La Révolution Tranquille : une histoire réinterprétée et genrée

Par Andrée Lévesque,

Version pdf.: Bloc 1 – Levesques, Andree

Amorcée il y a cinquante ans, la Révolution tranquille est ancrée dans l’histoire du Québec. Les différentes positions révisionnistes défendues sur la place publique ont de quoi dérouter les profanes : la R.T. n’a jamais eu lieu; elle n’était pas révolutionnaire; elle n’a profité qu’aux technocrates; elle est aujourd’hui dépassée et mériterait qu’on passe à autre chose. C’est toutefois beaucoup demander aux personnes qui s’en souviennent et à celles qui sont le moindrement au fait de la situation qui prévalait avant la dite révolution.  Comme la Guerre de Troie, la Révolution tranquille a pourtant eu lieu. Elle a peut-être été plus réformiste que révolutionnaire, elle n’était pas toujours sereine, mais elle ne mérite certes pas d’être oubliée.

Depuis le 40e, même le 30e anniversaire, les critiques fusent de toutes parts. Les nostalgiques regrettent un passé harmonieux et moins complexe qu’aujourd’hui où l’entraide était de rigueur et où l’école enseignait consciencieusement l’orthographe et la grammaire aux élèves. D’aucuns nient toute transformation véritable. D’autres se sentent floués par des réformes qui ont privilégié certains groupes sociaux mais sans réussir à établir une « véritable démocratie ».

Or, dans le cadre de ce débat, on n’entend guère parler des citoyens déçus qui depuis cinq décennies déplorent que les réformes ne soient pas allées plus loin et que l’État se désengage encore de ses responsabilités. Les critiques contemporains ont plutôt tendance à déplorer la présence étatique dans le domaine social et économique et à fustiger la lourdeur de la bureaucratie. De plus, selon eux, les héritiers de la Révolution tranquille se seraient rempli les poches et les classes moyennes seraient en déclin (à remarquer qu’au Québec on ne parle plus de classe ouvrière). Pour mieux étayer leurs propos, des caricaturistes transforment les artisans de la Révolution tranquille en hommes de paille, anticléricaux, technocrates, qui empêchent toutes critiques. Ces révisionnistes représentent les acquis, tels les nationalisations, la gratuités des services sociaux et de l’éducation postsecondaire, comme des vaches sacrées, des icônes, qu’il serait temps sinon de démolir du moins de les ajuster au libre marché. Car ces allégations sont irriguées par un courant antiétatique qui glisse d’un jugement sur la lourdeur de l’État à une attaque contre l’État social et ses mesures, aussi imparfaites soient-elles, de redistribution des richesses et d’aide aux plus démunis.

Très souvent, ces critiques fondent leurs analyses sur une approche générationnelle qui opposent la cohorte d’après-guerre, celle des « baby boomers », « gras-dur », égoïste et indifférente à une nouvelle génération qui s’estime flouée, toujours en quête de sa place au soleil.  Or, les générations ne sont pas monolithiques. Appréhender la société d’abord par ses clivages générationnels risque d’évacuer l’expérience spécifique de larges groupes sociaux tels que les classes sociales, les sexes/genres, ou les communautés ethniques.

Jeunes et souvent non-initiés à la méthode historique, ces pourfendeurs des réformes des années soixante tendent à ignorer la situation qui prévalait avant l’instauration des grands bouleversements associés à « l’équipe du tonnerre » du parti libéral.  En 1936, le gouvernement d’Union nationale succéda à un régime libéral corrompu en promettant un programme social emprunté aux dissidents libéraux. Ces derniers et leurs bonnes résolutions furent vite jetés aux oubliettes et le premier mandat de Maurice Duplessis fut marqué par des lois ouvrières rétrogrades, des coupures dans les secours publics alors que la dépression s’éternisait jusqu’en 1940, par l’adoption de la loi du Cadenas pour museler les critiques communistes et censurer des personnages comme André Malraux, ainsi que par des mesures plus progressistes comme le crédit agricole pour favoriser l’électorat des régions rurales.

