Par Deniz Tekayak Evrard
Face à une crise écologique d’ampleur planétaire, la nécessité de repenser la civilisation et la relation entre l’homme et son environnement sur la base de la durabilité et de l’harmonie avec la nature a conduit à l’émergence de discours alternatifs au paradigme dominant anthropocentrique. Les droits de la nature et le buen vivir font partie de ces discours. Ils en appellent à une transformation culturelle et institutionnelle, ce qui implique une transition vers un monde où les êtres humains vivraient en harmonie avec la nature. Ces alternatives contribuent à fournir des réponses aux questions socio-écologiques que le paradigme dominant ne pourrait plus résoudre. Rejetant le dualisme entre l’Homme et la nature ainsi qu’une vision linéaire du progrès, ils promeuvent une vision du monde qui laisse une place aux rationalités alternatives. Pris dans leur globalité, le buen vivir (bien-vivre en français) et les droits de la nature partent de l’idée d’un nécessaire décentrement du « développement » et d’une transformation des conditions épistémiques du débat (Escobar, 2018).
Ces discours alternatifs se développent déjà dans un nombre grandissant de pays, et sont promus à l’échelle internationale par de nombreuses initiatives (telles que l’Harmonie avec la Nature de l’Organisation des Nations Unies et l’Alliance Mondiale pour les Droits de la Nature). Cet article se focalise particulièrement sur ses développements en Bolivie et Équateur, étant donné que les deux pays représentent les réussites les plus significatives en termes de reconnaissance juridique et institutionnelle des droits de la nature et du buen vivir. Malgré ces avancées juridiques, leurs politiques actuelles sont totalement contradictoires avec les principes éthiques et la philosophie de vie promue par ces discours. Après avoir soulevé l’écart entre la loi et la pratique, l’article se conclut par une réflexion sur le potentiel émancipatoire de discours du buen vivir et des droits de la nature.
Vivre en harmonie avec la nature : un enjeu grandissant aux niveaux national et international
Partout dans le monde, on observe une multiplication des législations et des politiques reconnaissant la valeur intrinsèque de la nature et accordant des droits à la nature (Burdon, 2011). Depuis 2006, plus d’une douzaine de municipalités aux États-Unis ont reconnu les droits de la nature par la législation locale. En mars 2017, la Haute Cour de justice de l’État d’Uttarakhand en Inde a accordé aux rivières du Gange et de la Yamuna et aux glaciers himalayens Gangotri et Yamunotri, le statut de personnalité juridique. La même année, la Nouvelle-Zélande a concédé des droits à la rivière Whanganui et au mont Taranaki. En 2017, le Parlement de Victoria, en Australie, a adopté une loi reconnaissant le fleuve Yarraen en tant qu’entité vivante indivisible. Au Mexique, au Brésil et en Colombie, des évolutions encourageantes concernant l’adoption de la législation sur la protection de l’environnement et sur les droits de la nature sont en cours.
La mise en place d’un mode de vie durable qui respecte l’intégrité et la capacité régénératrice de la nature est devenue un enjeu grandissant au-delà de la sphère nationale. En 2009, l’Assemblée générale des Nations Unies a décidé de proclamer le 22 avril Journée internationale de la Terre-nourricière et a adopté sa première résolution sur l’harmonie avec la nature, invitant les États membres et agences de l’ONU à examiner la question de la promotion d’un mode de vie plus respectueux envers la nature. Cette initiative de l’ONU réunit plusieurs centaines d’experts qui se consacrent à la promotion d’une jurisprudence centrée sur la Terre en tant que solution pour soutenir la transition vers la durabilité. En outre, on observe des évolutions vers la reconnaissance des droits de la nature au sein de l’Union européenne. Dans cette optique, l’organisation Nature’s Rights a rédigé un projet de directive européenne qui prévoit la reconnaissance des droits de la nature, leur cadre de protection et d’application ainsi que leur réparation en cas de violation.
