Épopée philippine – épisode 7

Le 16 juillet 2012 à Manille

Bonjour tout le monde !

Ça fait déjà un mois et demi que je suis à Manille. C’est passé vite et lentement. Vite parce que j’ai l’impression qu’il me reste toujours plein de mois devant moi alors qu’en fait il en reste juste 3 et demi. Et lentement parce que j’ai pas fait grand chose à part aller en cours et étudier. Je suis partie qu’une seule fois pendant une journée hors de Manille, sinon… Bah voilà quoi. Je suis gagnée par le quotidien et la morosité qui vient toujours avec les travaux d’école. Je me rends compte qu’il faut que je travaille un peu plus mes pouvoirs de sociabilisation. Les premiers temps c’était facile car tout venait à moi, j’avais plein de proposition d’activités diverses, des choses à faire. Et puis j’ai du m’isoler pour travailler sur mes cours, en particulier celui de Montréal où je devais rendre un devoir de recherche et passer un examen. Ensuite je crois que les gens ont juste arrêté de me proposer des choses et je me rends compte que c’est donc à moi de les relancer. Mais c’est pas évident, je ne connais pas non plus des tonnes de gens et aucun vraiment bien. Je me retrouve face à ma situation quand je suis arrivée au Québec et c’est un peu déprimant. On s’habitue à compter sur ses amis, son entourage. Alors ces derniers jours, j’ai envoyé des messages texts dans tous les sens, puisque c’est LE moyen de communication. Je me fais pas de soucis, je sais que je vais réussir à me faire des amis que je voudrais plus quitter ensuite, mais le processus éprouve ma patience.

Les rapports entre les femmes et les hommes. Je me pose des questions. Quand je parle à des philippin(e)s du regard que les hommes (et les femmes parfois, avec mépris) portent sur les occidentales comme si on était des toutes des prostituées ou plus exactement qu’il suffisait d’appuyer sur un bouton ON pour qu’on se retrouve dans leur lit, et ce, sans paiement, on me dit qu’en effet, on donne l’image de « femmes libérées ». Une des cuisinière m’a sortit ça en me disant avec un sourire gentil, qu’elle, elle savait bien qu’on était pas toutes « comme ça » et que certaines sont conservatrices.
Alors le christianisme les a tellement embobinés dans leurs ficelles qu’une femme qui n’est pas conservatrice est donc dans le mal, dans le mauvais chemin ? Mais enfin ! Je me suis heureusement retenue de lui dire que je me considérais largement « libérée » et surtout libre de faire ce que je veux. Et puis elle me dit qu’elle elle est pas aussi pire que les autres et qu’elle conseille même (ouhlala la rebelle) à sa fille de quitter son mari qui la frappe et avec qui elle est pas heureuse (sans blague). Je croyais pourtant que ces valeurs sexistes avaient disparues au moins en surface, au moins UN PEU…
Quand cessera t-on d’avoir peur des femmes ? C’est quoi le problème ? Pourquoi dans la grande majorité écrasante de la planète on réduit la femme au plus possible ?
Ici une femme correcte est une femme qui n’a pas de petit copain avant son mariage, on ne parle même pas de fidélité, c’est évident, et si elle reste avec son mari toute sa vie, là elle va au paradis hein c’est SÛR ! Et on s’entend que l’avortement est interdit, et que la contraception est chère et peu disponible.
Un homme va régulièrement voir ailleurs, qu’il soit marié ou pas. Il a le droit de ramener des filles, peu importe leur âge et son âge à lui, à la maison et personne ne lui dira rien.
Il n’y a pas non plus d’entre deux. Une femme est soit à blâmer, soit « normale ».
En France, une fille qui couche avec un gars sans avoir d’intentions « sérieuses » ( = avoir une relation officielle ), c’est une « pute », une fille facile. Alors qu’un gars n’a pas autant ce poids social sur la conscience. Le « blâme » est beaucoup moins fort voir dangereux qu’aux Philippines, largement. Mais on considère quand même une fille qui a des relations très courtes (comme d’une nuit) avec des gars différents comme une fille facile alors qu’un gars… on s’en fout.
Au Québec (À Montréal?), il est généralement bien perçu d’avoir eu plusieurs relations sérieuses avant de s’engager dans un mariage ou autre forme d’union. On ne blâme pas, en général, les « relations » courtes à répétition, pour autant que ça ne dure pas toute sa vie, car il y a quelque chose de triste à ne jamais tomber amoureux. Je crois que c’est un des rares pays où on assume au moins en partie, que les femmes, comme les hommes, ont des désirs sexuels, et que ça n’empêche pas qu’il ou elle peut aussi être « sérieux » et pas forcement quelqu’un de « facile ». Est-ce que cela veut dire qu’on est « libéré » ? Libéré de quoi ? Libre, certainement, comme toute les libertés elle s’arrête où celles des autres commencent. Il me semble que c’est quelque chose de basique, d’essentiel, et non pas une revendication qu’on doit faire !
Tout cela, c’est des généralités évidemment, et je souligne que les divergences d’opinion sont plus nombreuses en France ou au Québec qu’ici. C’est peut-être ce qui me frappe le plus. La religion est omniprésente et pour moi qui suis une athée convaincue, j’ai beaucoup de mal à ne pas être constamment critique voir méprisante envers ce dogmatisme dégoûtant, cette grande brimade aux droits humains qu’est l’endoctrinement grossier de l’Eglise. On joue sur le moral, le mysticisme et la menace pour arriver à avoir une maîtrise psychologique d’une population entière, généralisée et inscrite comme une « tradition » puis comme « valeur nationale » par l’effet du temps. Vous avez peur de la mort ? Venez dans ce séminaire où on vous démontrera que si une femme montre son désir sexuel, c’est qu’elle est FOLLE ! À propos, après la mort, vous inquiétez pas, c’est le PARADIS !
Je crois que si on brime l’ardeur de la femme, c’est par peur, et par habitude. Les prostituées sont en grandes majorités des femmes et les hommes sont souvent pour une clientèle gaie. Les hommes prostitués pour femmes, c’est rare. Je crois que c’est de là que vient ce mépris, cette association constante de la sexualité féminine avec la prostitution.
Damn ! En tout cas quand on cessera de considérer les femmes comme un danger, l’humanité aura fait un grand pas.

