Les minorités ethniques en Thaïlande

Par Kenta Mouphas

L’exode des campagnes vers les villes est un phénomène encore d’actualité chez de nombreuses minorités ethniques du Nord du pays. Toutefois, ces nouvelles perturbations entraînent leurs lots de désagréments dans ces communautés. Celles-ci consommeraient, selon des études, plus de drogues que la population thaïe. De plus, les personnes infectées par le VIH seraient plus nombreuses dans les villages des minorités ethniques. Quelles seraient les causes de cet écart de consommation et d’infection entre les minorités et la population thaïe ?

Les minorités en Thaïlande représente approximativement un million d’habitants, ce qui représente 1,6% du pays. Les minorités ne sont généralement pas très appréciées à cause de la croyance populaire selon laquelle ils sont responsables du déboisement des forêts du pays par la pratique de l’agriculture sur brûlis, alors que la cause numéro un serait en fait l’exploitation illégale du bois (Kobori, 2009: 2).

Ces communautés ont une identité culturelle qui leur est propre, une langue et des coutumes. Les membres ne savent souvent pas parler la langue nationale. Ils sont généralement pauvres et pratiquent l’élevage ainsi que l’agriculture vivrière pour subvenir à leurs besoins.

Avant, les communautés avaient tendance à être nomades. Aujourd’hui, cette tendance s’est inversée, puisqu’au fil du temps, beaucoup ont choisi la sédentarité en s’installant dans les hautes terres. Le mode de vie sédentaire a été préféré par ces communautés pour bénéficier de plus de facilités d’accès aux emplois et aux écoles (Kobori, 2009: 2).

Toutefois, il semblerait que les emplois dans l’industrie du sexe soient favorisés. L’opinion générale de la population est que travailler en tant que prostituée rapporte plus d’argent et demande moins d’efforts qu’un travail dans une usine ou une manufacture (Fermoso, 2001: 59).

De plus, la prostitution est encouragée par l’État corrompu, puisque cette activité lui rapporte beaucoup de bénéfices (Fermoso, 2001: 57). C’est ainsi qu’un service spécialisé s’est développé, s’adaptant aux préférences et budget de la clientèle étrangère et locale. D’ailleurs, les femmes des minorités seraient très nombreuses à travailler en tant que prostitué, tandis que les hommes travailleraient en tant que propriétaire et patron de ces commerces (Beyrer, 1997: 429).

La prostitution endémique dans le pays a facilité la transmission du VIH. La population accuse généralement les homosexuels d’être responsables du fléau causé par le sida dans le pays. Cette opinion a été véhiculée par l’Occident dans les années 80 lorsque les homosexuels américains ont étés pointés du doigt comme étant responsables de l’expansion de la maladie.

Or, ce serait les relations hétérosexuelles qui exposeraient le plus les Thaïlandais au sida. Cette hypothèse serait plausible puisque les femmes sont autant touchées par le sida que les hommes. Par ailleurs, l’utilisation des préservatifs comme moyen de contraception ne semble pas être une pratique courante, le tout faisant accroître les risques d’infection (Beyrer, 1997: 433).

Les personnes séropositives dans les communautés minoritaires seraient plus nombreuses que les thaï. Cette différence peut-être expliquée, entre autres, par le travail des femmes en tant que prostituée. Par ailleurs, il est vrai qu’il existe des programmes pour éduquer la population sur les risques du VIH. Cependant, les minorités ont un accès limités à ces programmes, le problème étant que, généralement, ces programmes sont dans la langue nationale, et non dans la langue de la minorité ciblée, empêchant ainsi la communication (Beyrer, 1997: 429).

Un autre facteur lié à l’augmentation de la population contaminée par le VIH serait la consommation de drogue. La culture de l’opium et sa commercialisation étaient des pratiques courantes chez les minorités. D’ailleurs, la Thaïlande était connues, à la fin du dix-neuvième siècle jusqu’au milieu du vingtième, pour sa production d’opium. Aujourd’hui, c’est la méthamphétamine qui seraient la drogue la plus consommée et la plus populaire. La consommation de méthamphétamines augmenterait les chances du consommateur d’essayer d’autres substances illicites, augmentant par la suite les risques d’infections. La consommation causerait également une hausse de la libido, augmentant ainsi le nombre de rapports sexuels et, en conséquence, le risque d’avoir le VIH. Une hypothèse pour expliquer la consommation élevée de méthamphétamines chez les minorités serait qu’elle aide à rester éveillé et à ne pas ressentir la douleur, facilitant ainsi le travail souvent pénible du quotidien.

C’est pourquoi la mise en place de mesures de sensibilisation s’imposent afin de lutter contre ces fléaux qui touchent particulièrement les minorités. Le VIH et la drogue sont deux problèmes bien ancrés dans ces communautés. Le recours à la très lucrative prostitution est fréquent et est souvent préféré au travail physique dans les usines des grandes compagnies, où les conditions de travail sont parfois pires. La consommation de drogue, quant à elle, aiderait les travailleurs d’usine à mieux supporter la charge de travail qui leur sont confiées.

Des mesures de sensibilisations adaptées aux minorités ont été entreprises par des organisation non-gouvernementales comme, par exemple, «The Daughters Education Project», qui aide les femmes à risque en leur proposant des emplois et en les éduquant (Beyrer, 1997: 429).

Bibliographie

Fermoso Bernard. 2001. « Corps Étranger Tourisme et prostitution en Thaïlande »Anthropologie et Sociétés, vol 25, numéro 2 : 55-70.

Kobori, Eiko; Visrutartna, Surasing; Maeda,Yuko; Wongchai, Siriporn; Kada, Akiko; Ono, Kihara, Masako; Hayami, Yoko et Kihara Masahiro. 2009. « Methamphetamine use and correlates in two villages of the highland ethnic Karen minority in northern Thailand: a cross selectional study. (Reasearch article) (Report) » BMC International Health and Human Rights, Vol 9: p.11

Beyrer, C; Celentano, D.D.; Suprasert, S.; Sittitrai, W.; Nelson, K.E.; Kongsub, B.; et Phanupak, P.. 1997.  » Widely varying HIV prevalence and risk behaviours among the ethnic minority peoples of northern Thailand » AIDS Care, Vol 9,: p.427-439

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