Concernant l’épanouissement d’une jurisprudence centrée sur la terre, la Constitution de l’Équateur est certainement celle qui va le plus loin suivie par la Constitution bolivienne. En septembre 2008, l’Équateur a modifié sa constitution pour y inclure les droits de la nature. Cette évolution importante a été suivie par l’adoption de la Loi de la Terre-Mère en Bolivie en 2010. La constitution équatorienne reconnaît à la Terre-Mère, ou Pachamama, le droit à l’existence, à la régénération, au maintien de ses cycles vitaux et à sa restauration. Devenant le premier pays au monde accordant un certain nombre de droits inaliénables à la nature dans sa constitution, l’Équateur a inspiré des initiatives juridiques qui se sont multipliées à travers le monde les années suivantes. En 2010, La Bolivie a adopté une loi de la Terre-Mère (Ley de Derechos de la Madre Tierra) qui reconnaît la conception indigène ancestrale de la nature comme un être vivant et qui accorde des droits à la nature. La même année, la Déclaration universelle des droits de la Terre-Mère a été adoptée durant la Conférence mondiale des Peuples sur le Changement climatique et les Droits de la Terre-Mère qui s’est tenue en Bolivie, lui reconnaissant des droits inhérents et lui attribuant le statut d’être vivant. Inspirée de concepts autochtones, la Déclaration universelle des droits de la Terre-Mère est une critique de la vision anthropocentrique et utilitariste et du système capitaliste qui sont à l’origine de la crise écologique planétaire.
Outre la reconnaissance des droits de la Terre-Mère, l’Équateur et la Bolivie valorisent également les sources autochtones du buen vivir qui constituent une alternative au paradigme dominant de développement capitaliste (Morin, 2013). L’idée du développement s’est imposée comme vecteur central de la modernité surtout dans la seconde moitié du 20e siècle. Issue de la logique du progrès de la civilisation occidentale et s’imposant comme objectif universel, elle repose sur la dichotomie « pays développés/sous-développés ». L’institutionnalisation de cette dichotomie caractérise la structure dominante des sociétés contemporaines. Elle justifie la relation de domination, l’exploitation et le cadre des savoirs occidentaux propres à la modernité. Face à l’orientation néolibérale des gouvernements post-autoritaires à la fin des années 1980 en Amérique latine, le buen vivir émerge en tant que critique de cette idée, réponse aux crises écologiques et socio-économiques et projet alternatif au modèle dominant (Vanhulst et Beling, 2013).
Le buen vivir est un appel à vivre en harmonie et en équilibre avec toute forme d’existence, avec les cycles de la Terre-Mère, du cosmos, de la vie et de l’histoire (Huanacuni, 2010). Le buen vivir se distingue de la notion du « vivre mieux » occidental, qui se rapporte quant à lui à un progrès illimité, à une consommation excessive, à un certain désintérêt pour les autres, à l’exploitation des hommes et de la nature (Morin, 2013). Inscrit dans la cosmovision des peuples autochtones andins, le concept kichwa « sumakkawsay » en Équateur et le concept d’origine aymara « sumaqamaña » en Bolivie sont constitués de différents éléments caractérisant le buen vivir. Le contexte pluriculturel et plurinational joue un rôle important dans l’épanouissement du buen vivir dans ces pays. Il n’existe pas de définition ni de formulation unique de ce concept ; le buen vivir se façonne différemment en fonction des contextes historiques, écologiques et sociaux (Gudynas, 2016).
En réaction aux pratiques néolibérales en Amérique du Sud et à la dégradation de l’environnement qui s’ensuit, la théorisation du sumaqamaña et du sumakkawsay et leur traduction dans les concepts de « vivre bien » en Bolivie, et de « bien vivre » en Équateur, sont passées par de nombreux processus de reformulation avant et après leur incorporation constitutionnelle. Les versions constitutionnelles du sumakkawsay et du sumaqamaña représentent des versions « diluées » de ces notions (Solón, 2018). Dans la Constitution équatorienne adoptée par referendum le 28 septembre 2008, le sumakkawsay est traduit par un ensemble de droits, tandis que dans la constitution bolivienne adoptée le 7 février 2009, sumaqamaña exprime un ensemble de principes éthiques et moraux (Solón, 2018). La constitution équatorienne élabore une série de droits, tels que le droit à un environnement sain, le droit à l’eau, le droit à l’alimentation, le droit à l’éducation pour garantir la réalisation du buen vivir. La constitution équatorienne spécifie également que le régime de développement du pays doit garantir la réalisation du buen vivir. Dans ce contexte, le développement n’est pas une valeur en soi, mais un instrument pour la réalisation du buen vivir (Gudynas, 2011). Le bien vivre est inscrit dans la constitution de la Bolivie de 2009 décrivant une vie communautaire, harmonieuse et autosuffisante. Il est avant tout un principe qui fournit les fondements éthiques de la plurinationalité en Bolivie (Merino, 2016).