Je m’excuse pour ces quelques raccourcis et exagérations. Je suis peut-être trop le nez dedans pour prendre du recul.

Hier, j’ai mangé au « pancake house » ! Les pancakes sont arrivés avec un petit tas au centre. Et après avoir joué avec pendant deux bonnes heures, j’ai posé la question, c’était du beurre fouetté ! C’est la première fois que je vois ça. Et puis quelle idée étrange de mettre une demi-livre de beurre sur deux pauvres pancakes ! Heureusement pour mon futur cholestérol que je l’ai pas étalé sur mes pancakes ! En tout cas ça avait une texture fort intéressante, molle mais modulable mais légère. Étrange. À propos de bouffe, j’ai découvert deux nouveaux desserts ! Des nems de bananes ! En fait c’est des bananes qu’ils ont roulées dans du papier à nem et ÉVIDEMMENT frites ! Avec du sucre caramélisé dessus. Très sucré et gras, c’est certain, mais pas mauvais du tout ! Et aussi un espèce de soupe aux légumes façon fruits. Dans un bol, des fruits (que je connaissais pas, à part la banane, mais qui avaient tous plus ou moins la consistance de la patate, avec des couleurs différentes et des goûts légèrement différents) qui ont cuit dans du lait de coco et des grosses billes de tapioca. Alors ça ressemble à une soupe, c’est chaud, c’est bon !

Au Pancake House, j’ai vu un gros blanc. On les repère de loin les occidentaux, mais en plus un gros, dans le genre gros américain, mais jeune, on en voit pas souvent (enfin dans mon quartier). Alors je me suis posé une question. Est-ce qu’il existe des backpackers gros ? Des aventuriers, des baroudeurs, des chevelus obstinés, des rebelles aux t-shirts à l’envers ? J’en ai jamais vu. Je me demande si c’est compatible. Ça doit être beaucoup moins facile, ça c’est sûr. En tout cas, je suis sûre qu’il existe des femmes, des grosses baroudeuses, j’en ai déjà croisées. Mais bon les femmes font toujours un peu plus preuve de courage que les hommes. Peut-être parce qu’on nous a traités comme des beaux (ou pas) objets sans cervelles pendant deux ou trois millénaires.
Enfin, j’arrête mes litanies, tout ça m’échauffe le cerveau !
Je vais aller me prendre une glace à 18pesos en face.

Ah les prix ! Ça me rends éminemment perplexe en tout temps ! La valeur des choses est tellement différente de ce que je connais ! Une boisson quelconque dans un restaurant vaut quasiment le même prix qu’un repas ! Ou au moins qu’un dessert. La bière est quasiment tout le temps deux fois moins chère qu’un mango shake ! (mangue et glaçons dans un mélangeur…) Et les quantités ! Il est souvent plus intéressant de prendre un dessert au niveau quantité-prix qu’un plat normal ! C’est fou. Les glaces, qu’on trouve absolument partout, sont excessivement peu chères, alors que le jus frais est introuvable, à part le buko juice. Une glace vaut le même prix qu’une bouteille d’eau, toutes grandeurs proportionnelles.

En tout cas pour 45pesos sur le campus j’ai un combo avec un hamburger (du pain, un « steak » tout fin avec plus de farine que de viande et du ketchup), des nouilles instantanées (deux choix possibles !!) et un iced tea même pas fait maison ! (ils font souvent du iced tea à la mangue maison) Hummmmmmmmmmm délicieux.

Bon sur cette note gastronomique, je vous dit à bientôt.

Sandra Vilder ( blog : http://facondeetbagou.wordpress.com/ )

Lien pour marque-pages : Permaliens.

Les commentaires sont fermés