Rapports du mouvement syndical et l’Etat québécois au tournant de la Révolution tranquille

Bloc 1 – Roc, Jean-Claude,

Les années 1960 symbolisent les grands changements qui ont introduit le Québec dans la modernité. Ces mutations sociopolitiques, économiques et culturelles s’inscrivent dans l’histoire du Québec sous l’appellation  de Révolution tranquille. Celle-ci a modifié les rôles de l’Etat, donné naissance à de nouveaux rapports sociaux porteurs de nouveaux conflits et de nouvelles revendications.

Le présent texte s’intéresse aux rapports entre le mouvement syndical et l’Etat dans les relations de travail au cours des années 1960-1980.

Les nouveaux rôles de l’Etat

Pour mieux définir  et cerner les rapports entre ces deux acteurs sur le plan analytique, il nous parait nécessaire de faire référence à la Révolution tranquille :  un ensemble cohérent de réformes qui ont été mises en œuvre  pour aligner le Québec sur les sociétés capitalistes avancées. Il s’agit d’un processus politique défini en terme de rattrapage ou de modernisation permettant à la société québécoise de combler un certain nombre de retards accumulés, principalement depuis les années 1930 dans la transformation des structures, des institutions sociales et politiques (Rouillard, 1989: 29).

L’Etat s’attribue de nouvelles fonctions. Il intervient dans l’économie pour faciliter la mise en application de politiques économiques, pour réglementer les rapports entre les syndicats et le patronat. Il intervient aussi dans le social pour compenser les effets de la misère et les risques sociaux tout en assumant la gestion et la distribution des services sociaux. L’Etat québécois devient, comme tous les autres Etats où s’applique le keynésianisme, à la fois régulateur économique et régulateur social. L’Etat-Providence est à l’œuvre au Québec.

Les rapports de l’Etat avec les citoyens et les organisations sociales ont changé son intervention dans l’économie et dans le social, ce qui est l’enjeu de nouveaux conflits: de nouveaux mouvements sociaux émergent, porteurs de nouvelles demandes adressées à l’Etat et de nouvelles revendications. Les syndicats deviennent un acteur social très actif: ils interviennent non seulement dans tout ce qui touche le travail et qui y a rapport, mais aussi dans tous les débats politiques, sociaux et idéologiques.

Le radicalisme idéologique du mouvement syndical

Au début de la Révolution tranquille tout paraît être beau et harmonieux entre l’Etat et les organisations syndicales. Celles-ci, comme l’ensemble des forces progressistes, appuient le gouvernement dans la mise en œuvre des réformes et s’unissent à lui contre les forces conservatrices ou réactionnaires qui s’y opposent. (Piotte, 1977:95). Cette coexistence, qualifiée de pacifique (ibid.) ne dure pas longtemps, elle s’effrite et se rompt. Les conflits inhérents à toute forme de gestion de l’Etat capitaliste éclatent. La Révolution tranquille se transforme en tribune de revendications: revendications des mouvements sociaux pour assurer leur autonomie et avoir droit de participer aux décisions institutionnelles qui les concernent, radicalisation idéologique du mouvement syndical et affrontements  avec l’Etat-employeur pour défendre et protéger les intérêts des travailleurs face aux politiques patronales du gouvernement.

Il importe aussi de souligner que les principales réformes incarnées par la Révolution tranquille, c’est-à-dire la réforme du système de santé et d’éducation donnant accès à tous aux services de santé et d’éducation, et l’intervention de l’Etat dans l’économie, sont des demandes longtemps réclamées par les organisations syndicales (Rouillard, 1989: 287). Celles-ci « débordaient la dimension politique ou institutionnelle pour assumer les attentes des classes populaires » (Boucher, 1994:31). Insatisfait de l’approche de l’Etat québécois envers ces attentes, le mouvement syndical remet en question le modèle de société capitaliste.

