La souveraineté alimentaire autochtone comme outil de décolonisation

par Chelsea Major et Dre Sheri Longboat Traduction : Carole Michaud

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En mille quatorze cent quatre-vingt-douze
Colomb navigua sur l’océan bleu,
Il fallait beaucoup de courage…[1]
(Institut Latin American & Iberian, Université du Nouveau-Mexique, non daté)

Ce poème raconte l’histoire d’un voyage héroïque qui mena à la découverte d’une terre riche en ressources et en possibilités. Ce poème, récité en classe par de jeunes enfants, est une excellente façon de se remémorer un fait marquant de notre histoire : le début de l’ère des grandes découvertes. Toutefois, il existe un côté beaucoup plus sombre à cette glorieuse épopée, un côté truffé d’épidémies, de famines et de génocides culturels.

Au moment de sa « découverte », cette nouvelle terre comptait déjà près de 90 millions d’autochtones (Dobyns, 1966). Malheureusement, l’histoire tragique du déclin dramatique de cette population est trop souvent éclipsée au profit des récits qui célèbrent de grandes découvertes, le peuplement et le développement de nouvelles contrées. Notamment au Canada, bon nombre de citoyennes et de citoyens connaissent peu le caractère colonialiste de leur pays dont le fondement économique a vraisemblablement été sustenté par les peuples autochtones grâce aux terres et aux ressources qui leur ont été trompeusement enlevées.

Le Canada a longtemps nié son passé colonial honteux. Ce n’est que récemment que le gouvernement canadien l’a reconnu et a présenté des excuses avec la promesse de mettre au jour la vérité et de favoriser la réconciliation (Joseph, 2018). Or, le contrôle colonial des habitudes alimentaires des Autochtones semble être un élément déterminant dans les tentatives actuelles du Canada pour définir une politique alimentaire nationale (Kepkiewicz & Rotz, 2018), et aussi dans son nouveau Guide alimentaire récemment publié, où les habitudes alimentaires en dehors des recommandations de ce guide ne sont pas encouragées. Dans la foulée de ces politiques, le présent article vise à analyser la possibilité de concevoir la souveraineté alimentaire en tant que mouvement décolonisateur pour les communautés autochtones. Nous analyserons d’abord de façon critique les conséquences historiques de la politique coloniale sur les peuples autochtones et leurs systèmes alimentaires traditionnels relativement à l’utilisation de la nourriture comme outil d’assimilation selon la logique d’élimination du colonialisme de peuplement (Wolfe 2012). Nous examinerons ensuite la compatibilité de la souveraineté alimentaire comme outil de décolonisation.

Comme il s’agit d’un article universitaire, les auteures reconnaissent que les points de vue ne sont que des interprétations partielles de connaissances solidement ancrées dans une vision colonisatrice du monde (Rose, 1997). Soulignons également que la portée de cet article est plutôt pan-autochtone, donc, il n’analyse pas en profondeur les répercussions coloniales sur les communautés autochtones, ni ne cherche à les attribuer à l’ensemble de celles-ci. Il explore plutôt les tendances générales de l’utilisation de l’alimentation sous le colonialisme comme outil d’assimilation, et de la souveraineté alimentaire autochtone en tant que mouvement. Nous explorerons d’abord les conséquences du colonialisme sur les systèmes alimentaires autochtones à la fin du 19e siècle en analysant la militarisation de l’alimentation en tant qu’outil d’assimilation. Mais voyons d’abord la définition de certains termes.

Terminologie

Les principaux termes utilisés dans ce document, notamment colonialisme, alimentation traditionnelle et système alimentaire traditionnel, doivent être définis. Aux fins du présent article, le colonialisme réfère aux « politiques et pratiques d’oppression et d’assimilation » (Nutton & Fast, 2015, p. 839). Également, on entend par alimentation autochtone ou alimentation traditionnelle « des aliments qui ont été essentiellement cultivés et dont on a pris soin, des aliments récoltés, préparés, préservés, partagés ou échangés dans les limites des territoires traditionnels respectifs, selon les valeurs d’interdépendance, de respect, de réciprocité et de responsabilité » (Morrison, 2011, p. 99). De plus, un système alimentaire traditionnel comprend « tous les aliments d’une culture spécifique issus de ressources naturelles locales et culturellement acceptés. Cela inclut les acceptions socioculturelles, les méthodes d’acquisition et de traitement, l’utilisation, la composition et les conséquences nutritionnelles pour les personnes qui consomment ces aliments » (Kuhnlein, Receveur, & Chan, 2001, p. 113). Les auteurs reconnaissent que ces termes peuvent avoir d’autres définitions, mais ce sont les définitions présentées précédemment qui prévalent dans le contexte de cet article.

