Colonialisme Britannique au Singapour (1824-1942)

Par Christelle Bitar,

East India CompanyLa Malaisie offrait une condition géostratégique très intéressante. En effet, sa position géographique, située à l’extrême sud de l’Asie Orientale entre l’Inde et la Chine, permettait un passage maritime pour le commerce avec la Chine. D’ailleurs, plusieurs marchands comme les Indiens, les Arabes ou les Chinois s’en servirent. À cette époque le commerce se faisait pour les épices, mais ces marchands importèrent également leur culture ce qui permit une diversité culturelle (1). Ainsi, les Britanniques s’y installèrent pour pouvoir faire face à la piraterie, omniprésente dans la région, et pour pouvoir payer leurs dettes aux Chinois grâce à l’opium régional (2). Mais aussi pour tenir la compétition avec les Hollandais dont la présence était très importante (3).

Ainsi, en 1819, c’est Thomas Stamford Raffles qui négocia les premiers accords avec le Sultan de Johore (4). Cet accord permettait aux Britanniques d’être présent au Singapour via la British East India Company dont Raffles était propriétaire, mais ne donnait pas de pouvoir politique étatique et recommandait la collection de taxes et d’impôts portuaires (5). Conscient de la richesse des ressources et de l’importance géographique qu’offrait la région et de l’importance d’avoir un plus grand contrôle régional, en 1822 et 1823 cet accord fut renégocié. En 1824, un autre accord a été rédigé avec les Hollandais postulant que les territoires de Malaisie appartenaient à la sphère d’influence britannique. Ainsi, en cette année, Singapour fut cédée officiellement à la couronne britannique (6).

Sous la couronne britannique, la Malaisie fut administrée d’une façon particulière. Il y avait trois types d’établissements : ceux des détroits, des états fédérés et des états non fédérés. Les établissements des détroits fédérés étaient constitués du Malacca, le Penang, la province de Wessley, le Labuan et de Singapour qui y figura en 1826. Cet établissement était un ensemble de colonies qui dépendaient directement de l’Empire britannique. Pour ce faire, un gouverneur omnipotent était mis en place et était responsable aux yeux du secrétaire d’État aux colonies. Le gouverneur était assisté par deux conseils : le conseil exécutif et législatif. (7). Le conseil législatif était constitué de membres officiels et non officiels nommés par les Britanniques et qui représentaient différentes ethnies (8). L’établissement des États fédérés était constitué de Perak, Selangor, Negri Sembilan et du Pehang. Cet établissement avait la forme de protectorat et un résident général y demeurait. Enfin, pour l’établissement des états non fédérés constitué de Kedah, Perlis, Kelantan et Trengganu, c’était un protectorat où le Sultan bénéficiait d’un conseiller anglais. (9). Nous pouvons remarquer que les Anglais gardaient en place le Sultan qui représentait le symbole de nationalisme malais dans ses colonies, et ce, pour préserver une stabilité politique et sociale. En effet, la présence de différentes ethnies dans le conseil législatif des établissements des détroits en est une preuve. Par exemple, les Chinois étaient intégrés puisqu’ils étaient des dirigeants d’associations d’immigrants, mais aussi, car ils étaient importants dans le domaine économique. (10).