Au niveau idéologique, le radicalisme syndical s’exprime à travers le virage à gauche des Centrales syndicales. S’opposant à l’idéologie de rattrapage du gouvernement libéral, voulant redéfinir l’organisation économique et sociale, elles publient chacune de leur côté, un manifeste politique élaboré à partir de la grille d’analyse marxiste. La CEQ, dans son manifeste intitulé L’école au service de la classe dominante, dénonce l’exploitation capitaliste, analyse la société en termes de conflits de classes antagonistes et l’école en tant que lieu de reproduction perpétuelle du système capitaliste. La CSN, dans son manifeste Ne comptons que sur nos moyens, tout comme la CEQ, s’attaque aux fondements du système capitaliste, avec beaucoup plus d’acuité, bien entendu. Elle propose l’abolition de l’Etat capitaliste pour le remplacer par un Etat socialiste. Dans cette société socialiste, indique la CSN, l’économie sera contrôlée par les travailleurs qui participent avec l’Etat, opposé aux intérêts de la bourgeoisie, à sa planification (CSN, 1971).

Quant à la FTQ, dans son manifeste L’Etat, rouage de notre exploitation, elle dénonce la domination de l’impérialisme économique qui s’effectue par la concentration du pouvoir économique aux mains des grands propriétaires mondiaux. (FTQ, 1971:15). Dans cette structure de domination, l’Etat joue un rôle clé, indique la FTQ, en établissant des politiques de subventions à l’entreprise privée qui se font en fonction des intérêts de la classe dominante (ibid.:16). Ainsi, l’intervention de l’Etat dans le développement économique, au lieu de corriger les inégalités dans la répartition de la richesse, soutient et maintient l’exploitation capitaliste (ibid).

Les centrales syndicales véhiculent un discours radical face au système capitaliste et à l’Etat. Mais si leur discours est d’inspiration marxiste, il y a toutefois une nuance à établir. Selon nous, leur projet de société n’est pas tout à fait homogène quant aux principaux objectifs. La CEQ, dans son discours, met davantage l’accent sur l’école qu’elle qualifie de moteur de reproduction des rapports sociaux de classes et de production, milite en faveur de la construction d’une société socialiste pour bâtir une école de masse. La CSN elle aussi, milite en faveur de la construction d’une société socialiste, mais pour bâtir un système économique planifié, géré par les travailleurs. Quant à la FTQ, elle revendique la participation du peuple québécois dans l’action économique, le renforcement des institutions économiques publiques, la nationalisation de l’épargne collective pour orienter le développement économique en fonction des besoins de la collectivité plutôt que sur celui des profits. La FTQ plaide en faveur de la construction d’une société où la collectivité, et non une classe spécifique s’approprie le pouvoir économique dont la gestion et l’orientation seront l’œuvre de l’Etat.

Les Centrales, avec une certaine nuance, militent en faveur du socialisme. Cependant, leur projet de société socialiste est vaguement défini, à peine ébauché et les moyens qu’elles envisagent pour le réaliser sont limités (Beaucage, 1989:20-21). Aucune de ces Centrales ne milite en faveur d’un parti travailleur authentique, capable de canaliser activement et politiquement l’option socialiste, c’est-à-dire selon Favreau,

« un parti qui regroupe les militants les plus actifs, un parti qui lutte pour le socialisme en répondant aux intérêts à court et à long terme des travailleurs et de toutes les couches exploitées du peuple, un parti qui systématise, oriente et unifie les luttes qui se mènent sur les différents fronts contre le capitalisme » (Favreau, 1978: 6).

L’absence d’un tel parti permet au mouvement syndical de se faire le porte-parole idéologique de la classe populaire.