L’héritage colonial – Logique d’élimination et d’alimentation du colonialisme de peuplement

Le colonialisme est intrinsèquement ancré dans ce que Wolfe (2012) décrit comme la logique d’élimination du colonialisme de peuplement. Dans cette théorie, l’accès au territoire est l’élément central immuable du colonialisme de peuplement et il ne peut se réaliser que dans la dissolution des sociétés autochtones pour prendre le contrôle des terres (Wolfe, 2012). Alors que le terme élimination exprime une notion de violence, dans un esprit d’assimilation, il peut être perçu comme la réduction des communautés autochtones à l’échelle individuelle où la communauté se désagrège et où ses membres sont délaissés et récupérés ensuite par une société de colonisation dans le but de favoriser la prise de possession de leurs terres (Wolfe, 2012). Ainsi, l’élimination peut aboutir à l’affaissement de la cohésion sociale et du communautarisme qui sont au cœur du mode de vie autochtone. De plus, selon Daschuk, « les attitudes colonialistes ont donné naissance à une prophétie autoréalisatrice basée sur le sentiment généralisé que l’action du gouvernement était justifiée parce que les Premières Nations étaient en voie de disparition » (2014, x). Historiquement, l’alimentation a pu être utilisée comme un outil capable de susciter une impression de faiblesse et d’aptitude à l’assimilation. Comme l’affirme Bashi, l’alimentation représente un moyen efficace et économique de consolider le contrôle politique (2011). Ces fonctions de l’alimentation deviennent évidentes au moment d’explorer l’utilisation historique de l’alimentation en tant qu’arme pour assimiler les populations autochtones dans ce qu’on appelle aujourd’hui le Canada. Cette section portera donc sur l’utilisation de l’alimentation en tant qu’outil d’assimilation dans le cadre théorique de la logique d’élimination du colonialisme de peuplement. Il est essentiel d’explorer les transformations et défis imposés aux populations autochtones par les colonisateurs pour comprendre l’extinction de tous les éléments culturels des modes de vie autochtones et comment cela a façonné la relation des peuples autochtones avec l’alimentation.

L’alimentation et la dépossession des terres

Durant la période initiale de contact, les Autochtones se sont graduellement intégrés au système mercantiliste et aux systèmes capitalistes ultérieurs introduits par les colonisateurs européens (Leblanc & Burnett, 2017). Malgré l’essor considérable de différents systèmes économiques, ce sont les fondements philosophiques opposés à ces systèmes qui ont eu le plus d’influence. Les modes de production européens favorisèrent l’accumulation de richesses et une mentalité individualiste différente des ontologies autochtones, lesquelles reconnaissaient le collectivisme et la réciprocité (Leblanc & Burnett, 2017). Par conséquent, le respect de la terre et la connexion traditionnelle avec celle-ci ont été modifiés. En tant que telle, cette perturbation des ontologies traditionnelles frappa au cœur de la culture autochtone et déclencha un bouleversement dans les systèmes alimentaires autochtones, des siècles durant. Dans les communautés autochtones et le milieu environnant, les ressources commencèrent à s’épuiser. La chasse excessive du bison et du castor ainsi que la baisse du prix des fourrures vers la fin du 19siècle contribuèrent à mettre fin à un système de commerce de fourrures vieux de deux cents ans (Daschuk, 2014; Harris, 2008).

