Un pays en rattrapage

Par Félix Pepin

Qui n’a jamais vu ces vidéos montrant certaines intersections complètement congestionnées par des centaines de motocyclistes se déplaçant dans toutes les directions à la fois? Ces images impressionnantes illustrent bien l’état des infrastructures vietnamiennes à bien des niveaux. En effet, dans bien des régions du pays, désuétude et offre insuffisante sont deux qualificatifs décrivant très bien l’état des infrastructures vietnamiennes. À ce titre, certaines hypothèses peuvent expliquer ce phénomène, mais je me concentrerai ici sur l’influence d’une période bien précise (1950-1985) au Vietnam. Par la suite, je tenterai de mettre en évidence les grandes avancées qui y ont été faites depuis son ouverture au marché mondial (Doi Moi) en 1986.

Tout d’abord, l’époque de « fermeture » du pays lors de la prise de pouvoir communiste fut particulièrement difficile pour le développement urbain au Vietnam. En effet, la guerre qu’a menée celui-ci au Cambodge en 1978 a grandement mobilisé les diverses ressources nationales dans cette unique direction. De surcroît, Ho Chi Minh ville (autrefois appelée Saigon) a vu sa population passer de 5 à 3,5 millions d’habitants entre les années 1960 et 1980[i]. En manque flagrant d’infrastructures et de logements, le gouvernement de l’époque encouragea la population à retourner en campagne, phénomène rarement observable dans les pays recherchant le développement. Les travaux d’infrastructures ont été réduits au minimum et bien souvent repoussés jusque dans les années 1990[ii]. Notons aussi que, préalablement, la guerre du Vietnam fut particulièrement difficile pour les infrastructures du pays. En fait, le retard accumulé pendant cette période permet à certains observateurs d’affirmer que le Vietnam compte aujourd’hui sur un des pires réseaux routiers de l’Asie du Sud-Est[iii]. Cette époque d’isolation a aussi légué, principalement dans les plus grandes villes, les KTT (Khu Tap Thê). Ces grandes barres horizontales de béton furent construites à cette époque pour loger le plus de population possible en minimisant les coûts[iv]. En somme, ce ne fut évidemment pas une période très glorieuse du Vietnam au niveau du développement urbain.

Par la suite, en 1986, la gouvernance ouvrit graduellement les frontières nationales (Doi Moi). Cela permit au gouvernement vietnamien d’assouplir plusieurs des mesures de contrôle des investissements étrangers en vigueur jusqu’alors[v]. Avec l’aide d’un capital monétaire étranger, le gouvernement fut à même de faire financer le développement de certaines régions urbaines, notamment Ho Chi Minh Ville. Depuis ce temps, le développement urbain représente une part importante des activités économiques au Vietnam. Les gouvernements municipaux participèrent, entre autres, à augmenter l’offre en logements, en équipements de loisirs et ils travaillèrent aussi à l’amélioration des réseaux de transports. Malheureusement, ces infrastructures sont toujours nettement insuffisantes et les phénomènes de migration intra-urbaine compliquent un peu les choses[vi]. En effet, on remarque un certain déplacement de la population des centres urbains vers les banlieues des plus grandes villes vietnamiennes, et ce, malgré le fait que celles-ci soient souvent encore moins bien desservies en infrastructures que la ville centre[vii]. Malgré tout, le gouvernement ne semble pas avoir l’intention de ralentir l’expansion urbaine de ses grandes métropoles, comme le démontre très clairement la dernière vague de développement de banlieues ultramodernes (ces dernières étant quant à elles bien équipées en infrastructures) en périphérie d’Hanoi, par exemple.

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Crédit photo: http://vnre.blogspot.com/2009/08/splendora.html

De nouveaux centres urbains seront effectivement créés à l’ouest, au nord et au sud de la métropole et « soulageront » la ville centre de certaines de ses fonctions. À l’ouest, Hòa Lac accueillera certaines activités d’éducation, de tourisme et de hautes technologies. Le pôle Nord (Soc Son) concentrera les fonctions de réception et de distribution de marchandises ainsi qu’un important aéroport, tandis que la banlieue sud (Phu Xuyên) représentera une force industrielle[viii]. Un développement aussi précis des banlieues avec une planification de superficies de développement et une concentration de certaines fonctions est rendu possible par le fait que, tout comme à Singapour, l’État est propriétaire du sol[ix]. Cela lui permet de contrôler étroitement les acteurs privés désirant s’impliquer dans le développement urbain. Une telle situation est bien évidemment idéale pour les gestionnaires publics chargés de planifier le développement d’un territoire plutôt dynamique, comme le démontre son taux de croissance économique de 5 % (selon la Banque Mondiale) en pleine crise économique[x].

En conclusion, je crois qu’il est possible d’affirmer que le Vietnam est résolument tourné vers l’avenir. Ce pays semble définitivement prendre les moyens pour rattraper le retard accumulé depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale au niveau du développement urbain. L’ouverture de ses frontières au marché mondial lui a permis d’accéder aux capitaux financiers de la planète entière. De plus, le Vietnam jouissant de taux de croissance économique très intéressants depuis plus d’une décennie, il offre d’excellentes opportunités d’investissements. Les acteurs privés, sous l’étroite supervision de l’État, permettront sans aucun doute aux Vietnamiens de jouir d’une amélioration notable de leur qualité de vie dans les prochaines années.


[i] Rimmer et Dick, p.308

[ii] Ibid, p.216

[iii] Ibid, p.67

[iv] Castiglioni, p.53

[v] Rimmer et Dick, p.290

[vi] Castiglioni, p.74

[vii] Ibid

[viii] Phuong Mai, en ligne.

[ix] Rimmer et Dick, p.318

[x] Hoàng Phuong, en ligne.

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

CASTIGLIONI, Franck et al. (2006). La ville vietnamienne en transition. France : Karthala

Hoàng Phuong (2009). Le Vietnam résiste bien à la crise économique, selon la Banque mondiale. Le courrier du Vietnam, En ligne : http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?xt=&ct=&page=newsdetail&newsid=55766 (page consultée le 19 novembre 2009)

Phuong Mai (2009). Relier la capitale Hanoi aux cités urbaines satellites. Le courrier du Vietnam, En ligne : http://lecourrier.vnagency.com.vn/default.asp?xt=XT33&ct=CT50&page=newsdetail&newsid=57577 (page consultée le 19 novembre 2009)

RIMMER, Peter J. et Howard Dick (2003). Cities, Transport and Communications : The integration of Southeast Asia since 1850. New York: Palgrave Macmillan.

Photo 1 : Kiva.Dang. Splendora Landmark. En ligne : http://vnre.blogspot.com/2009/08/splendora.html (page consulté le 20 novembre 2009)

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