L’arrivé des Khmers rouges au pouvoir
Les Khmers rouges est un surnom donné au parti communiste qui a dirigé le Cambodge de 1975 à 1979. Le mouvement communiste est apparu la première fois en 1951, en réaction à la période coloniale. Cependant, le mouvement a pris une toute autre direction dans les années 1960 lors de la guerre froide et de la guerre du Vietnam. Le monde entier (surtout en Asie du Sud-Est) était divisé en deux pôles : communiste et capitaliste. Sihanouk, premier ministre à l’époque, avait compris que le Cambodge devait garder une position de neutralité et que la population n’était pas prête à se lancer dans un nouveau conflit après tant d’années sous occupation française. Toutefois, comme mentionnée dans la partie précédente (voir L’Arrivée au pouvoir de Sihanouk 1941-1970), Sihanouk était plus préoccupé par ce qui se passait à l’extérieur du pays et ne se souciait pas de la pauvreté ou des problèmes présents dans les zones rurales, et préférait se préoccuper à développer une classe d’élites dans la capitale. Le manque d’intérêt envers les besoins de la population a donc été un facteur important qui a renforcé et déclenché des mouvements communistes à travers le pays.
En réaction à cela, Sihanouk a décidé de mener des campagnes de purges contre les communistes dans tout le pays. En effet, certaines sources dévoilent que « Les Khmers Rouge capturés furent souvent exécutés d’une manière assez féroce : décapitation et exposition des têtes coupées, précipitation dans le vide du haut des falaises du Bokor (…) sans parler de ceux qui étaient éventrés puis suspendus aux arbres jusqu’à que mort s’en suive ». Ces répressions ont poussé plusieurs personnages politique comme Saloth Sar (Pol Pot), Ieng Sary et Khieu Samphan à fuire la capitale pour le maquis. C’est à partir de ce moment qu’a commencé l’endoctrinement et le recrutement des Khmers rouges dans les campagnes.
De plus, vers la fin des années 1960, les États-Unis soupçonnaient que l’Est du Cambodge était un lieu de refuge pour les communistes vietnamien (piste Hô Chi Minh). Ils ont donc en 1969 mené une mission de bombardement secret au Cambodge, faisant plus de 500 000 morts avec 2.7 millions de tonnes de bombes larguées. Cela a également été un facteur influent dans le recrutement des Khmers rouges, car à suite de cela, plus de 10 000 paysans ont quitté leur villages pour se rallier à la cause communiste.
Suite au coup d’État de 1970, soutenu par la CIA et orchestré par Lon Nol, Sihanouk était désormais en exil et cherchait un pays qui lui donnerait refuge et soutien. Il finit par s’allier à la Chine, mais avec une condition : créer une alliance avec les Khmers rouges et devenir le chef du mouvement de la résistance (contre Lon Nol et les États-Unis). Sihanouk a donc accepté cette condition et a appelé à tous les cambodgiens, notamment les Khmers rouges, à prendre les armes contre le régime de Lon Nol.
1975-1979
Une fois arrivé à Phnom Penh le 17 avril 1975, les Khmers rouges ont directement commencé à évacuer la capitale, sous prétexte que les américains allaient bombarder la ville. L’évacuation de la population vers les campagnes marque les prémisses des massacres qui étaient à venir. En effet, en seulement trois ans, huit mois et vingt jours (du 17 avril 1975 au 7 janvier 1979) les Khmers rouges ont exterminé plus de 20% de la population, soit environ 2 millions de cambodgiens.
Pendant cette période, les Khmers rouges se sont débarrassés de toutes influences étrangères, des errements du capitalisme et des compromissions de la monarchie et ont fait un retour autarcique au Cambodge précoloniale et agraire. En effet, dès leur arrivé au pouvoir, les dirigeants Khmers rouges ont imposé l’idée de construire une société sans classe de type rural, inspiré de l’idéologie maoïste. Tout était mis en commun et la population était envoyé dans des camps de travail ou de ré-éducation. L’historien David Chandler explique que les cadres Khmer rouges qualifiaient l’année 1975 « d’année zéro, l’aube d’une époque où il n’y aura pas de familles, pas de sentiments, pas d’expression d’amour ou de chagrin, pas de médicaments, pas d’hôpitaux, pas d’écoles, pas de livres, pas d’apprentissage, pas de vacances, pas de musique, pas de chansons, pas d’argent, seulement le travail et la mort ».
