’un de ses derniers voyages présidentiels, s’est de nouveau rendu en Asie, son dixième déplacement sur le continent depuis qu’il occupe la Maison Blanche. Dès son arrivée en 2008, le Président Américain s’est employé à redéployer la politique étrangère étasunienne du Moyen-Orient vers l’Asie-Pacifique, qui constitue désormais le nouvel épicentre géopolitique mondial, avec en place centrale la Chine. Outre les traditionnels alliés régionaux, le Japon et la Corée du Sud, Obama a effectué une visite au Vietnam, alors qu’à l’été 2015, c’était le Secrétaire du Parti Communiste vietnamien, Nguyen Phu Trong, qui s’était rendu à Washington. Nul doute que derrière ce rapprochement historique, l’ombre de la Chine n’est pas loin, d’autant qu’Hanoï et Pékin ont des relations tendus du fait des différents territoriaux en Mer de Chine Méridionale. Pour autant, il n’est pour le moment pas possible de savoir de quel côté de la balance le Vietnam va pencher. Va-t-on assister à une alliance américano-vietnamienne ou à un maintien, au moins temporaire, du statu quo actuel ?

 

Soeur Trung

Les Soeurs Trung, deux figures nationalistes Vietnamiennes, célèbres pour avoir combattues les envahisseurs chinois au début de notre ère.

Malgré les similitudes entre les régimes de ces deux pays voisins, Chinois et Vietnamiens sont loin d’être des peuples amis. Tout au long de son histoire, la péninsule vietnamienne a subi des invasions récurrentes de son voisin du Nord, et seule l’arrivée des Français dans la seconde moitié du XIXe siècle permet de stopper l’influence chinoise et d’intégrer le Vietnam a l’espace Sud-Est asiatique (1). Ce « décrochage » culturel s’est renforcé lors du siècle suivant de par l’écart qui ne cessera de se creuser au fil du temps entre communistes vietnamiens et chinois, les premiers soutenant les soviétiques. Un conflit frontalier éclate même en 1979, voyant la victoire des troupes d’Hanoï.

De l’autre côté, américains et vietnamiens se sont opposés lors du conflit le plus célèbre de la Guerre Froide, la Guerre du Vietnam, qui dura de 1945 à 1975, et qui verra la défaite successive de Paris et de Washington. Cette ambivalence ne fera que se renforcer, puisque Washington se rapprochera de Pékin dès 1972, et Moscou conservera au Vietnam son pied-à-terre. Les réformes « Doi Moi », adoptées en 1986 par le VIe Congrès du Parti Communiste Vietnamien, et visant à instaurer, à l’instar de la Chine, une économie socialiste de marché, vont inverser la tendance(2). Dès 1994, américains et vietnamiens ré-ouvrent leurs relations diplomatiques, tandis que l’année suivante, le Vietnam devient membre de l’ASEAN, une organisation qui à l’origine était censée contrer le communisme en Asie du sud-est (3).

Le temps de la Guerre Froide est révolu, et les luttes idéologiques ont été mis au pla-

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De 1965 à 1972, plus de 3 millions d’américains passeront par le Vietnam.

card. Comme le soulignait Lord Palmerston, Premier Ministre Britannique au XIXe siècle, les ennemis sont passagers, les intérêts permanents et éternels. Nous l’avons vu, l’équation entre chinois, américains et vietnamiens est loin d’être simple. Les deux grandes puissances ont tour à tour été des ennemis du Vietnam au cours de la seconde moitié du XXe. Pourtant la conjoncture actuelle est celle d’un rapprochement sans précédent entre le Vietnam et les États-Unis, face à la montée en puissance de la Chine. Déjà présent militairement dans la région par le biais de leur parapluie nucléaire englobant Taïwan, le Japon ou encore les Philippines, les américains seraient-ils prêts à y intégrer le Vietnam, si ces derniers le demande ?

Tout semble l’indiquer : le signe le plus évident est sans nul doute le projet du Traité Trans-Pacifique, qui prévoit d’instaurer le libre-échange entre la plupart des pays du Pacifique, excepté, entre autres, la Chine (4). Autre point: la récente levée de l’embargo sur les armes à destination du Vietnam par la Maison Blanche, même si l’on assure du côté américain que la Chine n’est en aucun cas visée par cette mesure… Sans compter qu’au Vietnam même, on s’inquiète de plus en plus du retour de la Chine en tant qu’hegemon régional : économiquement déjà, Pékin est le premier partenaire de Hanoï, mais cela ne va pas sans conséquence. En effet, les pressions commerciales et monétaires créent une forte inflation au Vietnam, ce qui soulève de vives protestations chez les dirigeants vietnamiens, mais aussi parmi la population, et plusieurs manifestations anti-chinoises ont récemment eu lieu. Enfin, il y a évidemment les différends territoriaux en Mer autour des archipels Paracels et Spratleys (5), stratégiques de par leur position géographique proche du grand axe maritime mondial Singapour-Chine, mais aussi de par les ressources halieutiques présentes dans les eaux territoriales de ces ilots. Ces éléments excitent le nationalisme, et des manifestations anti-chinoises ont eu lieu à Ho Chi Minh Ville et dans d’autres villes. Bien que très encadré par le pouvoir actuellement, ces poussés peuvent à terme dégénérer et conduire à des escalades incontrôlables : le schéma européen menant à la Première Guerre Mondiale en est l’exemple parfait (6). Soulignons que l’Asie semble présentement connaître une flambée des milieux nationalistes, que ce soit en Inde, où l’extrême droite est au pouvoir depuis 2012, ou encore au Japon, notamment à cause des îles Senkaku, revendiquées à la fois par Tokyo et par Pékin (7). De leur côté, si les américains ont récemment assuré à leurs alliés régionaux que ceux-ci bénéficiaient toujours du parapluie nucléaire, il semble toutefois que Washington privilégie le statu quo, et ne souhaite pas voir une escalade des tensions dans la région (8). Protéger oui, mais jusqu’à quel point ? Pour l’instant, on ne sait ce que feront les États-Unis en cas de crise véritablement sérieuse.