Ainsi, de nombreux peuples autochtones perdirent le contrôle de leurs modes d’alimentation; les troupeaux de bisons qui constituaient l’une de leurs principales sources de protéines furent exterminés dans les régions. Une famine généralisée frappa parmi les nations autochtones aux prises avec de soudains changements dans leurs moyens de subsistance et la perte de ressources alimentaires, d’où une grande vulnérabilité que le gouvernement s’empressa d’exploiter. Dans son livre La destruction des Indiens des Plaines – Maladies, famines organisées, disparition du mode de vie autochtone, Daschuk (2014) décrit comment au plus fort de cette famine nationale, les rations alimentaires étaient restreintes dans l’intention de forcer les populations autochtones à se soumettre au traité. Malcolm D. Cameron, ministre libéral à la fin des années 1800, accusa le ministère des Affaires indiennes d’être motivé par ce que Daschuk appelle « une politique de soumission définie par une politique de famine » (Daschuk, 2014, p.114). L’armée américaine adopta également des politiques semblables parmi ses rangs et encouragea le massacre des populations de bisons afin d’appauvrir les sources alimentaires des Autochtones et les pousser à vivre dans des réserves pour subsister (Smits, 1994). Dans ces deux cas, l’alimentation et le démantèlement des systèmes alimentaires traditionnels devinrent l’outil ultime pour exproprier les terres des Autochtones et permettre aux colonisateurs d’acquérir et de développer plus de territoires. De plus, Daschuk (2014) estime qu’il existe un lien entre la tuberculose et la malnutrition, lien qui aurait joué un rôle dans les milliers de victimes de la tuberculose chez les Indiens des Plaines.

L’analyse de l’utilisation de l’alimentation basée sur la logique d’élimination du colonialisme de peuplement est particulièrement sinistre. Pour Wolfe (2012), il est inapproprié de qualifier de génocidaire la logique d’élimination, car celle-ci n’est pas nécessairement axée sur l’élimination d’un peuple en raison de sa culture, mais plutôt sur l’élimination d’obstacles pour permettre l’acquisition des terres par les colonisateurs. Conséquemment, l’alimentation a été un outil extrêmement efficace pour l’expropriation des terres durant la famine, car les Autochtones contraints à signer les traités cessaient d’être des obstacles, alors que ceux qui refusèrent de se soumettre mouraient ou souffraient de malnutrition à un point tel que leur état de faiblesse contribua à justifier les mesures prises par le gouvernement pour les assimiler.

Avec le déclin du commerce des fourrures au 19e siècle, le développement agricole est devenu une importante politique du colonialisme de peuplement. Selon la doctrine de la découverte, les terres non utilisées conformément aux attentes européennes ou qui avaient été utilisées sous un régime migrateur à des fins de subsistance furent déclarées inhabitées ou terres sans maître (Terra nullius), qui pouvaient être légalement revendiquées (Matties, 2016; Rotz, 2017). Cette doctrine a permis le peuplement de toute terre qui n’était pas sous la domination chrétienne. Dans l’optique de la logique d’élimination du colonialisme de peuplement, cela invalida le mode de production autochtone pour ouvrir la voie à une agriculture prospère conforme à une utilisation eurocentriste reconnue. De plus, la reconnaissance du développement agricole fit naître le besoin de cultiver intensivement des terres fertiles situées en territoire autochtone dans le sud du Canada. Parallèlement, le désir du gouvernement pour un chemin de fer reliant la Côte ouest à Ottawa exigeait le confinement des peuples autochtones dans des réserves afin d’éliminer les obstacles et d’accorder aux colonisateurs le plein accès à ces territoires (Daschuk, 2014; Joseph, 2018). D’ailleurs, Joseph (2017) explique comment, en réaction au succès des fermiers autochtones de la Saskatchewan qui représentaient une menace concurrentielle pour les fermiers colonisateurs, un système de permis fut créé en vertu de la loi sur les Indiens dans le but de contrôler la capacité des populations autochtones de vendre leurs produits. À la suite de cette politique, les fermiers autochtones connurent moins de succès, d’où une perturbation majeure non seulement dans les systèmes alimentaires autochtones et l’accès à la nourriture, mais également dans la culture fondamentale de l’identité autochtone. Malgré les efforts des Autochtones pour s’adapter à ces nouveaux modes de production, leurs réussites furent constamment bloquées par des politiques de plus en plus restrictives qui engendrèrent encore plus de disparité entre les peuples autochtones et les colonisateurs, en plus de justifier les actions assimilatrices de ces derniers.

