Le nationalisme philippin : une lutte pour l’indépendance interrompue vers le colonialisme américain et le communisme

Par Clément Rivière,

Les Philippines est le premiers pays d’Asie du Sud-Est où est né un mouvement d’indépendance, avec pour point de départ : briser le pouvoir colonial en adaptant les pratiques de l’époque au service du Nous philippin et créer un État Nation en construisant une identité nationale commune.

Ce pays est donc une ancienne colonie de la couronne d’Espagne, occupé depuis le 16ème siècle, et l’administration espagnole l’a divisé en grands domaines féodaux aux mains des ordres religieux, entrainant de nombreuses inégalités surtout vis à vis des paysans [1]. Dans les années 1890, va émerger un premier mouvement nationaliste caractérisé par une impulsion réformiste avec pour objectifs : la redistribution des terres aux paysans et la modernisation de l’état avec une administration philippine [2]. C’est un mouvement élitiste nommé les « illustrados », constitué de jeunes intellectuels bourgeois éduqués en Europe, qui dénonce la tyrannie coloniale et la toute-puissance de l’Église [3].

Un de ces martyrs et héros nationaux est José Rizal, qui par ses écrits, réussi à éveiller la conscience nationale du peuple philippin [4]. Ainsi la révolution philippine commence en 1895 et va s’appuyer sur les classes paysannes pour mener le combat contre les espagnols. C’est le mouvement révolutionnaire « Katipunan », dirigé par le nationaliste Emilio Aguinaldo, qui obtient l’indépendance en 1898 [5].

Mais le mouvement de libération philippin rencontre les intérêts de l’impérialisme américain qui va envahir l’archipel en utilisant utiliser le prétexte de vouloir soutenir les volontés nationalistes locales. Suite à la guerre hispano-américaine, l’Espagne vend aux Etats-Unis les Philippines et la colonisation se poursuit sous le joug d’une nouvelle administration [6]. Pour gérer le pays, les américains redistribuent les terres de l’Église à une poignée de riches propriétaires issus des grandes familles qui ont coopéré avec les espagnols. Ils vont former la classe « compradore », une tranche de la bourgeoisie voulant garder ses privilèges en collaborant avec la domination coloniale américaine [7]. Ainsi, le nationalisme philippin servira principalement la bourgeoisie locale qui voulait surtout se débarrasser du pouvoir colonial espagnol pour contrôler l’administration politique.

Ainsi, les riches familles philippines seront promues à des postes administratifs et désignés comme propriétaires des terres. En échange, les relations commerciales continueront d’avantager les États-Unis [8]. Des institutions (parlement, gouvernement), gérées par les américains, s’organisent et en 1935 est accordée une autonomie, qui doit conduire à l’indépendance en 10 ans, sous forme de Commonwealth, gérée par le président Quezon qui favorise toujours le modèle clientéliste satisfaisant les demandes commerciales des Etats-Unis [9]. En 1941, les Japonais lancent l’invasion de l’archipel. Le Parti communiste mène sa propre guérilla de résistance à l’occupant principalement menée par les Hukbalahap (« Huks ») [10].
 L’indépendance est finalement accordée à l’archipel en 1946 sous la présidence de Manuel Roxas, appuyée par les américains. Mais le combat contre la domination étrangère continue et un nouveau nationalisme populaire, construit autour des rebellions paysannes, apparaît sous la conduite du Parti communiste dirigé par José Lava [11].

Malgré une lutte acharnée, appuyée par les masses paysannes, qui se poursuit jusqu’en 1954, les nombreuses rébellions sont mises en déroute par les gouvernements en place qui ont bénéficié du soutien militaire américain [12]. Ainsi, le Parti communiste n’est pas arrivé à créer un soulèvement national assez puissant, comme en Indochine par exemple, pour mener à bien la révolution. En effet, les américains ont appuyé financièrement, politiquement et militairement les différents gouvernements libéraux (Roxas, Quirino, Magsaysay) de 1946 à 1966, en échange de la signature de traités, inégaux, reflétant le contrôle et l’influence des Etats-Unis sur les Philippines. Comme, le U.S-R.P qui renforça la présence du gouvernement américain au sein de l’archipel en établissant des bases militaires [13]. Après ces régimes, le président Marcos (1966-1986) met en place un régime dictatorial aux structures politiques maximalistes. C’est à dire que l’autorité du pouvoir est concentrée dans ses mains de celles de ses partisans. De plus, la loi martiale est proclamée, et le régime continue de maintenir une relation clientéliste avec les américains, aux dépends de la population locale [14].

Mais en 1969, avec le rétablissement du PCC, la guérilla communiste se transforme en « Nouvelle armée du peuple » (CPP-NPA) [15]. Ainsi, le nationalisme politique essaie de se renforcer en s’appuyant sur le nationalisme populaire entretenu par le peuple philippin. Le Parti communiste maintient son leadership dans le combat révolutionnaire avec comme désir : unifié le peuple pour fonder une véritable nation et redistribuer équitablement le pouvoir politique.

Bibliographie :

[1] WILLOQUET, Gaston (1961), Histoire des Philippines, Paris, Presses Universitaires de France, p. 30-72.

[2] idem.

[3] TAN, Samuel K. (1987), « A History of the Philippines », Quezon City, The University of the Philippines Press, p. 65-92.

[4] idem.

[5] WILLOQUET, Gaston (1961), Histoire des Philippines, Paris, Presses Universitaires de France, p. 30-72.

[6] idem.

[7] GUERRERO, Amado (1971), « Philippine society and Revolution », Hong-Kong, Ta Kung Pao, p. 36-96.

[8] idem.

[9] idem.

[10] POMREROY, William (1968), Les Huks : dans la forêt des philippines, Paris, Cahiers libres 112, p. 7-20.

[11] GUERRERO, Amado (1971), « Philippine society and Revolution », Hong-Kong, Ta Kung Pao, p. 36-96.

[12] idem.

[13] idem.

[14] idem.

[15] idem.

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