Le nationalisme au temps de la Globalisation. Le cas du Vietnam

Par Emmanuel Leroux-Nega

Le monde se globalise de plus en plus rapidement. Or, la globalisation ne se contente pas d’agir sur l’économie. Elle impacte fortement plusieurs pans sociaux, dont le nationalisme et l’identité nationale. Malgré quelques années de retard, l’Asie du Sud-est emboîte le pas. Les pays de la région, au cœur d’une des zones de passages commerciales les plus anciennes et utilisés, s’ouvrent davantage chaque jour sur le monde. Le Vietnam, acteur historique majeur de la région, entre aussi dans la danse mondiale, mais à son rythme. Dû à sa nature communiste et aux apprentissages du passé, le Vietnam opère aujourd’hui prudemment son virage global

L’Asie du Sud-est se démarque de par le fait qu’elle est à la jonction de plusieurs puissants pôles de globalisation. Elle est, en effet, au cœur des zones d’influences de la Chine, du Japon et des États-Unis. De plus, malgré les tentatives de régionalisation de l’ASEAN, chacun des pays à adopter sa propre façon de gérer les différents impacts de la globalisation. La globalisation se défini comme la « libre circulation des informations, biens, services, capitaux, technologies, valeurs et cultures à un niveau global (…) » .[1] Or, les effets et défis de cette dernière ne s’arrêtent pas au champ économique. Elle entraîne avec elle un ensemble de valeurs et idées de l’extérieur qui viennent déstabiliser les cultures intérieures. Des notions telles les droits humains et la libéralisation sexuelle, par exemple, ne sont pas reçues pareillement en Thaïlande ou en Birmanie.

En tant que pays communiste et autoritaire, le Vietnam vit la globalisation d’une manière bien spécifique. À la fin de la guerre du Vietnam, le régime d’Hô Chi Minh rejetait catégoriquement le capitalisme qu’il voyait comme une continuité de l’impérialisme occidental. Dans les années 90, on a vu le pays s’ouvrir réellement à l’économie mondiale [2], mais le passage de la fermeture à l’interdépendance ne s’est pas fait sans problèmes : la crise financière de 1997 a fortement ébranlé le pays.

Cependant, les dirigeants vietnamiens semblent avoir tiré leurs leçons d’une ouverture économique trop rapide et sauvage. Ainsi, refusant de faire les mêmes erreurs qui ont mené à la crise, l’État communiste ouvre ses frontières économiques graduellement et dérèglemente de façon progressiste. Il attire ainsi les critiques des adeptes du Consensus de Washington qui les accusent d’une trop grande lenteur [3]. Pourtant, le Vietnam a démontré une progression constante vers l’intégration atteignant en 2005 son plus grand taux de croissance économique depuis la crise [4].

La globalisation entraîne un ensemble d’impacts sur le nationalisme et l’identité nationale à travers le monde. Ce sont particulièrement les pays structurellement moins développés qui en subissent davantage les effets. Praset Chittiwatanapong note dans son article trois principaux impacts de la globalisation sur les nationalismes du Sud-est asiatique [5].

  1. Les nationalismes économiques qui s’étaient souvent développés en opposition et en résistance à des puissances extérieures dites impérialistes (Japon et États-Unis principalement) s’effacent de plus en plus devant la globalisation des économies.
  2. Les différentes minorités, exposées de par la globalisation de l’information à la diversité mondiale, démontrent une résistance grandissante à se soumettre au concept d’identité nationale que tente de leur imposer leur État.
  3. Le rôle et l’influence des États sur l’économie nationale et régionale s’affaiblissent continuellement face à celui des multinationales et des grandes corporations.

La montée de l’économie de marché fait en sorte que le gouvernement vietnamien s’implique davantage dans le développement des régions rurales. Il établit des politiques régionales qui, peu importe si elles ont pour objectif la sauvegarde ou l’exploitation des ressources, viennent confrontés les façons de faire traditionnelles des habitants de la région.

Plus particulièrement au Vietnam, l’ascension de la globalisation à pour effet de créer de nouvelles communautés  indigènes autoproclamées en conflit avec l’identité nationale [6]. Ceux-ci se posent alors, selon une logique socioterritoriale, en opposition à l’État et à la communauté majoritaire. Ils se voient comme une communauté indigène à part. Or, la globalisation accentue se phénomène. En effet, dans leurs réclamations socioterritoriales, les communautés ne se retrouvent plus seulement face à la majorité du pays, mais face à une société globale.

Tout en subissant ses contrecoups, le nationalisme peut être une réponse à la globalisation. Pour lui faire face, plusieurs pays du Sud-est asiatique ont opté pour l’utilisation de nationalismes économiques et culturels. À travers l’implantation d’un ensemble de mesures telles, le renforcement de symboles nationaux identitaires comme la religion ou les danses traditionnelles, l’État veut rehausser le sentiment d’identité nationale [7]. Il espère ainsi amener la population à défendre la culture nationale et consommée locale.

Références

[1] Chittiwatanapong, Prasert. 1996. Challenge of and response to globalization : The case of southeast Asia. IUJ Research Institute Working Paper No. 2. En ligne. Page consultée 18 juin 2008.

[2] Ryan, Jordan. 2005. Vietnam goes global. YaleGlobal Online. En ligne. Page consultée le 18 juin 2008.

[3] Pesek, William Jr. 2002. Vietnam embraces globalization on own terms. Global policy forum.  En ligne. Page consultée le 19 juin 2008.

[4] Luong, Hy V. 2006. Economic Momentum and Stronger State-Society Dialogue. Vietnam in 2005. p. 148-154.

[5] Chittiwatanapong, Prasert. 1996. Challenge of and response to globalization : The case of southeast Asia. IUJ Research Institute Working Paper No. 2. http://www.iuj.ac.jp/research/archive/wpaper/wpap002.html. Page consultée 18 juin 2008.

[6] Spencer, James H. 2007. The Political Economy of Market Reform and the Formation of Socio-Spatial Identities in the Mekong Delta of Vietnam. Alternatives 32, 99-127.

[7] Chittiwatanapong, Prasert. 1996. Challenge of and response to globalization : The case of southeast Asia. IUJ Research Institute Working Paper No. 2. http://www.iuj.ac.jp/research/archive/wpaper/wpap002.html. Page consultée 18 juin 2008.

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