La Deuxième guerre mondiale fut marquée par un véritable rattrapage tant au point de vue industriel qu’au point de vue social. Les femmes purent enfin voter aux élections provinciales, les parents furent obligés d’envoyer leurs enfants à l’école jusqu’à 14 ans. De plus, le gouvernement fédéral adopta l’assurance-chômage en 1940 et, en adoptant le Rapport Marsh, posa les premiers jalons d’un État social en instaurant les allocations familiales en 1944. Au nom de l’autonomie provinciale, ces réformes furent contrées et combattues par Maurice Duplessis mais sans que jamais soient proposées de mesures provinciales.

Les mandats successifs de l’Union nationale de 1944 à 1960 non seulement ne désavouèrent pas la loi du Cadenas ou la censure, mais reconduisirent des lois ouvrières répressives et poursuivirent une politique de  patronage.  Il faut noter toutefois que, de façon plus positive, l’Union nationale, championne de l’autonomie provinciale, résista aux velléités fédérales de reprendre l’impôt sur le revenu ou d’accorder des prêts aux universités. La position de Maurice Duplessis sur ces questions est souvent rappelée pour redorer son blason, mais ces mesures étaient alors très populaires et même Pierre-Elliot Trudeau s’opposait – pour des raisons constitutionnelles – aux subventions fédérales aux universités. Et si les budgets provinciaux étaient alors régulièrement équilibrés, même pendant la Crise, c’était grâce à un gouvernement qui refusait de s’impliquer dans le domaine social.

Cependant, il ne régnait pas uniformément une « Grande Noirceur ».  Montréal, ville de jazz et d’industries, était une ville moderne. À partir de 1952, la télévision atteint rapidement les foyers les plus éloignés de la métropole.  Le capital de monopole, de plus en plus américain, gagnait du terrain depuis le début du siècle.  Les bureaux chefs de banques et de compagnies d’assurance n’avaient pas encore déserté Montréal. Les syndicats affirmaient leur militantisme, s’attirant une répression de plus en plus ferme de la part d’une police provinciale inféodée au Premier ministre : Valleyfield, Asbestos, Lachute, Louiseville, Murdochville, l’histoire est jalonnée de conflits héroïques face à des intérêts patronaux appuyés par le pouvoir politique. Pourtant, dans cette « noirceur » brillaient des André Laurendeau, des Madeleine Parent, des Borduas et bien d’autres.

En 1960, dans les circonstances que l’on sait, arrive au pouvoir le gouvernement libéral de Jean Lesage qui engage le Québec dans sa deuxième période de déblocage en vingt ans. Cette fois-ci, les transformations iront plus en profondeur. Elles seront qualifiées de révolution, mot qui ne s’applique ici que dans le contexte québécois de 1960.  Je ne reviendrai pas sur les innovations liées à cette « révolution » telles que la Caisse de dépôt, les nationalisations — que les cyniques considèrent uniquement comme des programmes de travaux publics pour la classe moyenne —, les réformes de l’éducation ou du système de santé, pour ne m’attarder sur l’impact des réformes sur plus de la moitié de la population, je veux dire sur les femmes qui, comme catégorie sociale, vivent ces reformes de façon spécifique qu’il ne faudrait pas amalgamer à celle des hommes.