En Équateur et Bolivie, les communautés indigènes ont lutté pour la reconnaissance de leurs droits et des droits de la Terre-Mère depuis longtemps. Ces communautés et leurs revendications restaient marginalisées jusqu’au début des années 2000. Une nouvelle ère débute avec l’arrivée au pouvoir d’Evo Morales en Bolivie et de Rafael Correa en Équateur, redéfinissant les relations entre l’État et les populations autochtones. Bien que l’Équateur et la Bolivie apparaissent comme des exemples en matière de protection juridique de l’environnement, leurs politiques actuelles reposant sur l’extractivisme entrent clairement en contradiction avec les discours qui remettent en question le modèle de développement dominant.
L’écart entre le discours et la réalité : les cas de la Bolivie et de l’Équateur
Les contradictions entre la vision promouvant un mode de vie en harmonie avec la nature et les politiques néolibérales exploitant les ressources naturelles et violant les droits des peuples autochtones sont évidentes dans les expériences bolivienne et équatorienne. L’un des plus grands défis soulevés correspond à la mise en œuvre des droits déjà adoptés. Les décisions et la prise de position des gouvernements bolivien et équatorien concernant certains projets vont à l’encontre de l’essence du buen vivir et des droits de la nature. Les politiques fondées sur l’extractivisme de Rafael Correa sont un exemple significatif démontrant le décalage entre discours officiels et réalité pratique (Villalba-Eguiluz et Etxano, 2017). Le discours du buen vivir implique de passer d’une économie extractiviste et de la vision utilitariste de la nature, à une société qui respecte les communautés et des écosystèmes, alors que le gouvernement équatorien utilise le discours du buen vivir pour justifier ses politiques favorisant l’extractivisme (Merino, 2016, p. 275). La tension entre les principes inscrits dans la constitution et la réalité vécue concernant le projet du buen vivir et les droits de la nature apparaît dans toute son évidence dans le cas de propositions visant à développer l’exploitation pétrolière dans le Parc national Yasuni et les réserves Ishpingo-Tambococha-Tiputini (Yasuni-ITT). La société civile a joué un rôle important dans la mise en place de l’initiative Yasuni-ITT et son évolution a été influencée par le désastre écologique Chevron-Texaco. En 2007, le gouvernement équatorien a renoncé à l’exploitation des réserves pétrolières d’Ishpingo-Tambococha-Tiputini situées dans le Parc national Yasuni, l’une des zones les plus riches du monde en termes de biodiversité. En échange de la non-exploitation du parc, Rafael Correa a demandé à la communauté une compensation financière de la valeur de 50 % du manque à gagner de l’exploitation. En 2013, en invoquant la faute d’apports internationaux significatifs, il abandonne cette initiative et autorise l’exploitation des réserves pétrolières du parc. Le projet Yasuni-ITT représentait une initiative innovante proposant un nouvel agenda international sur les changements climatiques qui aurait pu donner naissance à une multiplication de ce type de projets.