La-Mer-Chine-zone-haut-risque.

Si les Paracels ne concernent que le Vietnam et la Chine, les Spratleys en revanche sont revendiqués par de nombreux pays dans la région. A noter que l’archipel des Senkaku, non représenté ici, se situe au Nord-Est de Taïwan.

Malgré tous ces éléments, il ne faut cependant pas conclure hâtivement à une alliance américano-vietnamienne, qui reste encore très théorique. Le récent Congrès du Parti communiste vietnamien en janvier 2016 a vu la victoire du courant conservateur mené par Phan Dong, un homme plutôt proche de Pékin, qui ferme pour l’instant le Vietnam a une ouverture politique et à l’instauration, peu probable à court terme, d’une démocratie (9). Mais il ne serait pas surprenant que les vietnamiens favorisent de plus en plus l’option américaine face à ce qui représente, dans l’imaginaire nationale, l’ennemi héréditaire qu’est la Chine.

Notes :

(1) Do Benoit, Hiên. 2011. Le Viêt Nam. Coll. Idées reçues, Editions le Cavalier Bleu, Paris.

(2) Ibid, p 52.

(3) Côté, Denis et Stéphanie Martel. 2014. « La Chine et l’Asie du Sud-Est : une relation ambivalente ». Monde chinois 2014/2 (n° 38-39) : p 48.

(4) Luong, Dien. 2016. « Why Vietnam loves the Trans Pacific Partnership ». The Diplomat, Known the Asia-Pacific. [En ligne], http://thediplomat.com/2016/03/why-vietnam-loves-the-trans-pacific-partnership/ (consulté le 24 Juin 2016).

(5) Côté, Denis et Stéphanie Martel. 2014. « La Chine et l’Asie du Sud-Est : une relation ambivalente ». Monde chinois 2014/2 (n° 38-39), p 54-56.

(6) Bien qu’il existe encore de nombreux débats entre historiens quant aux raisons ayant conduit à l’éclatement du premier conflit mondial en 1914, on s’accorde sur le fait que le début du XXe siècle baignait dans un climat nationaliste extrême qui a très probablement favorisé l’escalade guerrière.

(7) Pelletier, Philippe. 2013. « Le chien et l’éléphant. Le Japon au miroir de la Chine ». Hérodote n°150 (3), [En ligne], https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=HER_150_0103 (consulté le 24 Juin 2016).

(8) Ibid.

(9) Duc-Khang, Nguyen. « Une dictature politique en pleine crise ». Observatoire géostratégique de Lyon, en ligne : http://www.geolinks.fr/geopolitique/une-dictature-politique-en-pleine-crise-linstabilite-actuelle-du-gouvernement-communiste-vietnamien-et-les-enjeux-geopolitiques-du-petit-dragon-dasie-du-sud-est/ (consulté le 13 Juin 2016).

Bibliographie :

Duc-Khang, Nguyen. « Une dictature politique en pleine crise ». Observatoire géostratégique de Lyon, en ligne : http://www.geolinks.fr/geopolitique/une-dictature-politique-en-pleine-crise-linstabilite-actuelle-du-gouvernement-communiste-vietnamien-et-les-enjeux-geopolitiques-du-petit-dragon-dasie-du-sud-est/ (consulté le 13 Juin 2016).

Pelletier, Philippe. 2013. « Le chien et l’éléphant. Le Japon au miroir de la Chine ». Hérodote n°150 (3), [En ligne], https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=HER_150_0103 (consulté le 24 Juin 2016).

Do Benoit, Hiên. 2011. Le Viêt Nam. Coll. Idées reçues, Editions le Cavalier Bleu, Paris, 124p.

Côté, Denis et Stéphanie Martel. 2014. « La Chine et l’Asie du Sud-Est : une relation ambivalente ». Monde chinois 2014/2 (n° 38-39), pp 48-65.

Luong, Dien. 2016. « Why Vietnam loves the Trans Pacific Partnership ». The Diplomat, Known the Asia-Pacific. [En ligne], http://thediplomat.com/2016/03/why-vietnam-loves-the-trans-pacific-partnership/ (consulté le 24 Juin 2016)

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