Toutefois, malgré ces considérations et les différences entre les centrales dans leur critique du système capitaliste et dans les objectifs principaux de leur projet de société, toutes se rejoignent sur un point: la condamnation du rôle de l’Etat dans le développement économique, de la concentration du pouvoir économique dans les mains des possédants et la distribution inéquitable des richesses (Beaucage, 1989: 22). Cette phase de radicalisation traduit le dépassement du syndicalisme affairiste pour épouser le syndicalisme de combat (Piotte, 1977).

Les fronts communs intersyndicaux

Par ailleurs, l’intervention de l’Etat dans le social et sa gestion, fait de lui non seulement le décideur, l’orienteur des services sociaux et le distributeur, mais également le plus grand employeur au Québec. Il est à la fois concepteur et législateur des normes en matière d’organisation du travail dans les services publics et para-publics. Comme tout patron, l’Etat cherche considérablement à étendre son influence et son autorité dans les relations de travail avec ses employés. Ce nouveau « mode d’autoritarisme » modifie profondément les relations de l’Etat-patron avec le mouvement syndical.

Ainsi les négociations des années 1964-1968 ont permis aux Centrales syndicales d’obtenir certains gains importants pour leurs syndiqués des secteurs public et parapublic: augmentation de salaire et sécurité d’emploi. Par contre, elles sont marquées par des grèves et des arrêts de travail importants (Rouillard, 1989:376-377).

Par la suite, le gouvernement durcit de plus en plus sa position dans ses  relations avec les syndicats. C’est ainsi que dans les années 1971-1972, la CEQ, la CSN et la FTQ forment un front commun intersyndical pour contrecarrer l’intransigeance du gouvernement face aux revendications syndicales. La principale revendication soutenue par le Front commun consiste en une rémunération de $100.00 comme salaire de base hebdomadaire pour les salariés du secteur public et parapublic.

A la suite de grèves générales et de débrayages spontanés et avec l’appui de la population (ibid.: 380-382), les syndiqués obtiennent finalement gain de cause: leur revendication majeure, le salaire de $100.00 par semaine pour les 50,000 employés les moins payés du secteur public et un régime amélioré de sécurité d’emploi leur sont accordés (Fournier, 1994:76). L’indexation du salaire dans le secteur public aura un effet d’entraînement dans le secteur privé (ibid.). La revendication du salaire minimum de $100.00 est une revendication à visée économique qui inclut à la fois une portée de classe (Boucher, 1994:30).

En 1974-1975, les trois Centrales refont l’unité, forment un nouveau front commun et mettent de l’avant des revendications visant à récupérer le « pouvoir d’achat et de l’enrichissement perdus par la suite de la forte poussée inflationniste des années 1973-75 » (Beaucage, 1989:40). En plus des grèves entreprises par les centrales syndicales pour arracher l’indexation des salaires à la hausse des coûts de la vie, elles tiennent aussi un sommet sur la hausse des prix et l’indexation des salaires. A ce sommet ont aussi participé des représentants de l’Union des producteurs agricoles, des associations coopératives, de l’économie familiale et un mouvement de défense des consommateurs (Foumier, 1994: 101). Sous l’égide des centrales syndicales, plusieurs résolutions de revendications sont adoptées: réouverture des contrats de travail, indexation des salaires, relèvement des pensions de sécurité de la vieillesse; réajustement de toutes les formes d’allocation sociale et gratuité des médicaments pour les retraités âgés de 65 ans et plus (ibid.). Agents économiques agricoles, mouvement syndical et mouvement populaire se regroupent pour empêcher la détérioration du niveau de vie des salariés et des non-salariés.

Salaire direct et salaire indirect convergent. L’Etat est doublement mis en cause. En tant que patron, il est interpellé à rouvrir la convention collective et à procéder à une nouvelle négociation salariale. En tant que providentialiste, on lui rappelle son engagement à tenir compte des besoins sociaux de la population et à compenser les effets pervers de l’économie qui frappent avant tout les non-salariés (les plus démunis).