Coupés de leurs vastes terres essentielles à leur subsistance, les Autochtones furent réduits à un mode de vie sédentaire et forcés de dépendre du gouvernement pour obtenir des rations alimentaires (Daschuk, 2014). Fred Kelly, un aîné Anishinaabe, décrit de façon émouvante, dans un document évolutif de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CRV), la nouvelle réalité des Autochtones coupés de leurs vastes terres ancestrales :

Arracher les terres territoriales à un peuple dont l’esprit même est intrinsèquement connecté à la Terre mère était en réalité les déposséder de leur âme et de leur être; le but était de détruire les nations autochtones. Affaiblies par la maladie et séparées de leur alimentation et de leur médecine traditionnelles, les Premières Nations n’avaient aucun moyen de défense contre les empiètements du gouvernement sur leur vie (p. 20-21).

Avant l’arrivée des colons, la consommation des aliments était étroitement liée à ce que chaque saison pouvait offrir et les communautés étaient capables d’utiliser leurs connaissances profondes de la terre pour se déplacer selon les saisons et l’environnement pour se nourrir (Leblanc & Burnett, 2017). Pour bien comprendre la véritable importance des aliments traditionnels, Watt-Cloutier (2015) décrit ainsi la relation de sa communauté avec les aliments traditionnels : « Les animaux qui font partie de notre nourriture traditionnelle nous connectent à l’eau, à la terre, à la source de notre vie, à Dieu » (p.137). C’est pourquoi le confinement des Autochtones dans des systèmes de réserve où ils ne pouvaient accéder à leur nourriture traditionnelle engendra des risques pour leur santé et leur sécurité alimentaire, en plus de s’attaquer au fondement même de leur mode de vie.

Le système des pensionnats et la militarisation de l’alimentation

L’une des politiques coloniales les plus agressives ayant eu un effet dévastateur sur la culture autochtone a été l’imposition des pensionnats indiens par le Canada (Joseph, 2018; Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015). Subventionnés par le gouvernement fédéral et administrés par l’Église, les pensionnats ont opéré de 1883 à 1996, dans un but infâme justifié par John A. MacDonald en 1883, devant la Chambre des communes :

Lorsque l’école est sur la réserve, l’enfant vit avec ses parents, qui sont des sauvages, et bien qu’il puisse apprendre à lire et à écrire, ses habitudes et sa façon de penser demeurent indiennes. Il n’est qu’un sauvage qui peut lire et écrire. Il me semble clair, en tant que chef du Ministère, que les enfants indiens devraient être retirés, autant que possible, de l’influence parentale, et la seule façon de faire serait de les envoyer dans des écoles industrielles centrales de formation où ils pourraient acquérir les habitudes et façons de penser des hommes blancs.  (Tel que cité dans la CVR, 2015)

La logique d’élimination du colonialisme de peuplement est donc invoquée pour justifier l’assimilation et la séparation forcée des enfants de leur famille, de leur langue et de leur milieu culturel pour qu’ils acquièrent des habiletés jugées convenables par le gouvernement colonisateur dans le cadre d’une institution colonisatrice règlementée (CVR, 2015). Le gouvernement colonisateur a donc cherché à affaiblir la culture autochtone et à valider son remplacement par des concepts colonisateurs d’un mode de vie plus civilisé. Bien que cela ait provoqué des atrocités en matière de droits humains (Mosby, 2017; CVR, 2015), le présent article se concentre plutôt sur la malnutrition dans ces pensionnats en tant que caractéristique établie.

La nourriture, ou le manque de nourriture ont joué un rôle considérable dans le système des pensionnats. Selon les survivants, la faim était un état permanent (Mosby, 2017). Un apport calorique insuffisant, peu de légumes et de fruits frais, peu de protéines et de matières grasses constituaient le régime alimentaire des pensionnats (Mosby, 2017). Mosby (2017) a démontré que ces insuffisances dans le régime alimentaire et la malnutrition qui en découla contribuèrent au risque élevé d’obésité et de maladies chroniques chez les populations autochtones d’aujourd’hui. De plus, la malnutrition est reconnue comme l’un des principaux facteurs de risque de contracter la tuberculose, une maladie responsable d’un peu moins de la moitié des décès des élèves dans les pensionnats (Schwenk & Maccallan, 2000; CVR, 2015). Malgré cela,

Le gouvernement fédéral a délibérément choisi de ne pas verser suffisamment de fonds aux pensionnats pour veiller à ce que les cuisines et les salles à manger soient adéquatement équipées, à ce que les cuisiniers aient la formation adéquate et, plus important encore, que de la nourriture de bonne qualité soit achetée en bonne quantité pour répondre aux besoins d’enfants en pleine croissance (Rapport final de la CVR, Volume 1, p. 331).