Dans les événements, les débats et les colloques marquant ce cinquantenaire, une réforme a été presque occultée: les amendements au Code civil en 1964. Claire Kirkland-Casgrain, la première députée élue à l’Assemblée nationale, présente le projet de loi 16, dont l’article 177 du Code civil stipule que désormais « la femme mariée a la pleine capacité juridique, quant à ses droits civils ». À partir du 1er juillet 1964, les femmes peuvent effectuer des transactions en leur propre nom, administrer leurs biens, exercer une profession sans la permission de leur mari, intenter un procès elles sont enfin libérées de la puissance maritale. Même si dans bien des foyers l’autorité du chef de famille ne s’exprimait pas au quotidien, elle restait un puissant symbole – et parfois moyen d’affirmation – de la sujéction des épouses. L’égalité est toutefois loin d’être acquise; il reste beaucoup à faire pour réformer les régimes matrimoniaux et la communauté de biens persistera pendant quelques années. À l’époque, seulement 20% des Québécoises signent un contrat de mariage. Pour les autres, en communauté de biens, le mari est le seul administrateur des biens de la famille et de ceux de sa femme; c’est encore le domicile du mari qui prévaut, les femmes sont toujours écartées des jurys, le père jouit toujours de sa puissance paternelle (jusqu’en 1977), mais la mise à jour du Code en 1964 marque néanmoins un pas important vers l’égalité civile des deux sexes.

Toutes les réformes de l’équipe du tonnerre ont affecté les femmes de façon distincte. Ainsi, sans avoir été les premières visées, elles ont largement profité des réformes de l’éducation. Rappelons qu’avant les années soixante, le Québec comptait deux fois plus de collèges, tous privés, pour les garçons que pour les filles. Mais de 1922 à 1959, seuls ceux des garçons recevaient des subsides gouvernementaux. Dans plusieurs des familles, vu les frais de scolarité, si on devait faire des sacrifices pour l’éducation des enfants, ou choisir lequel poursuivrait des études, on avait tendance à favoriser les garçons. Ainsi, en 1953, chez les francophones du Québec 8% des fils étaient inscrits au secondaire et moins de 1% des filles[1]. La gratuité des écoles secondaires– la gratuité des collèges sera acquise en 1968 – a donc plus profité aux filles qu’à leurs frères. Enfin, l’uniformisation des programmes, obtenue en 1965, ne pouvait que favoriser les filles qui jusque là, pour la plupart, n’avait droit qu’à un programme inférieur à celui de leurs frères et trop souvent se voyaient dirigées vers les instituts d’enseignement ménager plutôt que vers les écoles de métier qui leur assureraient un travail rémunéré. Souvent confinées à des emplois non qualifiés et mal rémunérés, en 1966 un tiers des femmes de 24 à 34 ans étaient sur le marché du travail. Derrière les initiatives gouvernementales œuvraient des féministes, des parents, des religieuses aussi, qui réclamaient depuis longtemps l’accès pour les filles à une éducation comparables à celles des garçons. Comme l’écrit Micheline Dumont : les réformes  des programmes et la gratuité de l’enseignement, « étaient le fruit d’efforts constant d’une poignée de femmes, religieuses, professionnelles, féministes, pour exiger le droit à l’instruction pour les filles, et dénoncer les modes de discriminations (formelle et informelle) qui les maintenaient à l’écart des principaux programmes. »

Les critiques de la R.T. auraient pourtant eu de l’eau au moulin s’ils avaient lu les études féministes sur les conséquences de la R.T. pour les femmes délogées par les fonctionnaires du gouvernement : les religieuses hospitalières et les éducatrices qui durent céder leur place aux fonctionnaires et aux experts laïcs de toutes sortes. Avec le principe de la mixité des écoles, il devint impensable pour une femme de détenir un poste de directrice. Dans les hôpitaux, les administrateurs qui remplacèrent les religieuses étaient tous masculins. Pendant des décennies, ces positions avaient offert aux religieuses une mobilité sociale à l’intérieur de leur communauté. Certaines atteignirent des postes qui seraient demeurées hors de leur portée dans le civil : sœurs économes gérant des millions d’investissements; supérieures et directrices, soumises aux évêques certes, mais régnant sur des centaines de femmes; et plus bas dans la hiérarchie, toutes ces femmes qui ont obtenu une éducation secondaire ou même supérieure grâce à leur communauté. Ces constatations ne reportent pas à une nostalgie hors propos, mais rappellent le sort de ces administratrices rétrogradées ou évincées, au nom de la compétence et de l’efficacité — car certaines étaient sans doute peu qualifiée mais la plupart possédaient une expérience précieuse —/ et ce à un moment où, dans la foulée du Deuxième concile du Vatican et des changements sociaux qui balayaient le Québec, des centaines de religieuses ont quitté leur communauté pour se retrouver sans pension et sans économies. Un grand nombre a réussi à se recycler et à obtenir un travail de bibliothécaires, d’infirmières, d’enseignantes ou de travailleuses sociales, mais elles ne furent pas entièrement dédommagées pour les années passées sous le voile.