En général, les Britanniques essayaient d’éviter de perturber l’ordre en place (11). D’ailleurs, Hubbard distingue quatre principes de la politique étrangère britannique. Premièrement, les Anglais s’assuraient de la sécurité du commerce extérieur (12). En effet, ce fut la raison pour laquelle ils se sont implantés dans la région. De plus, ils mirent en place une série de politiques favorisant le développement économique, ils amenèrent le développement technologique et Singapour connut une forte immigration. Le nombre de la population passe de 10 683 en 1824 à 97 111 en 1871 (13) et à 1.090.596 en 1957 (14). La population est multipliée par 9 puis par 100, notamment à travers l`immigration qui répondait au besoin de main-d’œuvre et à ce développement économique. Ensuite, les Britanniques avaient un principe d’éviter la guerre (15). En effet, c’est pourquoi ils essayaient de ne pas perturber l’ordre social et politique comme nous l’avons vu. Troisièmement, les Anglais avaient pour principe de sauvegarder leur territoire (16). Ceci fut très bien illustré par la guerre avec le Japon. En effet, les Britanniques se sont battus contre l’intervention japonaise. Malgré le fait que les Anglais ont perdu la guerre, ils se réimposèrent (17). Enfin, Hubbard explique que le dernier principe des Britanniques est une idéologie. Celle d’un « libre exercice des libertés britanniques, de leur idéal politique et de leurs mœurs » (18). Cependant, cet aspect ne fut pas illustré lors de l’occupation britannique de Singapour. En effet, tel qu’il l’énonce dans son texte, les Britanniques appliquèrent en Asie du Sud Est, dont à Singapour deux politiques. La première étant celle de la « porte ouverte » (19), cette politique concerne la vie économique en général. La deuxième étant l’ « équilibre mondial », cette politique concerne le fait d’éviter la guerre et de protéger le territoire conquis (20).

Nous avons vu que l’Empire britannique se différencie dans la façon de gérer ses colonies des autres colonialismes abordés (Philippines, Indonésie, Indochine, Vietnam). Il essaye de ne pas perturber l’ordre interne et de réaliser ses buts politiques et économiques. Cependant, avec leur retour suite à la guerre des Japonais, en 1946, il adopte une politique plus stricte. Il serait intéressant d’étudier la sécession pacifique de la Malaisie, et l’indépendance du Singapour.

BIBLIOGRAPHIE

(1) : Martin, Pierre (1960), « Les institutions politiques de Singapour et de la Malaisie », Politique étrangère, 25 (2) : 152-167.

(2) : Europa World Plus,, « Singapore », (2013) http://www.europaworld.com/entry/sg.hi (page consultée le 10 novembre 2013).

(3) : idem

(4) : Martin, Pierre (1960), « Les institutions politiques de Singapour et de la Malaisie », Politique étrangère, 25 (2) : 152-167.

(5) : Europa World Plus,, « Singapore », (2013) http://www.europaworld.com/entry/sg.hi (page consultée le 10 novembre 2013).

(6) : idem

(7) : Martin, Pierre (1960), « Les institutions politiques de Singapour et de la Malaisie », Politique étrangère, 25 (2) : 152-167.

(8) : Europa World Plus,, « Singapore », (2013) http://www.europaworld.com/entry/sg.hi (page consultée le 10 novembre 2013).

(9) : Martin, Pierre (1960), « Les institutions politiques de Singapour et de la Malaisie », Politique étrangère, 25 (2) : 152-167.

(10) : Europa World Plus,, « Singapore », (2013) http://www.europaworld.com/entry/sg.hi (page consultée le 10 novembre 2013).

(11) : Young, A. Robert (1994), « How do peaceful secessions happen ? », Canadian journal of political science, 77 (4) : 773- 792.

(12) : Hubbard, G.E (1938), « La politique britannique en Extrême-Orient », Politique étrangère, 3 (6) : 595-606.

(13) : Europa World Plus,, « Singapore », (2013) http://www.europaworld.com/entry/sg.hi (page consultée le 10 novembre 2013).

(14) : Martin, Pierre (1960), « Les institutions politiques de Singapour et de la Malaisie », Politique étrangère, 25 (2) : 152-167.

(15) : Hubbard, G.E (1938), « La politique britannique en Extrême-Orient », Politique étrangère, 3 (6) : 595-606.

(16) : idem

(17) : Léger, François (1957), « L’évolution constitutionnel de Singapour », Politique étrangère, 22 (5) : 552-567.

(18) : Hubbard, G.E (1938), « La politique britannique en Extrême-Orient », Politique étrangère, 3 (6) : 595-606.

(19) : idem

(20) : idem

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