Cette décision a laissé des milliers d’enfants autochtones vulnérables à la maladie. (TRC, 2015, p.92)

Les résultats de l’inaction du gouvernement quant à la malnutrition et au déclin de la santé et de la survie chez les élèves des pensionnats autochtones pourraient avoir contribué à ce que Kelm (1998) appelle la prophétie autoréalisatrice, laquelle visait à justifier la façon dont le gouvernement traitait les peuples autochtones en donnant l’impression que ces derniers étaient en voie d’extinction. Les taux élevés de diabète, d’obésité et de maladie comme la tuberculose chez les populations autochtones pourraient être interprétés, à tort, comme étant une prédisposition à la maladie en raison de la race, et non une conséquence de la politique coloniale pour valider l’assimilation soutenue par le gouvernement. De ce point de vue, l’alimentation dans sa forme nutritionnelle la plus inadéquate a contribué à la logique d’élimination du colonialisme de peuplement en affaiblissant lourdement la santé des Autochtones forcés de fréquenter les pensionnats dans le but de réfréner l’élan d’une possible résistance contre les systèmes d’assimilation colonisateurs.

En outre, la nourriture dans les pensionnats était directement utilisée comme une arme pour détacher les élèves de l’importance culturelle autochtone de leur nourriture traditionnelle. La plupart du temps, on servait du gruau au déjeuner, du pain sec et de la soupe au dîner et du pain sec avec des pommes de terre, du jambon et un petit pain au souper (Mosby, 2017). La qualité de ces aliments laissait souvent à désirer. En plus d’être inappropriés quant à un apport suffisant en nutriments, les aliments servis dans les pensionnats présentaient des inadéquations au point de vue d’une dimension culturelle, car ils n’avaient aucun rapport avec les aliments traditionnels auxquels les enfants étaient habitués. De plus, Watt-Cloutier (2015) affirme que pour les élèves loin de chez eux, le fait de ne pas pouvoir manger ces aliments traditionnels avait été des plus pénibles parce qu’ils étaient séparés d’un régime alimentaire qui les « nourrissaient non seulement physiquement, mais aussi spirituellement » (p.137).

C’est en comprenant dans quelle mesure les aliments traditionnels sont au centre du mode de vie autochtone que se révèle la véritable gravité de l’utilisation de l’alimentation dans les pensionnats comme arme d’assimilation. De ce fait, la malnutrition a engendré d’importants déclins en matière de santé dont plusieurs générations ont subi, et subissent toujours les conséquences, notamment une piètre santé physique, mais également une santé culturelle et un bien-être médiocres.

Les répercussions du système des pensionnats sur la relation des Autochtones avec l’alimentation n’ont pas été uniquement physiques et temporaires. En effet, après avoir vécu sous les politiques assimilatrices strictes en vigueur dans les pensionnats, les survivants de retour dans leur communauté ont dû faire face à l’incapacité de réajuster leur vie à celle de la réserve (CVR, 2015). Séparés de leur communauté durant l’enfance, ils n’avaient aucun contexte pour transmettre les connaissances intergénérationnelles liées aux activités fondamentales de subsistance comme la pêche, la chasse et la trappe (CVR, 2015). Cela a engendré d’importantes lacunes dans les connaissances traditionnelles, lacunes qui se sont répercutées sur les générations suivantes et qui ont étouffé la connexion des Autochtones à la terre, brisé la cohésion sociale et accentué leur dépendance aux systèmes alimentaires colonisateurs (Leblanc & Burnett, 2017). En examinant la logique d’élimination du colonialisme de peuplement, on peut observer dans quelle mesure les pensionnats ont contribué à rompre les liens culturels des Autochtones à la terre et à leurs systèmes d’alimentation traditionnels dans le but de justifier la revendication de leurs territoires par le gouvernement colonisateur.