Nouveau front commun et remise en cause du concertationnisme

Le Parti québécois (P.Q.), une fois arrivé au pouvoir, cherche à améliorer les relations de l’Etat avec les organisations syndicales. Il met en oeuvre une politique de concertation, c’est-à-dire un nouveau mode de consultation par lequel le gouvernement péquiste entend « faire travailler ensemble et dans le même sens les syndicats, le patronat et l’Etat (ibid.:135). Josée Mona Gagnon (1991 et 1994) désigne cette initiative sous le vocable de tripartisme et de partenariarisme. Pour Caria Mummé Lipsig (1991), il s’agit d’une orientation néocorporatiste inscrite dans une approche nationaliste.

La politique concertationniste du gouvernement péquiste est caractérisée de plusieurs façons: conférence socio-économique, conférence thématique, conférence sectorielle, sommet régional, conférence au sommet (Gagnon, 1994: 70). Ce sont autant de forums permettant au mouvement syndical de se prononcer sur plusieurs questions d’intérêt général (ibid.). L’Etat reconnaît le mouvement syndical comme une force sociale et politique avec laquelle il faut travailler ensemble pour instaurer un nouveau contrat social, conçu dans l’approche de la social-démocratie.

Ainsi, les organisations syndicales sont les seuls groupes sociaux hautement institutionnalisés face à l’Etat et au capital, implicitement proclamés représentants non seulement des salariés mais aussi des sans-emploi, des retraités et de tous les exclus (Gagnon, 1991:175). La participation institutionnelle des organisations syndicales leur confère non seulement une reconnaissance politique et sociale de niveau supérieur, mais renforce le néocorporatisme du mouvement syndical.

Cependant, la politique concertationniste du gouvernement péquiste n’est pas à l’abri des conflits inhérents aux relations de travail. Le gouvernement Lévesque, pour faire face à la crise des finances publiques, se tourne vers les salariés de la fonction publique et décide unilatéralement de rouvrir la convention collective. Son objectif est de réduire la masse salariale des employés de l’Etat en procédant par des coupures, des réductions et des gels de salaires.

L’action syndicale entre en mouvement. La CEQ, la CSN et la FTQ refont l’unité et forment un autre front commun pour contrecarrer l’offensive patronale. De nouveaux affrontements se déclarent entre l’Etat-patron et le mouvement syndical. Le gouvernement vote la Loi 70, une loi matraque lui donnant le droit de récupérer de janvier à mars 1983, le plus clair des augmentations de salaires consenties en 1982 et, du même coup, le droit de suspendre l’exercice du droit de grève dans le secteur public et parapublic (Fournier, 1994: 183).

Le Front commun défie la loi 70 et poursuit ses pressions (grèves, arrêts de travail, manifestations). Le gouvernement ne bronche pas de sa position et applique ses décisions. Les enseignants entendaient maintenir une résistance à toute épreuve et sont forcés de retourner au travail. L’entrée en vigueur de la Loi 111, les menace de congédiements discrétionnaires, de perte d’ancienneté et de suspension de leurs droits syndicaux (ibid.: 185).

La politique concertationniste du gouvernement péquiste a refroidi pour un certain temps, l’ardeur du radicalisme syndical, mais elle n’arrive pas à le stopper comme nous le laisse entendre Jacques Boucher (1994:29).

En résumé, l’histoire du mouvement syndical des années 1970 et jusqu’au début des années 1980 est principalement celles des fronts communs intersyndicaux. Les centrales ont mis de côté leurs rivalités pour s’unir contre les politiques gouvernementales en matière de relations de travail. André Beaucage nous rappelle que: « Les fronts communs intersyndicaux ont défendu, entre 1971 et 1983, une politique salariale qui prônait une réduction des écarts relatifs de salaire et un enrichissement pour chaque salarié » (Beaucage, 1989: 78). Deux ambitions satisfaisantes, dit-il, des fronts communs.

