Nationalisme et indépendance

Par François Beauchamp

La colonisation de l’Indonésie par la Hollande s’est faite progressivement. À la fin du XVIe siècle, les Hollandais[Auteur in1] envoient des flottes de bateaux en Asie du Sud-Est pour les épices. Au fil du temps, ils[Auteur in2] se sont installés de façon permanente. Ensuite, pendant près de deux cents ans, ils vont étendre leur territoire, faisant la guerre avec les puissances coloniales, particulièrement le Portugal et la Grande-Bretagne[Auteur in3] , pour le contrôle du territoire.[1]

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Les premières idées de regroupements autour d’une identité dans l’histoire moderne indonésienne remontent à 1908, lorsqu’une partie des élites javanaises de scolarité hollandaise crée le Budi Utomo, avec le désir d’une définition plus moderne de l’identité javanaise. La portée en resta cependant limitée en raison de son confinement à l’île de Java jusqu’en 1935 (moment où il fut absorbé par le PARINDRA).[Auteur in4] [2]

En 1922, Ki Hadjar Dewantara, fonde le système scolaire Taman Siswa, basé sur l’enseignement occidental, avec la recherche d’une identité séculaire. De l’île de Java, ce système scolaire[Auteur in5] s’étendit vers les autres îles et cultures environnantes en 1930. Ce fut un pas important vers l’identité unifiée nécessaire au nationalisme.

Des organisations apparurent autour de l’identité religieuse, à Sumatra-Ouest notamment. La plus importante est le Muhammadiah. Graduellement, elle servit de base à plusieurs organisations et à un système d’écoles. D’autres incluent Nahdatul Ulama (Java-Est), Perti (Sumatra-Ouest) Al Jamiatul Wasmiyah (Nord-Sumatra). [3][Auteur in6]

Le Sarekat Islam (SI), fondé 1912, est une initiative populaire, avec un fort sens anti-Chinois. Le terme Musulman était à l’époque utilisé pour désigner ce qui est non Européen et non Chinois (donc Indonésien).[4] Cette organisation[Auteur in7] s’occupait d’entraide entre Musulmans, et elle connut une expansion rapide, s’attirant le concours de certaines élites priyayi[5]. Mais en 1918-1920, suite à des soulèvements dans les régions rurales, plusieurs épisodes violents mènent à des arrestations, freinant l’adhésion.[Auteur in8] Néanmoins, c’est un pas vers la définition d’une identité propre.

À l’intérieur du SI se forme une faction gauchiste. Influencée par le marxisme, cette faction se nomme Semarang. Le SI se doit alors de faire des concessions à cette faction : préserver l’unité des Musulmans opprimés. En 1917, il déclare le capitalisme l’ennemi numéro un. Mais les dissensions entre la gauche et le reste a raison de cette alliance, et en 1920 le Partai Komunis di Hindia, qui deviendra Partai Komunis Indonesia (PKI) en 1924. Le PKI mobilisa une importante masse populaire dans l’île de Java, mais en 1926-27,  une révolte est mâtée  et freine son expansion.

Les étudiants aussi étaient actifs, prenant conscience d’un changement de la société et désirant jouer un rôle dans cette transformation.[Auteur in9] À partir de 1917, les associations étudiantes utilisaient  le terme Indonésie pour désigner leur territoire. La première de ces associations à l’utiliser était basée en Hollande, le Perhimpunan Indonesia, et rassemblait les étudiants indonésiens  en métropole. Cette association avait à sa tête Mohammad Hatta, et contribuait à construire le germe nationaliste. Graduellement, ce terme fut adopté par plusieurs autres associations politiques, comme le PKI. Cela contribuait à renforcer l’idée d’appartenir à un tout qui subjuguait les autres termes.