En définitive, il semble que le lien entre le déclin de la souveraineté autochtone et l’utilisation coloniale de l’alimentation en tant qu’arme d’assimilation soit une tendance majeure. L’alimentation et la récupération des systèmes alimentaires autochtones par les peuples autochtones pourraient être une façon tangible de réparer cette injustice.

La souveraineté alimentaire

La souveraineté repose sur le droit des nations et des peuples de contrôler leurs systèmes alimentaires et de déterminer leurs propres besoins alimentaires. Lors du Sommet mondial de l’alimentation en 1996, le mouvement La Via Campesina a introduit la notion de souveraineté alimentaire dans la rhétorique de l’alimentation globale en tant qu’outil pour encadrer les demandes d’un important changement dans le système alimentaire et fournir un cadre de développement rural alternatif (Clapp, 2016). Née du désir des agriculteurs paysans de réduire leur dépendance à ce qu’ils perçoivent comme des marchés agricoles internationaux inéquitables, la souveraineté alimentaire est définie comme « le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée produite selon des méthodes écologiquement fiables et durables, et le droit des peuples de définir leurs propres systèmes agricole et alimentaire » (La Via Campesina). Selon une déclaration produite lors du Forum mondial de Nyéléni, la souveraineté alimentaire met l’accent sur la nourriture pour les gens, valorise les fournisseurs d’aliments, localise les systèmes alimentaires, appuie le contrôle sur le plan local, renforce les connaissances et les compétences et collabore avec la nature (Projet de politique alimentaire populaire, 2011, tel que cité dans Desmarais, 2015, p.157). De plus, au Canada, une dimension spirituelle a été ajoutée à l’alimentation (Desmarais & Wittman, 2014; Desmarais, 2015; PPAP 2011). La souveraineté alimentaire enrichit, approfondit et élargit les dimensions de l’alimentation en reconnaissant sa valeur culturelle, sociale, spirituelle, nutritionnelle et politique et en rejetant sa marchandisation (Leblanc & Burnett, 2017; PPAP, 2011). Bien que critiquée pour son manque de précision, la nature changeante de la souveraineté alimentaire « favorise un régime alimentaire local, flexible et inclusif qui place les producteurs, distributeurs et consommateurs d’aliments au cœur des décisions liées aux systèmes et aux politiques alimentaires » (Coxall, 2014, p. 514)

Souveraineté alimentaire autochtone

Pour comprendre les possibilités de la souveraineté alimentaire autochtone en tant que mouvement de décolonisation, il faut explorer les adéquations entre les éléments essentiels de la souveraineté alimentaire et les valeurs, les croyances et le contexte historique des peuples autochtones. Morrison (2011) note que dans l’ensemble, ceux-ci ont une vision du monde, des croyances et des valeurs similaires quant à leur relation avec la terre et les systèmes alimentaires. Cela inclut l’écophilosophie autochtone. Comme telle, la souveraineté alimentaire autochtone promeut les systèmes alimentaires en accord avec cette philosophie. Également, le contexte historique de la perte des pouvoirs autochtones sur les systèmes alimentaires traditionnels soutient l’adoption de la souveraineté alimentaire pour réparer l’injustice du passé.

L’écophilosophie autochtone est une éthique de la terre qui se révèle dans la connexion des Autochtones avec la terre et dans la reconnaissance du rôle de l’environnement dans le façonnement de leurs cultures et systèmes alimentaires (Morrison, 2011). La terre n’est pas quelque chose que les êtres humains peuvent manœuvrer ou gérer; c’est plutôt le comportement humain à l’égard de la terre qui peut être géré. Il peut s’agir d’une relation de respect et de réciprocité où la terre est intrinsèquement valorisée et où l’alimentation traditionnelle est l’expression de cette connexion intime et spirituelle (Mundel, 2008). Watt-Cloutier (2015) décrit comment l’alimentation opère comme une association spirituelle avec la terre, tandis que la préparation des aliments traditionnels lie son peuple à ses ancêtres, à leurs familles et à leurs communautés, telle une source de vie. Ainsi, la terre et les aliments sont sacrés et constituent un élément essentiel dans le mouvement de la souveraineté alimentaire canadien lequel rejette la marchandisation de l’alimentation (Morrison, 2011).