De son côté, la nouvelle constitution bolivienne adoptée en 2009 évoque les thématiques environnementales restreintes aux droits civils classiques tels que le droit à un environnement sain. Pour incorporer les droits de la nature, la Bolivie a adopté une Loi des droits de la Terre-Mère en 2010 (Loi 071) et une Loi-cadre de la Terre-Mère et du développement pour bien vivre en 2012 (Loi 300). La promulgation de la Loi des droits de la Terre-Mère n’a pas bénéficié du consensus qui a prévalu en Équateur durant l’adoption de sa nouvelle constitution car Evo Morales a entériné cette loi rapidement avant la Conférence de Cancún de 2010 sur les changements climatiques (David, 2012, p. 482). Soulignant que la Terre-Mère est considérée sacrée dans la cosmovision des peuples indigènes, cette loi rappelle le devoir des personnes physiques et juridiques, publiques ou privées de défendre et de respecter les droits de la Terre-Mère. Pour assurer l’entrée en vigueur, la promotion et la mise en œuvre des dispositifs de la loi 071, la mise en place d’un ombudsman ou d’un médiateur a été prévue par la loi des droits de la Terre-Mère. Cette mise en place n’est cependant pas encore effective. Toutefois, elle concrétiserait l’engagement du gouvernement en matière de protection des droits de la Terre-Mère.
Il peut en être conclu que, sur le plan niveau national, les développements concernant les droits de la nature montrent que la Bolivie est en deçà du renforcement des garanties législatives et judiciaires. La politique intérieure de la Bolivie contraste avec son effort relatif à la promotion des droits de la nature sur le plan international. Depuis sa nomination au titre de président de l’État plurinational de Bolivie en 2005, Evo Morales a été le fer de lance de l’effort international en ce qui concerne la reconnaissance des droits de la nature. Par exemple, en 2016, la Bolivie a signé un accord avec le Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies afin de contribuer au concept d’harmonie avec la nature au titre du fonds d’affectation spéciale du Forum politique de haut niveau pour le développement durable. En outre, la proposition d’Evo Morales à l’Assemblée des Nations Unies concernant la création du jour International de la Terre-nourricière et le rôle qu’il a joué dans la mise en œuvre du Sommet des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre-Mère de 2010 sont autant d’autres exemples de l’engagement d’Evo Morales dans les questions environnementales sur le plan international (Perrier-Bruslé, 2012).
Ces initiatives d’Evo Morales semblent en conflit avec la politique intérieure du pays. En 2014, le gouvernement bolivien a adopté une loi sur l’extraction minière et la métallurgie autorisant les activités minières dans des aires protégées, contrastant nettement avec les droits de la Terre-Mère (Villavicencio Calzadilla et Kotzé, 2018). En outre, la constitution Bolivienne inclut des dispositions relatives à l’exploitation et à l’exportation d’hydrocarbures, représentant un autre défi au renforcement du cadre juridique sur les droits de la Terre-Mère. Le projet concernant la construction d’une autoroute qui traverse le territoire indigène du Parc national Isiboro Sécure est un autre exemple qui démontre l’écart entre les efforts et l’image d’Evo Morales à l’internationale et ses pratiques sur le plan national. En août 2011, les peuples autochtones ont organisé une marche de protestation pour dénoncer la construction de cette route qui traverserait leur territoire. Cette manifestation est devenue objet de profondes tensions entre les peuples autochtones qui avaient pourtant contribué à l’accession d’Evo Morales au pouvoir. L’intervention disproportionnée des forces de police au cours de la marche a augmenté le soutien populaire en faveur des manifestants, tant sur le plan national qu’international. En octobre 2011, Evo Morales a finalement annoncé l’annulation définitive de ce projet de route. La prise de position du gouvernement dans ce cas précis montre clairement l’engagement contradictoire du gouvernement sur la protection de la nature et le respect des droits des peuples autochtones.
Conclusion
Bien que les gouvernements de Bolivie et d’Équateur promeuvent la reconnaissance des droits de la nature ainsi qu’un mode de vie en harmonie avec la nature sur le plan international, ces pays continuent à adopter une politique nationale pragmatique, en privilégiant l’approche néolibérale au détriment des garanties sociales et environnementales inscrites dans leur constitution (Villavicencio Calzadilla et Kotzé, 2018). Puisque la réorientation du développement économique vers un modèle post-extractiviste n’est pas encore réalisée dans les deux pays, l’application des droits de la Terre-Mère avance lentement.