À cette époque entre en scène un de ces étudiants, Sukarno, qui fonde le Parti Nationaliste Indonésien (PNI) en 1927. Il souhaitait l’union pour la libération , invitant les Musulmans, les Marxistes et tout ceux qui le voulaient (étudiants, organisations scolaires, etc.)[Auteur in10] à rejoindre une fédération de partis nationalistes, le PPPKI, privilégiant le consensus; cette fédération fut dissoute lors de son emprisonnement. Après son épisode à la prison, il rejoint les rangs du PARTINDO, le successeur du PNI.

La réponse hollandaise à ces élans nationalistes fut la répression et le durcissement. Ceci fit monter dans l’imaginaire collectif la notion d’unité indonésienne face à l’oppression. Par la suite le PARINDRA et le GERINDO furent formés, à partir du milieu des années 1930, comme véhicule politique en collaboration avec le régime colonial. Ces partis firent des demandes modestes, comme l’utilisation graduelle du terme  »indonésien » et un parlement indonésien à part entière. Ces demandes furent refusées.

En 1942, les Japonais prennent le contrôle de l’archipel, sans trop de difficulté, prenant les Hollandais par surprise, et ne générant que peu d’opposition indigène; les Japonais représentent le changement. Il semble que les Japonais étaient vus comme les libérateurs de l’Asie, capables de chasser les impérialistes occidentaux. Ils avaient pour intérêt les ressources naturelles de l’Indonésie, c’est pourquoi ils tirent profits d’une élite capable d’administrer le territoire. La propagande japonaise affirmait  »l’Asie aux Asiatiques » : à partir de 1939, Radio Tokyo diffusait des programmes radiophoniques vers les pays du l’Asie, mais à compter de septembre 1941, le ton de ces diffusions se faisaient de plus en plus anti-Hollandais.[6][Auteur in11] Endoctrinés partiellement par la propagande japonaise, les politiciens indonésiens doivent parcourir le pays, pour aider à l’organisation, à la mobilisation et à l’effort de guerre. Ils doivent aussi s’unir dans un tout politique malgré leurs divergences. En 1944 les Japonais promirent à ces politiciens l’indépendance de l’Indonésie dans un avenir rapproché. Cependant, la défaite japonaise de 1945 vint contrecarrer ces plans. [7][Auteur in12]

Néanmoins, le 17 août 1945, à la faveur de la défaite japonaise, et sous la pression des nationalistes plus jeunes réclamant un changement rapide, les deux leaders Sukarno et Hatta proclamèrent l’indépendance de l’Indonésie. Sukarno devint président et Hatta vice-président.

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 »Nous, le peuple indonésien, déclarons par la présente l’indépendance de l’Indonésie.

Les questions concernant le transfert du pouvoir, etc., seront traitées de manière consciencieuse[Auteur in13] et aussi vite que                 possible.

Jakarta, 17e jour du 8e mois, année 05

Au nom de la nation de l’Indonésie.

Soekarno – Hatta »[i]


[1] Voir De Konninck, Rudolphe, L’Asie du Sud-Est, pp. 69-70

[2] REID, Anthony, To Nation by Revolution, p,19

[3] Idem, p14

[4] Idem, p.15

[5] Aristocratie javanaise

[6] TOUWEN-BOUWSMA, Elly, The Indonesian Nationalists, and the Japanese  »Liberation » of Indonesia, pp.5-6

[7] REID,  op.cit. p.26


[i] ANDERSON, Benedict R. O’G., Nationalism Today and in the Future, Indonesia ,Published by Southeast Asia Program Publications at Cornell University, No. 67 (Apr., 1999), pp. 1-11

DE KONNINK, Rudolphe, L’Asie du Sud-Est, Éd. Armand Colin, Paris, 2009

REID, Anthony, To Nation by Revolution, Indonesia in the 20th Century, Nus Press, Singapore, 2011

TOUWEN-BOUWSMA, Elly, The Indonesian Nationalists, and the Japanese  »Liberation » of Indonesia : Visions and Reactions, Journal of Southeast Asian Studies, Vol. 27, No.1, 1996, pp1-18

 

 

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