L’écophilosophie autochtone a également des points communs avec l’éthique de la terre d’Aldo Leopold (1949) où le bien-être des gens et la terre s’imbriquent et sont tout autant valorisés et respectés de façon à susciter le besoin de systèmes alimentaires viables et écologiques comme modes de survie permanente. La notion de viabilité pour assurer la capacité des générations futures de répondre à leurs propres besoins est conforme au principe autochtone des sept générations (Nutton & Fast, 2015) selon lequel les décisions doivent être prises en tenant compte des sept générations à venir. La croyance autochtone et l’écophilosophie entourant les systèmes alimentaires viables sont donc reconnues dans la souveraineté alimentaire.

Par ailleurs, les éléments de la souveraineté alimentaire politiquement mobilisateurs et qui exigent de profonds changements dans les systèmes alimentaires actuels afin de responsabiliser les gens, valoriser les fournisseurs d’aliments, localiser les systèmes alimentaires, instaurer le contrôle à l’échelon local, et renforcer les connaissances et les compétences (Projet de politique alimentaire populaire, 2011), sont très compatibles avec les peuples autochtones et la revendication de leurs systèmes alimentaires alors que la souveraineté alimentaire autochtone responsabilise directement les peuples autochtones en tant qu’exploitants agricoles et cherche à reconnecter les communautés aux systèmes alimentaires traditionnels locaux. Le contrôle est placé à l’échelon local en raison du refus de mettre au point une définition universelle de la souveraineté alimentaire autochtone en respect avec les caractéristiques culturelles uniques et les droits et pouvoirs souverains des divers peuples autochtones de définir eux-mêmes ce que signifie la souveraineté alimentaire autochtone pour leur propre nation (Morrison, 2011). Les peuples autochtones ne sont pas assujettis à une définition préétablie et rigoureuse de la souveraineté alimentaire, mais ils sont plutôt capables de la concevoir eux-mêmes et d’y insuffler leurs croyances et valeurs culturelles. De plus, Morrison (2011) décrit la souveraineté alimentaire autochtone comme un modèle d’apprentissage social qui reconnecte les peuples autochtones avec les connaissances et valeurs traditionnelles perdues à cause du traumatisme colonial. La souveraineté alimentaire autochtone, en tant que telle, favorise le rétablissement des systèmes alimentaires traditionnels ancrés dans l’apprentissage social et la transmission des connaissances traditionnelles.

Renouveau grâce à la souveraineté alimentaire autochtone 

Comparativement au reste du Canada, les peuples autochtones souffrent toujours d’insécurité alimentaire de façon disproportionnée sous un gouvernement colonisateur. En 2014, 33 % des ménages autochtones établis dans une réserve vivaient dans l’insécurité alimentaire – soit un taux trois fois plus élevé que la moyenne nationale (Desmarais & Wittman, 2014). Les perturbations dans les systèmes alimentaires autochtones traditionnels causées par le colonialisme sont responsables du déclin des connaissances et de l’utilisation des aliments traditionnels chez les jeunes Autochtones ainsi que de leur dépendance accrue à des denrées hors de prix offertes dans des communautés éloignées (Desmarais & Wittman, 2014). Bien que le colonialisme soit souvent interprété comme une chose du passé, la réalité est qu’il reste imprégné dans la vie des Autochtones. En analysant la logique d’élimination du colonialisme de peuplement (Wolfe 2012), selon laquelle l’accès au territoire est d’une importance capitale et qu’afin d’obtenir cet accès il est nécessaire de dissoudre les sociétés autochtones pour prendre le contrôle des terres, il est clair que le colonialisme persiste. Dans un passé récent, des communautés autochtones ont eu gain de cause en faisant valoir les droits ancestraux et les droits issus de traités existants concernant les terres et les droits autochtones (R. v. Sparrow, 1990; Tsilhqot’in Nation v. British Columbia, 2014). Cette tension non apaisée entre l’indigénéité et les modes de production du colonialisme de peuplement est le signe d’un échec dans le projet de colonisation et d’assimilation qui sert à promouvoir sa continuation, puisque la société coloniale veut finir ce qu’elle a commencé. La souveraineté se fonde sur des politiques développées dans le cadre des luttes incessantes contre la colonisation et l’exploitation (Grey & Patel, 2015).