L’action syndicale des fronts communs s’articule à la fois autour des revendications institutionnelles et organisationnelles sur le fond des rapports sociaux

André Beaucage (1989) analyse l’action syndicale des fronts communs uniquement en termes de revendications organisationnelles bien spécifiques, c’est-à-dire des revendications de politique salariale, tandis que selon nous, toute action organisationnelle a une incidence institutionnelle. Les fronts communs sont des formes d’action syndicale qui ont été menées sur deux fronts. Au niveau organisationnel, les fronts communs ont développé des stratégies revendicatrices offensives et défensives en matière de politique salariale et d’amélioration de la sécurité de l’emploi. De plus, leurs revendications ont aussi pour objectif de faire modifier les décisions institutionnelles et tenter d’ y faire participer le mouvement syndical. C’est le niveau institutionnel. A ce niveau, nous prenons pour exemple, tout particulièrement, les fronts communs de 1972 et de 1974. Le Front commun de 1972 a forcé le gouvernement à revenir sur sa décision de ne pas accorder le salaire de base de 100.00 aux employés du secteur public et l’a poussé à rouvrir la convention collective, avec la participation des centrales syndicales, pour la prolonger d’un an. (Fournier, 1994:82). Tout ceci a une incidence sur le rapport salarial.

Le Front commun de 1974-75 a également poussé le gouvernement à rouvrir la convention collective pour y inclure la principale revendication syndicale, l’indexation des salaires par rapport à la courbe de l’inflation, de même qu’il a obtenu aussi la participation des syndicats aux discussions. En 1982, le Front commun a tenté de faire participer les organisations syndicales aux discussions, aux prises de décision concernant la réouverture de la convention collective. Malheureusement, cette revendication n’a pu réussir à faire modifier la décision du gouvernement d’agir unilatéralement et d’imposer ses décisions. Ces revendications remettent en question les rapports sociaux existants entre le mouvement syndical et l’Etat.

Profitant des espaces démocratiques créés  par la Révolution tranquille, le mouvement syndical prend un virage à gauche, en inscrivant son discours dans la grille d’analyse de la lutte des classes. Cette orientation idéologique a une influence considérable sur la formation des Fronts communs et la remise en question de l’intervention de l’Etat dans le développement économique et, par le fait même, sur l’idéologie de rattrapage qui encadre la Révolution tranquille.

Jean-Claude Roc est hargé de cours au département de travail social et des sciences sociales à l’Université du Québec en  Outaouais(UQO) . Collaborateur au journal  Rue Frontenac.

Bibliographie

Beaucage, André, Syndicats et conjoncture économique. L’expérience des fronts communs du secteur public québécois. de 1971 à 1983, Sillery, PUQ,1989

Boucher, Jacques, Transformation du discours de la CSN sur la modernisation sociale des entreprises, Montréal, UQAM, Thèse de doctorat, 1994

Favreau, Louis, Les syndicats et la question du parti des travailleurs. Quelques expériences dans l’histoire du mouvement ouvrier international, Montréal, Les Presses solidaires, 1978

Fournier, Louis, Solidarité, Histoire de la FTQ, 1965-1992. La plus grande centrale syndicale au Québec, Montréal,  Québec/Amérique, 1994

Gagnon, Josée, Mona, Le syndicalisme : état des lieux, Québec, Institut québécois sur la culture, 1994

Le syndicalisme : du mode d’appréhension à l’objet sociologique, Sociologie et sociétés, Vol. 23, No, aut. 1995, pp 79-95

Lipsig, Mumme-Carla, Future conditionnal : Wars of position in the Québec labor  mouvoment, Studies  in Political economy, No36, 1991, pp, 73-101

Piotte, Jean-Marc, Le syndicalisme de combat, 1977

La CSN, Ne comptons que sur nos propres moyens, 1971

La CEQ, L’école au service de la classe dominante 1972

La FTQ, L’État, rouage de notre exploitation, 1971

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