Pour mieux contrôler la population les khmers rouges ont effectué une refonte de la langue Khmer, créant alors un impact psychologique fort sur la population. Ils ont abolit la hiérarchisation de la langue, voulant dire qu’il n’y avait plus de différenciation entre les classes ni entre les sexes ; une des particularités de la langue khmère. (les moines, la famille royale et les nobles n’avaient pas le même lexique que le reste de la population). Les adjectifs possessifs et les pronoms personnes sont aussi supprimés. Les citoyens doivent s’appeler « Mît » ce qui signifie « camarade » tandis que les cadres se faisaient appeler « bâng » que l’on peut traduire par « grand frère » ou « grande sœur ». Ce nouveau système d’appellation s’inscrit dans la volonté des khmers rouges de créer une sociétés sans classe et donc sans distinctions entre les individus notamment au niveau du langage puisque
Il est également important de mentionner que le régime des Khmers rouges était dirigé, à ses débuts, par une organisation anonyme appelée « Angkar » ; qui se traduit littéralement par « organisation ». L’Historien Henri Locard explique que l’Angkar était à la fois « le parti communiste du Kampuchéa, son comité permanent, ainsi que l’appareil de sécurité de l’État, était représenté dans toutes les cellules de la société Khmère rouge ». Et que l’absence d’identité était « l’arme psychologique que ces terroristes utilisaient pour maintenir tout la population dans un état de peur et de soumission abjecte ».
Occupation Vietnamienne (1979-1989)
Vers la fin de 1978, de nombreux incidents ont eu lieu à la frontière khméro-vietnamienne, détériorant ainsi les relations entre les deux pays. En effet, les khmers rouges ont mené, à de nombreuses reprises, des offensives contre le sud du Vietnam ; un endroit contesté que les cambodgiens appellent « Kampuchéa Krom », ce qui signifie « le bas du Cambodge ». Ces attaques brutales et répétés ont poussé les Vietnamiens à envahir le Cambodge, en 1979, afin de mettre fin au régime de Pol Pot. Ce fût également un moyen pour le gouvernement vietnamien de provoquer la Chine, un allié important des Khmers rouges.
Avec une armée de 150 000 hommes, les vietnamiens ont réussi à repousser les Khmers rouges jusqu’à la frontière thaïlandaise en à peine 14 jours. Les combattants Khmers rouges étaient rapidement débordés car ils étaient affaiblit par les années de famine et de travaux forcés. De plus, la plupart d’entre eux étaient des paysans ou des enfants peu entrainé pour les batailles.
Malgré l’occupation vietnamienne, les combats avec les Khmères rouges ne cessèrent qu’en 1989. À leur arrivé, les dirigeants vietnamiens ont instauré un nouveau gouvernement pro-vietnamien et ont proclamé le Cambodge la République populaire du Kampuchéa. Ils ont également profité du moment pour piller le pays de toutes ses richesses (or, bijoux, pierre précieuses, etc.).
Une grande partie de la population, pendant ce temps, s’était déplacée dans des camps de réfugiés en Thaïlande. Où ils espéraient trouver de la nourriture, retrouver leurs proches et commencer une nouvelle vie.
Le Vietnam s’est finalement retiré du Cambodge en 1989, suite à des pressions de la part de l’ONU et de la communauté internationale. À la suite de cela, l’ONU a mis en place un gouvernement provisoire au Cambodge appelé « APRONUC » (Autorité provisoire des Nations Unies au Cambodge). Il avait pour mandat « d’organiser des élections générales libres et équitables, de mettre en œuvre des arrangements militaires, de veiller à l’administration civile, au maintien de l’ordre public ainsi qu’au rapatriement et à la réinstallation des Cambodgiens réfugiés et déplacés, en plus de voir la réfection de l’infrastructure essentielle pendant la période de transition » (Défense nationale, 2016).
Bibliographie
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