Le vote proportionnel pour une gouvernance plurielle et moins partisane

16-09-2012

 

Le vote proportionnel pour une gouvernance plurielle et moins partisane

Par Denis Saint-Martin

Dans les régimes démocratiques, les institutions distribuent toujours le pouvoir inégalement entre les élites et les masses. L’histoire de la démocratie est une série de luttes où les élites ont consenti, ou été contraintes, à céder ou à partager avec les masses une partie de leur pouvoir pour donner forme, au fil du temps, à des citoyennetés plus inclusives.

Le combat pour le vote

Les événements du « printemps érable » et les dernières élections laissent croire à l’arrivée d’un point de jonction critique dans l’histoire du Québec et de sa trajectoire de développement politique depuis la Révolution tranquille.  Mais en 2012 comme auparavant, les élites résistent toujours, et durement, aux pressions des masses pour leur inclusion dans l’exercice du pouvoir politique.

Comme avant dans l’histoire, l’objet du conflit constitue encore le vote. Mais cette fois-ci, il s’agit moins d’accorder le droit de vote à une nouvelle catégorie sociale, que de renforcer le pouvoir du citoyen à faire des choix qui reflètent mieux ses préférences. Le système électoral archaïque par lequel les masses choisissent leurs élites politiques est devenu dysfonctionnel dans le Québec du 21ème siècle.  Le gouvernement minoritaire présentement dirigé par Madame Marois en est que l’exemple le plus récent.

Un mode de scrutin inadapté

Le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis sont parmi les derniers pays au monde qui utilisent toujours le système électoral du vote uninominal à un tour. La plupart des démocraties sont passées au vote proportionnel. Le vote uninominal à un tour diminue la force du vote des électeurs. Il distribue inégalement le pouvoir entre les citoyens et les partis politiques les plus bureaucratisés.

C’est pourquoi ceux-ci résistent au changement de système électoral. Les élites du Parti Libéral et du Parti Québécois sont unies dans le désir de préserver leur pouvoir face aux électeurs.  Elles font front commun contre les citoyens et veulent maintenir les avantages que leur confère un mode de scrutin qui date du 19ème siècle et qui ne correspond plus au pluralisme de la société québécoise contemporaine. Aujourd’hui, le système uninominal à un tour est comme une camisole de force que les grands partis bureaucratiques imposent à l’électorat pour limiter ses choix politiques.

Contre la partisannerie avilissante

Les dernières élections ont produit un gouvernement minoritaire, une anomalie dans notre système politique. Le gouvernement minoritaire appelle le consensus, mais le système actuel incite les partis à se confronter et à exagérer artificiellement leurs différences. L’opposition doit toujours faire semblant d’être contre le gouvernement, même lorsqu’on la sait d’accord avec ses politiques. Si Françoise David a suscité une telle sympathie de la part du public lors des débats télévisés, c’est que le caractère non-partisan de son discours a touché une corde sensible dans l’opinion publique.

Il n’y a évidemment pas de politique sans partisannerie. Mais lorsqu’elle est extrême, elle devient parasitique pour la société. Aux États-Unis, la polarisation politique va de pair avec  la montée des inégalités socio-économiques.

L’hyper-partisannerie que favorise l’actuel système électoral divise la société et l’empêche d’avoir recours aux meilleures idées d’un parti ou d’un autre pour se doter de politiques publiques plus intelligentes. Bien sûr, certaines différences idéologiques entre les partis sont réelles. Mais pourquoi vouloir tant cacher les ressemblances? Après tout, les politiques économiques de Nicolas Marceau s’il devient Ministre des Finances ne seront pas fondamentalement différentes de celles de Raymond Bachand.

 

Un électorat plus uni que divisé

En ce moment, tout indique que les partis politiques interprètent la situation de gouvernement minoritaire comme le résultat de la division de l’opinion publique.  Comme ils se voient les porteurs d’un électorat polarisé, les partis risquent d’être querelleurs et peu enclins aux concessions. Le gouvernement sera alors paralysé, consumé par la politique partisane. Les élites politiques se disputeront entre elles plutôt que de travailler à la résolution des problèmes de la société.

On peut cependant faire une autre lecture des résultats du vote du 4 septembre dernier. Plutôt que divisés, les Québécois auraient au contraire été unis dans leur désir de voir travailler ensemble des politiciens de partis et d’horizons idéologiques variés. Dans l’addition de leurs votes, les Québécois ont déjoué un système biaisé en faveur du bipartisme pour se donner une forme de gouvernement pluriel, semblable à ceux produits en Europe par le mode de scrutin proportionnel.

La souveraineté du citoyen

Le système uninominal à un tour est inscrit dans des rapports sociaux et politiques d’un autre temps. Il est né dans des sociétés hiérarchiques où la confiance des masses envers les élites était bien différente de ce qu’elle est de nos jours. C’est un mode de scrutin qui limite l’offre politique. En 2012, les électeurs veulent plus de choix. Les masses veulent mieux choisir leurs élites politiques.

Dans le parlement minoritaire qui se réunira sous peu à Québec, la question de la souveraineté risque fort souvent d’être discutée. La souveraineté de l’État est une chose bien importante. Mais en démocratie, la souveraineté du peuple et des citoyens qui le composent est bien plus fondamentale.  À l’heure actuelle, cette souveraineté au Québec est limitée par des élites politiques en collusion qui imposent aux électeurs un mode scrutin qui traduit incorrectement leurs choix.

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