Conclusion

Dans cet article, nous avons examiné les possibilités de la souveraineté alimentaire en tant que mouvement de décolonisation au sein des communautés autochtones. En nous appuyant sur la logique d’élimination du colonialisme de peuplement (Wolfe, 2012), nous avons d’abord analysé de façon critique les conséquences de la politique coloniale sur les peuples autochtones et leurs systèmes alimentaires traditionnels relativement à l’utilisation de la nourriture comme outil d’assimilation. Des tendances générales sont ressorties de l’utilisation de l’alimentation sous le régime colonial comme outil d’assimilation et de la souveraineté alimentaire autochtone en tant que mouvement. L’alimentation a été utilisée comme méthode de contrôle et de coercition dans la mise en pratique du traité à la suite d’une forte diminution de la principale source de nourriture des Autochtones due à la chasse excessive, d’où une dépendance aux rations alimentaires distribuées par le gouvernement colonial. Également, la promotion par les colonisateurs de l’agriculture en tant que meilleure façon d’utiliser les terres a contribué au confinement des peuples autochtones dans des réserves sur des terres limitées où ces derniers pouvaient difficilement mener des activités de subsistance et soutenir des systèmes alimentaires traditionnels déréglés. Les pensionnats ont réussi à anéantir les éléments culturellement fondamentaux aux modes de vie autochtones surtout en ce qui a trait au respect de la nourriture traditionnelle et des systèmes alimentaires. Le lien étroit entre le déclin de la souveraineté autochtone et l’utilisation coloniale de l’alimentation comme outil d’assimilation a été présenté comme point central des contrecoups de la politique coloniale sur l’alimentation. Dans un effort de réconciliation, l’alimentation et la récupération par les Autochtones de leurs systèmes alimentaires ont été reconnues en tant que mouvement de décolonisation concret pour la souveraineté autochtone. La souveraineté alimentaire autochtone s’est révélée compatible avec différentes valeurs et croyances autochtones et aussi comme possible outil de décolonisation compte tenu du contexte historique, culturel et social de l’alimentation dans les communautés autochtones. La souveraineté alimentaire autochtone vise à redonner le contrôle des systèmes alimentaires aux communautés autochtones. Cela peut fournir une importante plateforme où aborder les effets coloniaux, réfuter les logiques coloniales et promouvoir l’autodétermination des Autochtones comme faisant partie intégrante de leur culture et de leur alimentation.

En mille quatorze cent quatre-vingt-douze
Colomb navigua sur l’océan bleu,
C’était courageux de sa part…
Mais les terres étaient déjà habitées[2]
(Institut Latin American & Iberian, Université du Nouveau-Mexique, non daté)

Biographies 

Chelsea Major est étudiante à la maîtrise au Département de géographie, environnement et géomatique de l’Université Guelph. Elle s’intéresse à l’écologie politique des systèmes agroalimentaires au Canada, en particulier dans un contexte postcolonial. Son mémoire analyse l’importance socioculturelle et économique des baies sauvages à Terre-Neuve.

Dre. Sheri Longboat est professeure à l’École de conception environnementale et développement rural à l’Université Guelph et Mohawk Haudenosanne de la Confédération des Six Nations de la rivière Grand. Elle travaille depuis plus de 20 ans avec et au sein des communautés des Premières nations de l’Ontario. Ses recherches portent sur l’interface entre les institutions autochtones et occidentales et l’autodétermination de ces communautés, notamment au niveau de leur souveraineté alimentaire, sécurité hydraulique et leur durabilité.

Références

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Carter, S. (1990). Lost harvests: Prairie Indian reserve farmers and government policy. Montreal: McGill-Queen’s University Press.

Chaifetz, A., & Jagger, P. (2014). 40 Years of dialogue on food sovereignty: A review and a look ahead. Global Food Security, 3(2), 85–91. https://doi.org/10.1016/j.gfs.2014.04.002

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[1]                Traduction libre

[2]                Traduction libre

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