Au Québec, un grand bouleversement dans les comportements sexuels est parfois attribué, mais à tort, à la Révolution tranquille. La pilule contraceptive est commercialisée aux États-Unis en 1960 et très tôt certains médecins, surtout montréalais, vont l’offrir aux femmes qui viennent les consulter. La plupart des femmes ont depuis longtemps cherché à contrôler leur fonction reproductive, par la méthode Ogino-Knauss, celle du thermomètre, l’abstinence, la chambre à part et même l’avortement clandestin, mais c’est la première fois qu’un moyen efficace est à leur portée. La baisse de la fécondité est amorcée depuis la fin des années cinquante. Le taux de natalité brut de la période 1956-1960 se situait à 28,6 par mille habitants; pendant la période 1961-1965, il est passé à 24 pour mille, une baisse qui prend place avant que les effets de la pilule se fasse pleinement sentir, vu la réticence de la plupart des médecins francophones à la prescrire. En 1970, le taux aura atteint 16,8 pour mille. On ne peut sous-estimer le sentiment de liberté qu’apportera la possibilité de planifier les naissances, d’échapper aux « mariages obligés », d’éviter les risques liés aux avortements clandestins, ou encore de devoir accoucher à l’hôpital de la Miséricorde pour « filles-mères », comme on les appelait, et d’être contrainte de donner son enfant en adoption. Cependant, faire l’amour sans crainte ne peut pas être directement associé à la Révolution tranquille et nombre de femmes mettaient leur vie en jeu pour mettre fin à une grossesse inopinée. La libération des mœurs, au moins dans les grandes villes, a semblé précéder l’accession à la contraception, mais même si la vente de prophylactiques demeurera inscrite au code criminel du Canada jusqu’en 1968, on pouvait s’en procurer dans presque toutes les pharmacies. Ce qu’on qualifie de révolution n’est pas arrivée tout d’un coup et les changements de mentalité étaient engrenés bien avant.

La Révolution tranquille n’a jamais prétendu à une plus grande démocratie économique et la prospérité des pays occidentaux, avant la crise pétrolière de 1973, a eu son rôle à jouer dans la hausse du niveau de vie des Québécoises et des Québécois. L’égalité économique des femmes est demeurée chimérique et la division sexuelle du travail est bien implantée. Les lois d’équité salariales sont venues longtemps après une révolution qui ne s’en est peu soucié. La conscience de l’étendue de la violence familiale a dû attendre. La fondation de la Fédération des Femmes du Québec en 1966, dont le terreau a sûrement été préparé par les espoirs suscités par la R.T., et l’explosion du féminisme à partir de la fin des années soixante, se chargeront d’une révolution féministes encore en marche[2].

Les rapports de pouvoir entre les sexes perdurent toujours, ce n’est qu’une manifestation de la persistance des structures sociales demeurées inchangées. Il n’y a pas eu beaucoup de redistribution de pouvoir ou de richesse, ni entre le Canada et le Québec, ni à l’intérieur du Québec. En 1970 comme en 1961, le revenu moyen des Québécois représentait 90% de celui de la moyenne canadienne. Même pendant les années fastes où les taudis disparaissaient sous l’assaut des démolisseurs et où les routes se pavaient à toute allure, le taux de chômage demeurait au-dessus de la moyenne canadienne et les écarts des revenus entre les plus riches et les plus démunis, et entre les femmes et les hommes, ne se rétrécissaient guère[3].

