Le nationalisme au Cambodge

Par Julien Guay

Le nationalisme est souvent associé aux traits ethniques d’un peuple et au territoire contrôlé par un État. Il peut aussi se référer à un nationalisme dispersé, soit la diaspora. Le cas du nationalisme cambodgien s’ancre à la fois dans les deux plans et tire aussi ses racines de la mémoire collective autour de l’héritage khmer. Cette identité propre à la région serait originellement apparue, selon des recherches archéologiques, dans la forme d’une société archaïque aussi loin qu’en 4200 avant notre ère.

La géographie et les relations avec les puissances voisines jouent un rôle central dans l’identité khmère. Le défunt empire khmer de la région d’Angkor se situe sur le territoire actuel du Cambodge, comme il est possible de le remarquer à l’aide de la carte ci-dessous.

L’identité khmère se définit comme ayant occupé le territoire du Cambode depuis toujours . La position du Cambodge entre la Thaïlande et le Viêtnam a fait en sorte que le Cambodge se trouvait entouré de deux empires traditionnellement expansionnistes. Le Viêtnam fut le plus menaçant pendant longtemps.

Ceux-ci ont envahi le Cambodge vers 1800 dans l’optique de prendre contrôle du territoire et d’assimiler ses habitants. La région du Delta du Mékong, toujours considéré comme faisant partie du territoire cambodgien, a glissé aux mains de ses voisins vietnamiens. L’histoire se répéta d’ailleurs en 1978 lorsque le Cambodge se fait envahir par son voisin oriental.

Ainsi, malgré son passé glorieux et la fierté qu’il porte à son identité khmère, le Cambodge conserve le spectre de la menace expansionniste vietnamienne. C’est entre autres une des raisons pour lesquelles l’instauration d’un protectorat français s’est faite de manière relativement posée. La venue de la France dans la région donnait aux Khmers la sensation d’avoir une présence extérieure qui empêcherait le Viêtnam de poursuivre son passé expansionniste.

Les périodes de changements auxquelles le Cambodge a dû être confronté, notamment de sa déclaration d’indépendance en 1954, l’invasion vietnamienne et la période sombre du règne des Khmers rouges de Pol Pot ont renforcé la fierté de l’identité Khmère. Longtemps et faussement associée au parti politique de Pol Pot, l’identité khmère a pu se défaire de ces liens erronés. L’évocation des racines angkoriennes de l’identité nationale du Cambodge faisait souvent place dans les discours politiques sous le règne.

La présence de ces mentions dans les discours politiques semble s’être réinstaurée suite au retour du Shihanouk à titre de tête dirigeante de la monarchie cambodgienne. De tels discours contribuent à rappeler au peuple cambodgien ses origines et les motifs pour lesquels ils doivent se battre. Une croissance de ces discours permettrait au peuple du Cambodge de s’affirmer comme une nation avec un passé riche et glorieux. À savoir si les différents candidats aux prochaines élections sauront jouer la carte nationaliste de cette façon.

Références

Yumsut, Ronnie. 2003. Cambodia : nationalism, patriotism, racism, and fanaticism. En ligne.  (page consultée le 2 juin 2008).

Milton Takei, « Collective memory as the key to national and ethnic identity: The case of Cambodia », Nationalism and Ethnic Politics 4:3 (1998), 62.

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