En dépit de ses limites, le buen vivir et la question des droits de la nature sont des initiatives connectées dans le cadre de toute une gamme d’innovations pionnières (Escobar, 2018, p.58). La reconnaissance officielle des droits de la nature et le buen vivir présentent une occasion de repenser la relation entre la société, le droit et la nature (Rühs et Jones, 2016). Cette reconnaissance a le potentiel d’affronter le caractère anthropocentrique des politiques et de les encadrer vers une approche plus écocentrique. Malgré des insuffisances, les droits de la nature font partie du discours national en Équateur et en Bolivie. Par conséquent, la conformité des projets de développement aux principes du buen vivir et aux droits de la nature doivent être justifiés par les initiateurs. Par exemple, depuis l’adoption de la nouvelle constitution en Équateur, les droits de la nature ont été invoqués pour contrer des projets portant atteinte à l’environnement; la Cour constitutionnelle a également émis de nombreux arrêts de concernant la protection des droits de la nature (Kauffman et Martin, 2017).
Favorisant la consolidation d’une jurisprudence écocentrée, les avancées juridiques concernant les droits de la nature et le buen vivir en Bolivie et en Équateur représentent de grandes sources d’inspiration qui peuvent changer la gouvernance environnementale tant sur les plans nationaux qu’international. L’évolution des droits de la nature dans ces deux pays s’inspire déjà des pensées et des mouvements écologistes, ainsi que des politiques d’autres pays. Par ailleurs, le buen vivir, en tant que champ de réflexion et d’action, représente une alternative viable au développement durable et à l’économie verte (Vanhulst et Beling, 2013, p. 54). L’économie verte en tant que solution à la crise écologique planétaire est largement réduite à des mécanismes de gestion et à la marchandisation de l’environnement à l’aide de mécanismes tels que les marchés carbones. L’économie verte et le développement durable ne s’attaquant pas aux vraies causes de la crise écologique, ils ne remettent pas en cause le système de production actuel fondé sur l’exploitation de la nature et la destruction écologique.
Le buen vivir et la question des droits de la nature se construisent sur la réalité du système capitaliste, qui s’avère dévastateur (Acosta, 2014). Alimentée par la croissance économique, l’expansion du capitalisme nécessite toujours plus de ressources naturelles et de ressources énergétiques afin d’accumuler plus de profit. L’ensemble des activités humaines, qui s’est développé de façon exponentielle surtout à partir des années 1950, a produit une croissance économique avec des conséquences en grande partie irréversibles sur la nature. Le buen vivir et les droits de la nature offrent une critique environnementale du système capitaliste caractérisé par la surconsommation et le gaspillage. Ils constituent des alternatives aux fausses solutions qui ne reconnaissent pas l’existence de limites physiques insurmontables à la croissance économique. Ils mettent en avant la nécessité de façonner une nouvelle civilisation écocentrée où les êtres humains vivent en harmonie entre eux et avec la nature (Acosta, 2017). Par conséquent, ces discours sont indispensables pour remettre en question l’économie verte et le développement durable qui donnent la primauté à l’accumulation de la richesse au détriment de la nature et des générations futures.
Le capitalisme a créé d’une part une rupture irréparable dans la relation métabolique- l’échange complexe et dynamique- entre l’Homme et la nature, d’autre part il a créé des ruptures écologiques dans les cycles et processus naturels (Clark et York, 2005). La recherche constante de l’accumulation du profit a engendré une rupture irrévocable des conditions sociales et environnementales régissant la vie humaine sur Terre (Foster, 2019). Le capitalisme, caractérisé par l’incorporation du gaspillage et l’externalisation des déchets économiques et écologiques ne peut pas exister sans croissance et par conséquent, sans destruction écologique. Les discours alternatifs tels que le buen vivir et les droits de la nature s’opposent à la logique utilitariste et instrumentale du capitalisme en renforçant une nouvelle éthique de la responsabilité envers la nature (Foster et al, 2010). Dans cette optique, le buen vivir et les droits de la nature sont des initiatives qui ont le potentiel de réparer la rupture métabolique entre l’Homme et la nature, en transformant la relation écologique et sociale entre les êtres humains et la nature.
Biographie
Deniz Tekayak Evrard est doctorante en science politique à l’Université de Bourgogne.
Références
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