Autant la Révolution tranquille que ses critiques ne peuvent être compris hors du contexte international dans lequel ils se situent. Les réformes libérales se situent au cœur des Trente Glorieuses économiques, pendant les mouvements de décolonisation, la déségrégation raciale aux États-Unis, la guerre du Viet Nam, la Révolution culturelle chinoise, les revendications étudiantes, l’essor de la Nouvelle gauche occidentale et le Congrès de Vatican II. Aujourd’hui, le révisionnisme est ancré dans la libéralisation des marchés, le post-modernisme, la « troisième voie » de la social-démocratie, l’intervention militaire en Afghanistan, les crises financières, et le ressac antiféministe. Un révisionnisme amnésique, qui n’est pas innocent, et qui risque de nous propulser au « bon vieux temps » de l’État discret et irresponsable. Car certaines des critiques récentes de la R.T. se situent malheureusement dans le cadre d’un néo-libéralisme qui prône l’abolition de l’État-providence, en faisant appel tantôt aux idéaux postmodernes d’autonomie de l’individu, tantôt tout simplement aux contraintes financières que la responsabilité sociale de l’État impose aux nouvelles classes moyennes.

Andrée Lévesque est professeure retraitée en histoire de l’Université McGill, spécialisée en histoire économique et sociale, plus particulièrement en histoire du mouvement ouvrier et de la classe ouvrière au Québec, et en histoire des femmes en Occident.


[1] .  Claude Galarneau, Les Collèges classiques au Canada français, Montréal, Fides, 1978, p. 63-65.

[2] En 2006, les revenus des femmes, dérivés de toutes sources, représentent 63% de celui des hommes, et moins si elles appartenaient à ce qu’on nomme des « minorités visibles ». Il demeure beaucoup plus de femmes que d’hommes à la tête d’une famille monoparentale et leurs revenus sont de beaucoup inférieurs. En 2007, le revenu des familles monoparentales dont la femme était la cheffe s’élève à 39 347$; celles dont un homme était le chef, à 60 302. Québec, Conseil du Statut de la femme, Portrait des Québécoises en 8 temps, 2010, p. 7; Dossier immigrantes, http://www.scf.gouv.qc.ca/index.php?id=18;  Revenu moyen des unités familiales selon certaines (type de famille, âge, scolarité et mode d’occupation du logement), Québec, 2007. http://www.stat.gouv.qc.ca/donstat/societe/famls_mengs_niv_vie/revenus_depense/revenus/revfam_tab1.htm; Après les transferts, les revenus se chiffrent à 36 669$ pour les femme et 49, 318$ pour les hommes en situation monoparentale.

Sur le plan domestique, les rapports de pouvoirs n’ont pas beaucoup bougé puisque les femmes sont victimes de violence conjugale 4,5 fois plus que les hommes Au Québec, 17 321 infractions contre la personne commises dans un contexte conjugal ont été rapportées à la police en 2008. Ces crimes ont fait 14 242 victimes féminines (82 %) et 3079 victimes masculines (18 %Il ne s’agit que des cas rapportés à la police. Ministère de la Sécurité publique, La criminalité dans un contexte conjugal –Statistiques 2008. Document non publié.

http://www.inspq.qc.ca/violenceconjugale/statistiques/default.asp?id=6

[3] Quant aux écarts de richesse, Centre canadien de politiques alternatives nous apprenait, en décembre 2010, Au cours de la dernière décennie, le tiers de l’augmentation des revenus des Canadiens a profité à 1 % de la population, soit aux 250 000 personnes qui gagnent plus de 169 000 $ par année.

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